samedi 16 mai 2015

L'homme est une femme comme les autres.

En 2007, Riad Sattouf publiait le tome 2 de Pascal Brutal, héros hyperviril fan de Diams et d'Adidas Torsion, trop sensible pour le monde de demain. Une des aventures de Pascal le voyait partir faire un tour en Belgique, devenue alors une dictature gynarchique impitoyable basée sur la réduction des hommes au rang d'objet sexuels/animaux de compagnie dans laquelle notre héros découvre la valeur de la liberté.


Quelques années plus tard, sortait Les Assoiffées, roman d'anticipation de Bernard Quiriny, dans lequel c'était à présent tout le Bénélux qui était devenu une gigantesque dictature féministe où les hommes étaient gardés dans des camps, sauf pour les repentis qui acceptaient de renoncer à leur phallus en guise de soumission. Dans cet enfer gynocrate, une petite troupe d'intellectuels français parvenaient tout de même à obtenir un laissez-passer pour réaliser un reportage sur cet étrange voisin du Nord. Le livre est assez génial, mêlant à la fois critique de milieux intellectuels subjugués par des idéaux tournés en démesure et portrait acerbe d'une société cauchemardesque (non seulement elles sont féministes, mais en plus, elles sont vaguement flamandes, hiiiiii), renvoyant les deux dos à dos. 

L'un aurait-il inspiré l'autre? C'est possible, en même temps, on s'en cogne un peu. Sattouf récidive aujourd'hui avec Jacky au royaume des filles qui reprend le concept d'une dictature menée d'une main de fer par une colonelle entièrement vouée au culte du Grand Chevalin, un principe divin en forme de poney miniature. Moins hardcore que Quiriny, ou même que la version Pascal Brutal, les hommes ont ici tout simplement pris la place des femmes, se contentant de rester à la maison à faire le ménage et la vaisselle pour leur mère jusqu'à ce que celle-ci leur trouve un bon parti pour les marier. On n'est plus du tout en Belgique par contre, mais dans un espace imaginaire - en fait pas vraiment, c'est en Géorgie, ce qu'on avait piffé en voyant la gueule des bâtiments, même si on avait parié sur l'Arménie - bref, toujours est-il qu'on est dans du délire beaucoup plus doux. C'est d'ailleurs plutôt drôle, avec un travail visuel ultra poussé dans les détails - tout est frappé aux armes du régime, des boîtes de conserve aux bubus - et un truc vraiment jouissif au niveau du vocabulaire - resuffixation des noms de commerce, poésie chevaline à tous les étages et oracles rendus par un poney sacré. Le clou, c'est quand même Charlotte Gainsbourg qui fait très bien la fille de dictatrice dépressive, on aurait aimé une petite chanson à base de canasson, mais on ne peut pas tout avoir. Il y a aussi Hazanavicius, en oncle gigolo ( qui, pour une raison qu'on ignore, porte des zlips-langes), qui apprendra à notre vaillant héros à poursuivre ses rêves à dos de monture miniature. 

Dans la même idée, mais pas dans le même genre, The Interview en met aussi plein la gueule à la dictature. Bon, venant de Rogen et Franco, on  pouvait pas s'attendre à du Castoriadis, mais finalement, ils s'en tirent  plutôt bien - quoique sans finesse, faut l'avouer. Le personnage de Franco est vraiment bien écrit et servi impeccablement: tout ce que la télé peut avoir de débilitant et de nauséabond, c'est lui, mais avec un putain d'entrain qui fait plaisir à voir! Alors quand ce semi-débile part en mission top secrète, guidé par la paire de seins d'une bonne/agent du FBI, ça promet. L'idée d'un dictateur coréen en fait trop cool qui joue avec ses tanks et fait des dunks en écoutant du Katie Perry est plutôt bonne. Le film va dans la parodie de film d'espions/Rambo jusqu'au bout - surtout au bout - avec des trucs vraiment cons, mais putain de bons. 

Jacky au  royaume des filles, Sattouf, 2014
The Interview, Rogen et Franco, 2015

Pascal Brutal 2: Le mâle dominant, Sattouf, 2007
Les Assoiffées, Bernard Quiriny, 2010

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