mardi 30 décembre 2014

Ecran Total

On m'a mis Out of the furnace sous les yeux avec un argument assez simple - c'est un truc avec Bale. Comme j'en suis encore au stade très naïf où un acteur suffit à donner une crédibilité au film, j'ai regardé ça sans aucune idée de ce dont il s'agissait - sans ça, j'aurais sans doute hésité. Récit d'une vie merdique qui tourne toujours un peu plus mal, on pourrait penser que le film a été écrit par Davidson: un haut-fourneau, une ville industrielle en décrépitude, des combats de boxe clandestins et des vieux marines qui meurent sur leur canapé. Tout ça mené par une brochette d'acteurs de films indépendants pas piquée des vers - Casey Affleck, Harrelson (nouvellement adoubé depuis qu'il parle avec son menton), Whitaker et ce bon vieux Sam Shepard : c'est un peu le Ocean Eleven de Sundance quoi.
Le film est cela dit pas mal du tout: même si on passe par pas mal de clichés du genre, ça reste très beau du point de vue photographique, avec des belles usines abandonnées et des champs plein de vieille ferraille. 

The Rover est un autre film à grosses couilles, avec une histoire on ne peut plus simple: un type se fait voler sa voiture et décide de choper les gars qui lui ont fait le coup pour la récupérer. Sauf que. Ça se passe dans une Australie du futur (?) dans laquelle les chinois ont pris le pouvoir et dirigent des mines. Ordre social complètement foutoir, ravitaillement à base de vieilles boîtes de conserve, bouffage de clébards et fusil sur le siège passager: la chasse à la bagnole ne se fait pas sans éclaboussures au passage. Au final, ça donne un mix de Mad Max, The Road et Deliverance - pour le côté rednecks, freaks et compagnie. On trouve aussi Rob' Pattison qui teste ses cours d'Actors Studio et dont on comprend au départ mal l'intention: essaie-t-il d'imiter l'accent australien du futur? En fait, il joue un simple d'esprit - et s'en sort pas si mal au fond. Bon, faut être honnête, c'est pas mal foutu: les paysages, c'est beau, les dialogues, c'est brut et les nains explosés, c'est fun. 

Le titre de Cold in July continue de m'interroger: mais qu'est-ce donc qui est froid (en juillet)? Le temps? Les cadavres? Les marmottes dans leur terrier?  Mystère. En tout cas, c'est le troisième film bien burné de cette fournée: des bons vieux cow-boys en mission dans le Texas des années 80, des canons sciés à double barillet et des snuff en VHS: oh boy! Le scénar' est pour sa part bien surprenant: ça commence par un coup de fusil mal placé (un type flingue un voleur) et ça prend à partir de là des tournants qu'on a du mal à prévoir - et pour une fois, j'en dirais pas plus pour pas spoiler. On retrouve ce bon vieux Dexter qui malgré moustache texane et mulet peine à trouver une place dans la seconde partie du film (gros trou dans le scénario ici: que diable est-il parti foutre dans ce bordel?), Don Johnson qui a ressorti ses plus belles bottes et qui fait glisser le tout un cran vers le comique et ce bon vieux Sam Shepard, toujours sur les bons plans du genre. Ce film a beau avoir été recommandé par Cosmo, faut pas avoir peur: c'est finalement un bon petit film noir bien troussé de derrière les fagots.

Et j'ai conclu cette série avec Mud qui me semblait tout indiqué: redneck, arty ET avec Sam Shepard dedans. C'est un truc de fugitif finalement assez banal: des gamins rencontrent un type sur une île qui attend une gonzesse pour laquelle il a flingué un autre quidam dont la mort va bien sûr être vengée par une armée de bougres tout en tatouages et moustaches assorties. L'idée est de voir ça à hauteur d'yeux du gamin: 14 ans, toutes ses dents et des idées sur l'amour et la vie pleine d'amour et de petites fleurs (un peu étonnant vu le gourbi familial dans lequel il évolue). Alors entre le Mud (McConaughey qui n'a pas fini d'exploiter son stock d'accents du South profond) qui vit dans un bateau sur un arbre et une paire de gosses qui ont trop lu la bibliothèque rose, ça finit forcément par une série de décisions pas bien malignes. Parfois un peu énervant pour le côté ultra-naïf et candide-aux-grands-yeux du fiston (sérieux, à 14 ans faut s'appeler Proust pour être aussi neuneu), le film tient pourtant vraiment bien la route et rassure un peu après le flippant Take Shelter. Ça ressemble plus à Shotgun Stories dans l'ambiance générale: ultra-violente mais saisi par une photographie atmosphérique, douce, centrée autour de la lumière et de ses variations, et de l'eau - l'élément central de tout ça, peut-être aussi ce qui donne cette douceur somnolente au tout.

Out of the furnace, Cooper, 2013
The Rover, Michod, 2014
Cold in July, Mickle, 2014
Mud, Nichols, 2012

samedi 27 décembre 2014


Croatia, 2014

Tristesse Contemporaine- Daytime, Nightime

mercredi 24 décembre 2014

Ecran total

On n'a toujours pas très bien compris le principe de A field in England: en gros, des types sont dans un champ (en Angleterre) et cherchent un trésor. A la fin, y'en a qui meurent, puis ils reviennent au début et ils sont de nouveau vivants. Venant de Wheatley, on a vainement attendu un twist de malade qui transforme un film historico-ironique en truc de grand malade, mais non. Il y a bien une petite demi-heure de montage psychédélico-arty (encore là, déception: l'avertissement aux épileptiques de début de film laissait présager un truc bien violent visuellement). On sent un peu l'entourloupe: le scénar' est en fait un truc pondu par le petit neveu de Wheatley: c'est presque ça, c'est une oeuvre de sa meuf. Bon, il reste que c'est magnifiquement réalisé, toujours avec un ton fendard et des images démentes - un champ dans la brume, un champ au lever du jour, un champ au couchant, mais très beau, très atmosphérique. Il manque un peu d'action, dommage pour le filon sorcellerie, potentiellement bien parti pour être un méga trip mais finalement pas exploité à fond. Y'a des beaux costumes aussi.

J'ai lu The Getaway du génialissime Thompson il y a un moment - l'intrigue n'était donc pas trop fraîche mais je me souvenais globalement d'une histoire d'embrouilleur qui se fait embrouiller et le road trip de couple vers le Mexique. L'adaptation est pas mauvaise: on retrouve le côté cow-boys braqueurs en folie et les chassé-croisés entre différentes factions aux trousses d'un seul pauv' Steve McQueen et de sa gonzesse qui fait la moue constamment. Quelques séquences du début - le générique en prison par exemple - sont splendides, montées avec un rythme impec et une souplesse d'alternance vraiment épatante. L'aspect montage alterné se dilue un peu, mais persiste comme principe de fond entre les différents itinéraires empruntés par les amoureux, le braqueur amoché et leurs boss un peu vénères. J'ai halluciné en découvrant Al Lettieri qui a une gueule faite pour jouer un méchant thompsonien: sa présence transpire le malsain, le dégueu bien gras. La petite troupe qu'il trimballe, un vétérinaire soumis et sa femme aux gros poumons complètement mystifiée par tant de dégueulasserie donne un truc bien sale qui compense un peu le côté neuneu de la fin.

Still Life est un avant tout un film photographique. Profitant d'un des avantages largement sous-estimés de la Chine contemporaine, à savoir son industrialisation complètement sauvage qui crée des paysages post-apocalyptiques à foison, Zhangke déroule un scénario somme toute simple - des gens qui cherchent quelqu'un qu'ils ont perdu de vue - dans un cadre tellement dingue que ça en devient fantastique (ce qui explique les vaisseaux spatiaux). Le ressort, c'est le lieu: un barrage géant, construit sur le Yangtze et dont la construction a noyé des villes entières. On arrive en fait au milieu du développement du barrage, puisque l'eau devrait encore monter: du coup, entre ce qui a déjà été noyé (et les habitants déplacés un peu au pif) et ce qui va l'être, les barres d'immeubles qu'on démonte, réduit en pièces et les gens trimballant leur bordel vers d'autres contrées plus vertes (ou en tout cas, plus hautes) on est toujours à deux doigts de la fin du monde. Le tout est montré de façon très sobre, sans dramatisme ni chouinage existentiel: des longs plans immobiles, silencieux, des cadrages monstrueux de villes à moitiés démolies, des images complètement dingues d'une mégalomanie architecturale difficile à mesurer. Là-dedans, des petits bonhommes se baladent, au gré du fleuve, à la recherche d'un mari, d'une fille perdue de vue. On se doute bien que ça ne finira pas toujours bien, mais une certaine résignation calme règne des hommes impassibles comme le fleuve.


A field in England, Wheatley, 2014
The Getaway, Peckinpah, 1972
Still Life, Zhangke, 2006

samedi 13 décembre 2014

Ecran total

J'ai tellement aimé le crocodile redneck, que j'y suis retournée pour mater The Funhouse, un film qu'il est gaiii: comment finir réduit en bouillie alors qu'on était parti pour une soirée de gaudriole à la foire du Midi.  Alors en fait, "funhouse", c'est un peu un faux-ami: c'est plutôt d'une maison hantée qu'il s'agit. Nos amis les jeunes ( panel type un saumâtre, un rebelle/pompiste, une délurée, une chaudasse) vont se lancer un défi bien con: bah si on dormait dans eul'maison hantée? Hein? Après moult signes avant-coureurs pas vraiment encourageants (une vieille sorcière qui délire dans les chiottes, des forains au regard perçant/inquisiteur, des pervers pépères qui matent les strippers en douce et de la barbe-à-papa suspicieuse, ils mettent leur projet à exécution, et découvrent l'envers du décors fait de petits chariots tueurs, de ventilateurs-guillotines, et un monstre tellement vrai, que son masque sert à cacher sa vraie tête d'affreux. On retrouve un bon vieux thème: celui des freaks et de l'univers des forains, des mecs pas hyper nets, toujours un peu catins, souvent carrément maquereaux et nourris à la pomme d'amour. On a reconnu le monstre de Wrong Turn 1 à 6 qui aiguise ici son répertoire avec une grande scène du freak-qui-lui-aussi-veut-de-l'amour mais balance la sauce avant même d'avoir trempé son bout (bizarrement, c'est la pute qui passe pour une méchante ici).

The Salt of the Earth est le dernier projet de Wenders qui décidémment a la flemme d'écrire des scénarios pour le moment. Comme je ne connaissais pas Salgadao, c'était finalement une découverte. Il y a un aspect intéressant qui est la possibilité de filmer un photographe, problème qui est résolu de façon un peu simple pour moi: on parcourt en fait des séries de photos commentées par Salgadao et replacée dans le contexte de son parcours personnel. Ça fait donc beaucoup de photos, avec des commentaires pas toujours intéressants: peu ou pas de technique, il s'agit  surtout de raconter l'itinéraire de celui qui fait l'image. Connaissant les quelques séries de photos faites par Wenders, je ne m'attendais pas à ce qu'il s'agisse d'un photographe social, à ce que l'accent militant, humain soit mis à ce point. Finalement, c'est bien aussi mais le narratif peut avoir tendance à noyer le reste (le poids des mots, le choc des photos??).

Je regarde Calvaire à peu près une fois par an (en général autour de Noël, car c'est un bon film des familles) alors que ne fut pas ma joie quant je vis que du Weltz avait encore frappé! Et avec Laurent Lucas en plus! Joie de Nowel! Alléluia! C'était pas tout cru, parce qu'on se frotte à deux genres: celui du film de fait divers et celui des amants maléfiques. Le fait réel sur lequel c'est basé, on s'en fout un peu, il paraît qu'il y a une série d'adaptations, ça me fait une belle jambe: celui-ci en tout cas, c'était plutôt chouette! D'abord pour l'équilibre psychotique fragile qui se renverse imperceptiblement au cours du film - on ne sait plus trop qui est le plus dingue des deux - puis pour l'ambiance village anonyme qui évite le côté fin de race de Calvaire et donne un petit air champêtre digne d'un catalogue de tourisme de la Région Wallonne, la normalité étant toujours potentiellement beaucoup plus flippante que les débauches de créatures à tripes qui pendent, enfin pour le côté très behavioriste. On ne sait pas vraiment pourquoi et comment tout ça s'enchaîne dans la tête des protagonistes: qu'est-ce qui claque à un moment, comment ça se passe dans leur petits cerveaux malades: pas d'explications vraiment, surtout du côté de Gloria qui renverse le rapport de force et emmène le truc au-delà  de toute possibilité de retour. Alors, Girl Power? Ouais, genre.

The Funhouse, Hooper, 1981
The Salt of the Earth, Wenders, 2014
Alléluia, du Weltz, 2014

jeudi 11 décembre 2014

Europa

Ça faisait un moment que je cherchais le temps ( et le courage) de me faire la trilogie Europa en entier: je ne sais pas vraiment si j'aime von Trier, chaque film me laisse avec une impression différente. L'aubaine d'un ensemble est qu'il permet parfois une vue synoptique sur un style - bon bref, disons que j'ai compris des choses. Des choses bizarres mais quand même.

Des trois films, je pense que Epidemic reste mon préféré: d'abord, pour la réalisation un peu branloir, nonchalante, puis pour le côté bubons-qui-explosent et enfin parce qu'il assouvit un rêve d'enfance: couper un tube de Signal pour voir comment c'est dedans. En termes de démystification de l'auteur, ça se pose: pas de grande prise de tête mise-en-abymesque, un processus de création filmé comme une blague de potes sans chercher à faire de la phénoménologie appliquée avec une histoire dans l'histoire certes pas jouasse mais plutôt jolie dans le style post-apocalypse infectieuse. 

J'ai moins aimé The Element of Crime, un peu trop jaunâtre à mon goût. On retrouve l'aspect itinéraire d'un héros qui cherche à résoudre un truc, avec comme fil un récit qui finit par se confondre avec le réel et un état de crise en toile de fond. On est bien dans l'Europe, à moitié en vrac, avec des espaces-temps indécis, sautant de l'un à l'autre au sein d'un même plan, et une narration  à posteriori qui brouille les pistes. Les images d'eau et de noyés (le cheval qui ressemble à une vision hallucinée Nietzschéenne), les friches industrielles au bord du fleuve, les bâtiments hantés par le vide: visuellement c'est vraiment beau, mais la couleur fatigue un poil.

Europa est bizarrement le plus drôle: il a un petit côté kafkaien absurde - la scène de l'examen de contrôleur de train est énorme-  même si dans un contexte pas folichon. Il reprend et redéploie les deux films précédents - itinéraire sans vraiment de logique dicté par un narrateur/hypnotiseur qui est un mélange des deux entités extradiégétiques de Elements et Epidemic (entre l'interrogatoire et le scénariste), mêmes sauts d'un espace-temps à l'autre, mêmes noyés en apesanteur. Ça brasse aussi pas mal de thèmes - la perte de repères dans une Europe en pleine débandade. C'est aussi le plus noir, avec un thème peu abordé - que deviennent les méchants après une guerre? J'ai pensé à certaines ambiances de Berlin Alexanderplatz par moments. N/B impeccable, avec des inserts en couleur parfois déroutants mais finalement pas dégueu.

The Element of Crime, 1984
Epidemic, 1987
Europa, 1991