samedi 9 mars 2013

Ecran total

J'ai revu pour la deuxième fois Beasts of the Southern Wild  qui m'avait beaucoup impressionnée. L'effet "miiignon" étant passé, je ne vois toujours pas ce qui marche bien dans ce film, mais il y a quand même une série de choses intéressantes. L'organicité de l'ensemble d'abord, au niveau du fond comme de la forme, avec une caméra portée une bonne partie du temps et le côté "brouillon" que ça donne à l'image, des couleurs dans une palette ocre/jaune assez lumineuse à la flamande, une atmosphère de grouillement ( animal, humain, végétal ) et l'idée directrice du film ( = pas vraiment une ode au Bon Sauvage, mais plutôt une animalité dans un sens concret, pas loin de Deleuze). L'insularisme ensuite, et cette idée de territoire au bout du monde, coupé des eaux comme une sorte d'arche de Noé inversée, qui ne semble pas s'articuler à une critique frontale de la société qui l'entoure et qui échappe à la classique opposition gentils insulaires VS grand capital. Une fois de plus, le côté "brut" de l'image, du jeu et des dialogues n'a pas l'air d'essayer d'aller plus loin que ce qu'il raconte et évite admirablement le didactisme. La dernière chose, c'est la Louisiane et l'imaginaire qui l'entoure - en tout cas dans mon cas- fascination faite d'attraction/répulsion pour un espace qui semble condenser le pire et le meilleur du fantasme américain. Très bonne surprise donc, et probablement un des meilleurs films vus récemment.

Dans le même genre, j'ai également -enfin!- vu Moonrise Kingdom, à reculons car pas mal méfiante, rapport gros like cannois du film. L'enthousiasme provoqué par le film vient probablement pour une grosse part de l'intrigue et du traitement "cartoonesque" ( peut-être pas si loin de Tati) de celle-ci.  D'une certaine façon diamétralement opposé à Beasts, il y fait pourtant écho. Comme dans Beasts, situation insulaire avec la série de clichés qui en forment le corollaire; les héros sont également aux prises avec une société qui chercher à les cadrer quelque part (manichéisme un peu plus marqué ici) et la tempête qui s'abat sur leur univers les oblige à grandir d'une certaine façon.  Par contre, Moonrise est léché, cadré de façon impeccable (quasi photographié), avec des contours nets, des couleurs contrastée, des acteurs à la diction impeccable, un montage très propret et une intrigue pliée en quatre. Le générique de début détermine à cet égard le paradigme entier du film: une sorte de maison de poupée où tout est à sa place, dans laquelle les acteurs se déplacent comme autant de petits playmobil. De la même façon que j'ai aimé Beasts de façon très tripale et pas vraiment réfléchie, on sort de Moonrise avec un sentiment de douceur et de nostalgie très Épinal, un peu instagrammatique en fait.

Et toujours à propos d'adolescents et de fuite dans une cabane dans les bois, j'ai revu Les Géants et revu en partie mon premier jugement: j'avais d'abord trouvé le film pas mal, mais sans plus (un peu vain en fait) et j'en avais gardé un souvenir très moyen. Le revoir autour de tous ces films le replace dans un contexte plus large qui lui donne une autre portée - probablement purement circonstancielle. Les longs plans immobiles sur la campagne belge, les mouvements ralentis d'un été au fin fond de Fagnes et la non-intrigue traitée de façon très extérieure et sans intention mélo m'a bien plu ( en fait). Le dernier plan, même, qui m'avait semblé un peu facile ( folkeux dépressif sur travelling au-dessus d'une rivière scintillant dans le couchant) ne nuit pas au reste et laisse une dernière impression très aérienne ( flottante?). Enfin tout ça quoi.

Beasts of the Southern Wild, 2012, Zeitlin
Moonrise Kingdom, 2012, Anderson
Les Géants, 2011, Lanners

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