lundi 9 mai 2016

L'émotion qui vous hante

L'avantage avec cette sélection, c'est qu'elle permet de passer tout et n'importe quoi comme ça, sans prévenir. Du coup, cette semaine, c'est Tarkovsky, des requins et du sous-Rodenbach.

Tarkovsky est le réalisateur le plus cité de cette liste - comme c'est mon préféré, je suis bien aise, ça veut dire que j'ai autant de goût qu'un lecteur des Cahiers, chic alors. Nostalghia est d'ailleurs un de ses rares films que je n'avais pas vus et quelle surprise ! (mais en même temps, pas vraiment). On y retrouve un écrivain à la recherche d'une vérité existentielle sur des terres mystico-délabrées, le tout dans une vague histoire d'amour ratée entre traductrice avenante présente et femme austère en noir et blanc absente (morte, quoi).  Ce cher poète à la recherche d'un compositeur compatriote se trouve pourvu d'une mission plutôt originale (en fait assez concon), celle de traverser un bassin d'eau avec une bougie sans l'éteindre. On dirait un peu Intervilles, mais en plus beau et plus existentiel. Bon, je déconne, mais c'est évidemment magnifique. La mélancolie, le passé sous forme de flaque pleine de souvenirs qui traînent au fond, tout ça pris dans des brumes qui font un peu flotter les gens, les sons et la lumière; c'est tout ça. On voit aussi beaucoup de reflets, de surfaces qui renvoient des lumières parfois bizarres, avec cette incertitude de la transparence de l'eau - on voit en-dessous mais aussi en face, et au-dessus finalement. Une partie du film se déroule dans une ville d'eaux et c'est frappant à quel point Tarkovsky est finalement très aquatique comme mec. C'est parfois de l'eau immobile, stagnante qui ne sert qu'à renvoyer des images, mais aussi souvent de l'eau courante, sans explication logique ( que fout cette rivière au milieu d'une église en ruine?) qui fait onduler le réel sur et sous sa surface. C'est lent aussi, et très Magrittien dans certains plans avec ce personnage toujours de dos pris dans un contre-jour. 

Toujours avec de l'eau et avec du mythe, j'ai vu Jaws, enfin! Je crois en avoir vu un bout étant jeune, mais ma connaissance du genre se limite à Sharknado (et oui, j'assume). Là j'ai tout regardé et j'ai bien aimé! Alors d'abord, ça se passe vers Nantucket, par là, vers Cape Cod et tous ces territoires mystérieux de chasseurs de baleines à petit bonnet rouge. Il y a donc des belles plages blanches, des vacanciers en short, des jeunes crétins avec des guitares sur la plage et des jolies vagues. Alors là-dessus débarque un méga shark, pas cool du tout, que personne croit qu'il est dangereux jusqu'à ce qu'il ait graillé trois chiards. Se constitue alors une bande de bras cassés à moitié alcoolo (des pêcheurs, donc) qui se proposent de lui niquer sa mère. Pas de bol, il est trop malin et c'est à un vieux pêcheur avec une revanche à prendre sur la vie que va être dévolue la lourde tâche de harponner la poiscaille. Un vieux loup de mer à la recherche d'un grand mammifère marin avec une dent contre tous rapport à ce qu'on lui a bouffé la jambe, ça vous dit quelque chose? Bah oui, on n'est quand même jamais très loin de ce cher Moby Dick (d'autant plus que le requin est un grand blanc, mouarf). Heureusement, c'est moins chiant et y'a plus de sang, rha! On peut donc rire à s'naise en regardant des gens se faire bouffer les jambes, jaillir d'une cale de bateau abandonnée ou faire exploser des poissons à coup de bonbonnes de gaz. Bim!

Il y a encore de l'eau dans le troisième film en fait - et c'est vraiment pas fait exprès. Don't look now raconte l'histoire d'un couple qui s'exile à Venise pour soigner tenter de soigner le deuil de leur petiote noyée dans la mare aux canards. Ils ont un deuxième enfant, mais visiblement, on s'en branle puisqu'ils le fourguent à un pensionnat pas piqué des vers pour aller faire les foufous en Italie. Bravo. Une rencontre avec une voyante aveugle et sa petite mère antique va mettre la femme du couple en mouvement sur une piste bizarre: sa fifille est là, elle veut lui parler, elle va bien. Le mari commence par se gausser de ces trucs de bonnes femmes, mais fini par se trouver pris au piège lui aussi - des statues qui bougent, des échafaudages qui craquent et un petit imper rouge qu'il aperçoit au détour d'un canal de temps à autre. Alors quoi, Bruges-La-Morte, ici? Oui, un peu. Il y a cette présence d'une absente noyée qui plane sur les canaux d'une ville morte, cette impossibilité d'enterrer le passé et ce côté fantastique de la névrose qui se déploie pour engloutir la raison. C'est adapté d'une nouvelle de du Maurier, dont on retrouve bien la touch gothico-noire, avec toujours un goût pour les architectures tarabiscotées et les escaliers dérobés.

Nostalghia, Tarkovsky, 1983
Jaws, Spielberg, 1975
Don't look now, Roeg, 1973

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