mercredi 11 juin 2014

Ecran total

Klopka est un film de Srdjan Golubovic, dont j'avais déjà vu Krugovi qui était plutôt joli à regarder même si sans grande ambition dans la mise en perspective des questions morales. Organisé autour d'un fait divers ( réel ou pas, peu importe), il raconte l'histoire d'un couple confronté à la maladie de leur fils, opérable pour une somme absurde en Allemagne. Sans le sous, l'homme reçoit une proposition malhonnête et ce qui doit arriver arrive. Véritable phénomène social, les appels à l'aide pour financer l'une ou l'autre opération d'un enfant malade à l'étranger est un truc plutôt courant par ici, le thème est donc plus banal que ce qu'il pourrait paraître, mais l'ensemble est réalisé sans trop de mélo - ça reste très fort dans la lignée de Krugovi: pas vraiment révolutionnaire du point de vue des codes moraux et/ou esthétiques, mais un bel effort dans les plans et les cadrages - plans fixes, personnages perdus dans le cadre ou en sortant partiellement, belles compositions achitecturales. 

Le tout dans des tons gris/métallisés, froid - un soupçon d'abus de blanc à la Barclay vers la fin - bien dans la prolongation de l'ambiance d'hôpital. 

Poseban tretman ("Traitement spécial") raconte l'histoire d'une bande d'alcooliques en reconversion qu'on envoie jouer leur psychodrame en guise de prévention contre l'alcoolisme. Ça commence comme un film sur le progressisme d'un médecin qui brise les règles et ça finit de façon très étrange:  non seulement tout le monde replonge, mais le médecin même se révèle alcoolique et obscène. Le gros du film se déroule dans une usine de bière, ce qui n'aide pas. Ça ressemble à une critique de l'alcool sous toutes ses formes mais surtout à une diatribe contre une société hypocrite qui cherche à soigner des alcooliques tout en s'autorisant à boire comme un trou. Le décor d'usine est par contre excellent et permet toute sorte de déformations absurdes - un verre de bière immense, des murs de bac.

Videodrome est un pur Cronenberg comme je les aime: violence, appareils électriques bizarres, cadres minables et morceaux de chairs triturés à tout va. A la recherche de l'émission qui tue, un cadre programmeur d'une chaîne dédiée à la violence tombe sur un programme ultraviolent, Vidéodrome, qui ressemble à un film d'interrogation à Guantanamo mais qui finit par le rendre fou. On suit son entrée progressive à l'intérieur de la télévision - et c'est plutôt bien fait d'un point de vue visuel. Il y a ce truc des machines qui se mettent à devenir molles, organiques, à respirer, à chuinter et à gémir, cette représentation sexuelle de la technologie que je trouve assez hallucinante chez Cronenberg et qui plutôt extrême ici; mais aussi des dispositifs de désorganicisation du corps via l'écran - notre héros, après être entré dans la télé, via un trou dans son bide dans lequel il glisse des VHS, fini par fouetter une femme dans une télévision. Le thème est dans le ton de des films de cette période: question du rapport entre corps et machine, problème de l'imaginaire et de la vision (cfr la super machine à enregistrer les hallucinations!


et surtout, problématique de la fiction et du réel et des interrupteurs qui nous font passer de l'un à l'autre.

Klopka, Golubovic, 2007
Poseban tretman, Paskalijevic, 1980
Videodrome, Cronenberg, 1983

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