samedi 15 juin 2013

Ice Age 3.

J'ai enfin achevé de regarder - dans le désodre, par amour du déconstructionnisme- la trilogie glaciaire de Haneke, un peu pour me rafraîchir par ces temps caniculaires, un peu parce que j'aime me faire souffrir. L'ensemble est basé sur trois faits divers de la fin du 20e siècle. Je passe sur une analyse d'ensemble, de style et de philosophie animalière, je suppose que des gens éminents en parlent mieux que moi.

Le septième continent est construit autour de la montée du sentiment d'insignifiance d'une famille ordinaire dans laquelle les failles se révèlent à peine à la surface. La narration se fait par plans serrés, anonymes ( cadrés sur des parties du corps, centrés sur des gestes anodins et répétés), avec peu plans de visages, avec un récit pris en charge par le biais des lettres écrites aux parents. Pas de chichis, peu de violence, à peine quelques larmes au car wash. La dernière partie est assez hallucinante dans son propos et dans sa forme: destruction des tous les biens de la famille par ses propres membres, de façon méthodique, froide et montée à un rythme quasi-respiratoire. Seule la vision des petits poissons s'agitant sur le sol finira par faire resurgir le réel. 

Benny's video est probablement plus classique dans sa facture et s'organise surtout autour du rapport entre vu et filmé, la médiation par la caméra. De nouveau, famille ordinaire et tragédie qui a lieu sans bruit - ou presque - et qui n'est visible que via une caméra qui filme en continu. Ici, on vise clairement la caméra comme médium de reportage, puisque le film s'ouvre et se ferme sur une sympathique vidéo amateur d'une fête de famille ( fait bien flipper!). C'est aussi un bon film de mise en garde contre les dangers de laisser les enfants jouer avec le fusil à assommer les cochons.

71 fragments d'une chronologie du hasard est probablement mon préféré. Je n'ai pas compté s'il y a effectivement 71 morceaux, mais la construction en fragments décousus, sans voix off ou sans explication diégétique qui les lierait est vraiment géniale dans l'alternance des divers types de fragments et dans leur assemblage: fragments de gestes quotidiens répétés, fragments d'images d'archives d'information télévisées, fragments de conversation téléphonique, morceaux silencieux. La résolution de l'assemblage étant la tuerie finale  - annoncée depuis le début - qui illustre cette façon démente qu'a Haneke de sortir du champ/contrechamp dans la représentation de la violence: il ne montre ni le responsable, ni la victime et laisse le sang se répandre entre les deux plans. 

De l'ensemble se dégage surtout l'idée de la violence ordinaire, contenue, sobre, froide et décidée. Rien en paraît sous les masques, rien ne transparaît à la surface et tout reste dans une maîtrise à la limite de l'obsessionnel - c'est vrai pour le fond, mais c'est aussi vrai pour la forme. Chaque plan construit comme une photo, chaque son isolé, nettoyé, les gestes précis, sans bavures, le montage impeccable. Un petit côté calviniste chez Haneke qui fait un peu froid dans le dos - aussi. 

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