lundi 21 mars 2016

Ecran total

Je peine un peu à finir un micro-cycle sur les écrivains au cinéma, mais j'y arrive et du coup, je peux en commencer un autre, qui me taraude depuis un moment - oui, je suis dans cet état un peu sale et pervers où je commence un cycle et j'ai pas fini çui d'avant, ooouh. Voilà.

In a lonely place parle donc d'un écrivain - enfin, de cinéma, hein, pas un vrai - qui a un petit problème avec sa violence - d'ailleurs traduit par Le violent en VF, quelle poésie. Dixon est donc un vieil écrivain à la ramasse, toujours en rade de booze, à écumer des bars à la recherche d'une brave petite à ramener chez lui, mais le pauvre, quand il en trouve, elle veut pas enlever son jupon et se met à parler de bouquins pendant des heures - les gonzesses, franchement. Après avoir mis la petiote à la porte comme un bon malpropre - "l'arrêt de bus est au coin de la rue" - ce pauvre Nixon mate un coup sa voisine d'en face, se branle et au lit. Quelle vie. Tout ça pour apprendre que cette inconnue littéraire s'est fait étrangler sur le chemin du retour. Nixon, ça lui en touche une sans faire bouger l'autre - elle avait qu'à être un peu plus docile, didon. Evidemment, on le soupçonne et évidemment sa belle et mystérieuse voisine, Laurel, l'innocente et accepte de coucher avec dans la foulée - ben tiens.  C'est l'amour fou mais Laurel se pose quand même des questions - et si c'était lui qui avait fait le coup? En plus, Nixon est bizarre - il fout des baffes aux gens comme ça sans prévenir, il cogne des types sur le bord de la route et quand on lui dit qu'on veut prendre deux trois jours de vacances entre copines, il essaye de vous étrangler, pas cool. C'est donc hyper bizarre: c'est un film de suspicion sur le thème "connaissons-nous vraiment l'homme de notre vie" mais en même temps c'est tellement clairement un gros enculé dès le départ, qu'il y a pas vraiment de suspense. En fait. Bon, du coup ça ne parle pas beaucoup d'écriture. Tout ce qu'on sait, c'est que Nixon écrit à la main et c'est bobonne qui tape tout après. Bravo.

Par contre Hammett ne parle que d'écriture et de roman et de film de roman qui romanise le film et cinématographie le livre - tout ça. Dashiel Hammet est un pilier du hardboiled américain des 30's et a donc écrit une chiée de livres qui ont été adaptés. Comme c'est souvent le cas, c'est un style déjà très cinéma dans l'écriture ( forcément influencé par des découpages en plans) et puis comme ça a été beaucoup adapté, y'a un jeu d'aller-retour intéressant dans la forme. Alors quand t'as Wim Wenders qui fait un film sur un écrivain qui écrit des bouquins comme on fait des films et dont on fait des films, fatalement, ça va faire mal au cerveau. En fait non! C'est un joli néonoir, avec des petites touches rétros et des trucs rigolos: Hammett, écrivain, se retrouve coincé dans une intrigue de chinoises qui disparaissent et de vieux qu'on fait chanter. Lui, pas grand chose à voir, si ce n'est qu'on lui a piqué son manuscrit - et que comme il passe un temps non négligeable à s'imbiber, il se rappelle plus trop de ce qu'il a écrit, c'est malin. De fil en aiguille, Hammet devient un petit privé de pacotille, aux prises avec des méchants pas beaux et accompagné d'une belle brune à la peau diaphane et au petit béret - il devient son propre personnage et finit par réécrire son histoire en la vivant. C'est fait dans une esthétique volontairement (?) fake, avec des décors un peu kitsch, un jeu avec l'idée de carton-pâte et de contreplaqué, dans un Chinatown imaginaire. C'est à San Francisco du coup, il y a des escaliers partout et plein de jeux d'architecture avec des montées, des descentes, des recoins et des surplombs, très joli. 

Born on the fourth of July fait donc partie d'une idée à la con - regarder tous les films cités dans le numéro 700 des Cahiers intitulé " L'émotion qui vous hante". Voilà, voilà. C'est pas mon premier Stone, mais j'ai toujours autant de mal et je ne sais pas pourquoi: j'aime le Vietnam, j'aime les 70's et j'ai rien contre Tom Cruise, alors c'est quoi? Je sais pas. Le film n'est pas mal en soi - il parle de la reconversion d'un ex du Vietnam qui a perdu ses guibolles en cours de mission et qui finit par se dire que la guerre, quand même c'est de la merde et du coup se met à militer avec des hippies alors qu'il leur crachait à la gueule 5 ans avant. C'est bien! On suit l'itinéraire d'un pauvre gosse qui comprend pas grand chose à ce qui lui arrive et s'engage un peu comme un crétin brainwashé, comme pas mal de gens finalement, pour se retrouver à 20 piges paralysé sans jamais avoir pu tirer son coup. Pas cool. Je sais pas pourquoi j'ai pas accroché: je trouve ça froid et chaud en même temps, l'impression d'alterner des trucs hypers émotifs Actor's studio puis des passages ultra distants sans empathie, comme si tout se déroulait dans un univers en surimpression - parfois trop près, parfois trop loin. L'époque, les contradictions, la musique  - tout ça est très bien, mais pas l'impression d'avoir pu entrer dans le truc. 

In a lonely place, Ray, 1950
Hammett, Wenders, 1982
Born on the fourth of July, Stone, 1989

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