lundi 20 août 2018

Ecran total total

Un peu soupé de Netflix, je suis retournée au cinéma, le vrai, le grand, avec des popcorn et des gens qui se trompent de films. Je me suis fait bien peur et puis je me suis fait bien mettre une claque.

Je n'avais rien lu de précis sur Hereditary mais j'avais bien vu du coin de l'oeil que c'était un de ces film d'horreur malin, ultra calibré un peu intello mais pas trop et que j'allais aimer. Bon, A ghost story aussi et c'était finalement super casse-couilles donc on peut se planter. Mais là pas du tout. J'ai flippé comme une ado de 14 ans, agrippée à mon siège à peu près du début à la fin. Alors le film est plutôt simple: histoire d'une famille finalement assez normale, névroses comprises, en deuil d'une grand-mère dont on sait peu de choses. Annie, fille de et mère de famille, se recompose tout doucement dans cette nouvelle configuration. Ses enfants, un ado rebelle et une fifille pas loin du spectre, font ce qu'ils peuvent pour ne pas se faire trop chier. Le mari suit tout ça avec obédience. Jusqu'à un accident assez dégueu qui fout ce qui restait en équilibre par terre. A partir de là, tout le monde devient un peu cinglé et plus si affinités. Un tas de trucs non-dits qui ont passé la première heure à couver vont se mettre à sortir sans tous les sens et ça fait assez flipper. Le film est vraiment terrifiant et arrive à le faire de deux façon différentes. La première partie est plus de l'horreur immobile, ordinaire, des rapports de famille super glauques, une mère névrosée hyper flippante même si relativement "normale". La deuxième partie fait flipper genre BOUH et c'est super bien fait. Bon, l'aspect grand écran et silence religieux fait beaucoup mais quand même. Il y a toute l'horreur contenue de la première partie plus une montée dans psychose familiale qui double l'horreur visuelle, classique. On sort de là en ayant peur des gens qui font chpoc avec leur pouce dans leur bouche, c'est dire.

L'autre bonne surprise, c'est Under the silver lake, de ce cher Mitchell dont on avait beaucoup apprécié It follows. Ici, point de film d'horreur, mais un thriller en forme de film noir un peu post, un peu slacker, un peu hipster, un peu tout en fait. Sam, beau glandeur à la bouche molle devant l'éternel, tombe amoureux de Sarah, sa voisine bimbo neurasthénique à petit chien mais néanmoins blonde comme les blés. Las, à peine rencontrée, Sarah disparaît sans laisser d'adresse. Sam, qui n'a visiblement que ça à foutre, se met à sa recherche en mode chasse au trésor conspirationniste. J'avais vu de loin une critique qui faisait référence à LA Confidential, et c'est effectivement le cas. Je ne sais pas si on faisait référence au film ou au livre, mais en ce qui concerne Ellroy, c'est en plein dedans. Cette errance un peu désabusée, pas loin de l'hallucination, d'un type pas bien droit, tombé amoureux comme par malheur (Cherchez la femme) et qui déroule sa petite enquête entre complot paranoiaque, filles éthérées porteuses d'indices malgré elles, déchiffrages délirants de codes absurdes, figures noires qui attendent au coin des parcs: c'est tout ça. Avec par contre un truc tout à fait contemporain, une sorte de "meh attitude", un genre de nonchalance qui rend tout équanime et rien important. Comparé au héros Ellroysien qui est loser mais toujours bien attaqué, intense dans son rapport à plein de trucs névrotiques (Dieu, le bien, le mal, l'amour), notre petit Sam est complètement génération Y pour le coup: amoureux mais en passant, parano mais après 18h seulement, à moitié à la rue mais sinon ça va. Comme je tiens toujours à mon hypothèse que le double maudit d'Ellroy n'est autre que De Palma, j'ai beaucoup pensé à Body Double et à Blow-out.  Il y a aussi plein d'ironie, de petites vacheries contre Hollywood et la pop culture, des références en pagaille à plein de films, des clins d’œil d'amoureux en somme. Ce film tient à tellement de niveaux, c'est absolument fabuleux. 

Hereditary, Aster, 2018
Under the Silver Lake, Mitchell, 2018

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