dimanche 29 octobre 2017

Clouzot total

Avant, quand j'entendais Clouzot, je pensais à Clouseau. Mais ça c'était avant. La récente découverte de la BO d'Ascenseur pour l'échafaud m'a fait réaliser qu'il y avait autre chose que les chansons d'amour flamandes et les pogs dans les paquets de chips Smith (remember?). Clouzot donc, est un réalisateur français de polars noirs super badass, avec plein de trucs intéressants dedans.

Le corbeau raconte l'histoire d'un petit village dans lequel se met du jour au lendemain à pleuvoir des lettres anonymes. D'abord un peu pour faire chier les cocus puis carrément plus violentes, ces missives rigolotes finissent par foutre un peu la merde - les villages étant ce qu'ils sont. Au milieu de cette tourmente, un jeune médecin ténébreux, pratiquant son art comme on fait son jogging, dégageant les prétendantes comme on refuse un scotch (poliment mais fermement) et répondant à l'infamie avec probité et déférence. Ouh là, je m'emballe dis donc. Donc ce médecin, au centre de tout ce merdier, mène l'enquête de son côté tandis que la police hé bien ne fait pas très bien son travail (comme c'est étonnant). Tout se résoudra pourtant avec évidemment révélation du coupable surprise à la fin. C'est plutôt beau, très anguleux (?) visuellement, avec beaucoup de gens cachés derrière les portes et de murs qui ont des oreilles. Beaucoup d'images de lettres, de papier, d'écriture, d'histoire de poste aussi. Peu de corbeau finalement, sauf dans cette pauvre nonne à voilure noire qui fuit son lynchage programmé.

Encore plus vicieux, Les diaboliques raconte l'histoire de deux femmes qui tuent leur mec (enfin, l'une tue son mari, l'autre son amant, mais c'est le même). Comme quoi, les ménages à trois finissent mal en général. Cristina, petite vénézuélienne à la santé fragile se retrouve embarquée dans un meurtre mal planifié (franchement) par une Nicole (Signoret, hallucinante) pas commode qui a heureusement une poigne de bûcheron. Tout est bien qui se passe bien mais pas tout à fait. Quand les cadavres se mettent à filer à l'anglaise, on entre dans  un deuxième film, complètement dans l'horreur et on retrouve ces portes dérobées, ces ombres qui écrivent des messages en secret la nuit, ces fantômes qui hantent les photos de classe. Brr. Au passage: bel anti-spoiler!



Il y a aussi  Le salaire de la peur, un road-buddy-movie qui tourne mal. Une longue première partie assoit le décor: petite ville mexicaine au bord de nulle part, quelques immigrés venus tenter leur chance aux States coincés sans date de retour, des petites combines et des grands chapeaux. Arrive dans ce petit monde, Jo, un gangster qui a l'air dur de dur. Mario, français en cinglet sale mais petit foulard élégant autour du coup, tombe en pleine bromance avec de compatriote avec qui il peut enfin partager son amour du ticket de métro parisien. C'est chou. Ça rend Luigi, l'ancien bro de Mario un peu navet, mais bon. Sur ce tombe l'opportunité d'une vie: convoyer de la nitroglycérine en barils entiers pour éteindre un feu de puits de pétrole (il paraît que c'est comme ça qu'on fait). Conduire un camion, fastoche, le faire traverser un désert rocailleux avec des routes toutes pourries sans faire sauter le produit, beaucoup moins. Convaincu par Jo de se lancer dans le truc, Mario se retrouve donc, petit foulard autour du coup et cigarette au bec, à galérer sur des routes de type wallonnes, en essayant de pas faire tout péter. Et découvre alors que son poteau tout fier à bras est en fait une grosse lopette qui passe son temps à se faire dessus au moindre cahot. Comme quand votre meilleur pote qui vous a tanné pour l'accompagner dans sa traversée du Mexique à poney se retrouve prostré dans sa chambre d'hôtel au bout de deux jours parce qu'il a peur des tacos. Mario n'est pas content, Jojo n'est pas jojo. Le reste du film est entre l'histoire de potes qui tourne mal et le road movie ultra tendu du slip: il y a des gros camions, des manœuvres dangereuses et des explosions hasardeuses. Le tout très beau, dans un noir et blanc entre le blanc du sable et du désert et le noir liquide du pétrole qui s'incruste un peu partout.

Le corbeau, 1943
Les diaboliques 1954
Le salaire de la peur, 1953

vendredi 27 octobre 2017

Ecran total

Un arrêt cérébral relativement long me vit me gaver de films plutôt navrants que mon sens éthique m'interdit de chroniquer ou même de citer ici. Mais quelques beaux objets dans le tas.

The autopsy of Jane Doe est un film qui raconte ce qu'il dit: l'autopsie d'une meuf inconnue. Vu d'ici, ça n'a pas l'air super folichon. Ça sent le huis-clos ontologique avec des cadavres qui font bouh! Mais non! L'examen progressif de notre petiote révèle, couche après couche une histoire qui finit par prendre suffisamment d'espace pour se saisir d'un grand couteau. C'est relativement sobre et plutôt malin dans la montée du fantastique. Je dois avouer que ça fait un bail que je l'ai vu, alors je ne me rappelle pas trop de la fin. Mais il me semble que c'était bien. Ouais.

Grave, j'ai beaucoup attendu pour le voir, attendant le bon moment puis je n'y ai plus tenu et je me suis jetée dessus comme un texan sur un pounder au mexicain. Le pitch est plutôt simple aussi: comment une petite végétarienne innocente prend goût à la viande et à toute ces choses de la chair un peu crues. C'est très très très bien foutu et assez génial comme idée. Il y a un peu trop de trucs à dire parce qu'il faudrait le revoir, mais je retiens surtout l'atmosphère un peu 80's dans certains synthés et plans un peu beauté sauvage prostrée en technicolor, des touches plus post-indu dans les décors de campus/banlieue en béton moche, des très gros et beaux plans sur la chair et la mastication, un fil narratif hyper bien branlé qui ne va jamais ni trop loin ni trop près. On pourrait parler d'un sous-texte métaphorique facile ( la viande/la chair, la sortie de l'adolescence, l'enfermement des jeunes filles dans des existences asexuées qui explosent tout à coup au contact du monde) mais finalement, ça se déguste très bien au premier degré.

It comes at night était aussi dans mes petits papelards, puisque j'aime les films qui commencent par It. N'ayant donc aucune idée du concept du film, quel plaisir eus-je de découvrir un gentil film postapocalyptique d'infectés! On ne sait pas trop comment, l'humanité se retrouve réduite à une bande de lépreux tout dégueux avec les yeux tout noirs. Heurk. Le tout étant super contagieux, on entre par la porte dans un film de grand parano: tout le monde est suspect, tout le monde est contaminé et les gens sont globalement méchants. Une petite famille qui survit tant bien que mal entre en collision avec une autre petite famille qui survit tant bien que mal. Comme tous ceux-la sont gentils, ils finissent par s'entendre et voilà un  film qu'il est meuuugnon. Sauf que. Pour ne pas gâcher le plaisir des trois personnes sur terre qui n'ont peut être pas encore vu le film, on  ne dira rien de plus. C'est vachement réussi à pas mal de niveau: très dépouillé dans le gore, mais suffisant pour faire bouh, narrativement bien construit, avec un parti pris ultra réaliste et un côté horrorifique finalement très quotidien. Il y a des trucs qui me font penser au Survivalist, un peu dans la même veine visuellement et du point de vue angle d'approche de l'apocalypse.  

The autopsy of Jane Doe, Overal, 2017
Grave, Ducournau, 2017
It comes at night, Shults, 2017

samedi 16 septembre 2017

Also sprach Gudetama.

The answer is in the yoke. As usual.

Who are we ?



Where are we going ?



Are we alone in the universe ?



What is love ? (Baby don't hurt me)



What's  the point ?



How does it end?

samedi 15 juillet 2017

Ecran total

Comme j'aime l'originalité, je ne tombe malade qu'en été, quand il fait bien chaud et qu'il n'y a aucune raison objective pour choper une grippe. Le rhume en hiver, c'est tellement mainstream. Du fond de mon lit, j'ai quand même eu la force de regarder l'un ou l'autre film à propos, hé bien de grands malades tiens. Entre un spa de remise en forme bien louche, une journée de team-building qui finit mal et un grand berlinois à la tête à l'envers, les cinglés sont un peu partout.

Si vous aussi vous avez du mal à supporter vos co-workers et que des envies sourdes vous prennent parfois d'attraper votre scrum master pour lui arracher les yeux et les lui faire bouffer dans sa soupe au poulet *regard vers le lointain les yeux plissés*, vous devriez contacter Belko Inc, qui a une idée toute particulière du team-buiding. The Belko experiment, comme son nom l'indique n'est pas un vrai team-building, puisque c'est une expérience. C'est dommage, un titre plus finaud eût été plus alléchant mais bon. Dans ce charmant film, des employés américains d'une firme basée en Colombie qui fabrique on ne sait pas trop quoi, probablement une application destinée à la sécurité sociale genre Marronnier.net ou un truc du style, ces charmants employés donc, se retrouvent un jour enfermés comme ça pouf, sans raison, dans leur bureau, avec une voix qui leur dit de tuer les autres. Mhhh. Je m'identifie complètement, ça m'arrive à moi aussi, sauf que je suis la seule à entendre la voix. Ici, c'est plus fun, car ils ont des petits trucs implantés dans la tête qu'on peut les tuer à distance (sinon, la menace ne fonctionne pas, hein). S'ensuite un survival classique sur le thème Stanford experiment - comment que les gens sont méchants quand ils sont enfermés avec leurs collègues et des armes, mouiii. On fantasme vaguement devant un tel carnage, fait de meurtres à base d'extincteurs et de dérouleur à papier collant. C'est un peu couru d'avance (qui va gagner, pourquoi, comment) et on nous fait même la grâce de nous présenter le grand méchant derrière tout ça (qui a des raisons somme toute valables pour ce genre de folies). Au final: des employés détendus, des coûts de fonctionnement réduits de presque 95%, et une belle aventure humaine.

En sortant de ce genre de truc, vous risquez d'avoir besoin de vacances, comme cette chère Clare dans Berlin syndrom, qui décide de se barrer à Berlin en plein trip Ostalgique architectural ("mais que ces ruines soviétiques sont powétiques omg omg omg"). Elle fait un peu chelou, les yeux rivés au sol, l'air d'avoir peur du moindre feu rouge, on se demande comment elle compte survivre toute seule mais bon. Son air de biche égarée n'a évidemment pas échapper à Andi, grand flave arty qui vit dans un bâtiment décati mais cossu - trop chic - et qui est prof d'anglais - trop sexy. Clare tombe dans ses filets et les voilà qui font des bisous. Haa, les rencontres en vacances. Se réveiller chez un inconnu, fouiller dans la cuisine pour se faire un café, regarder ses livres avec émoi, essayer de sortit acheter des clopes et se rendre compte qu'on est enfermée à l'intérieur. Et qu'on a plus de carte SIM ni de passeport. L'aventure, quoi. Ca tourne donc très mal, en mode huis-clos un peu foutraque au niveau de la trame - il se passe presque des trucs, mais pas vraiment, tout est un peu évanescent. Pas mal foutu dans l'ensemble, avec un bel effort musical et de photographie (parfois un peu exagéré dans l'instagrammation de la life mais bon), des belles tensions et une fin attendue mais pas mauvaise.

Si vous survivez à vos vacances, allez en prendre d'autres dans un méga spa paumé sur une colline en Autriche et plein de vioques qui suintent le pognon d'entre leurs rides. A cure for Wellness raconte l'histoire d'un petit jeune envoyé sur les traces d'un CEO méga riche parti se reposer dans cet endroit paradisiaque. Qui n'en est évidemment pas un: tout est bizarre, les gens sont tout vieux, il y a des trucs qui grouillent dans les tuyaux et des relations pas nettes entre infirmiers. Sans en raconter trop, le film est vraiment pas mal: très belle ambiance super flippante de château hanté, d'Autriche profonde (belle séance d'opération vétérinaire à l'arrache), un petit coté asile de dingue avec des machines steampunk digne de dispositifs asilaires de contention du 19e. Du point de vue de la trame, pas mauvais non plus, avec une histoire qui se raconte par petits bouts sans qu'on la cherche vraiment. Un peu long par contre: les 20 dernières minutes sont un peu redondantes et il y a un super moment où couper juste avant. On sent le rajout pour biiiien expliquer au cas où t'as pas compris et aussi pour s'amuser un peu avec des visuels sectaire rigolos (houu des gens dans une grottes avec des capuchons zet des bougies qui participent à une cérémonie secrète). Enfin bon quoi.

The Belko experiment, McLean, 2016
Berlin syndrome, Shortland, 2017
A cure for wellness, Verbinski, 2016

mercredi 21 juin 2017

Teenage angst


Doom generation
Après avoir abandonné en cours 13 reasons why (you should believe in the tape hype) qui ressemble un peu à rien, je me suis rappelée de mon adolescence avec ferveur et mélancolie et demandée que devenait ce cher Araki – qui réalise les quelques épisodes qui sortent un peu du lot. Ce jeune homme plein de fougue et d'idées super bizarres, de visuels en forme de Jésus à pois fluos et d'ado en descente d'ecsta permanente? Il existe bel et bien une teenage trilogy, chose qui m'avait échappé, à laquelle appartient The Doom Generation, relativement culte mais aussi Totally fucked up et Nowhere. Jésus!  Quand je trouve trois films qui font déjà un cycle en soi, je suis toute chose, alors je les vus (revus pour certains) fissa.

Totally fucked up est un film en 15 petits bouts sur une bande jeunes plutôt cool qui font un peu la teuf, baisent gentiment, se défoncent amicalement et parlent beaucoup de leur vie face caméra. Ces jeunes sont bien évidemment très gais (à cause de la drogue et de la vie qui est belle)  et très gay, chacun dans son style et c'est surtout autour de ça que tourne l'histoire. Entrecoupée de spots publicitaires, de sermon de prêtres cinglés, de diatribes homophobes ou de nouvelles du front du sida, on se dit que l'époque n'est pas bien joyeuse pour ces jeunots. Bon an mal an, ils se débrouillent, se faufilent dans les fissures et promènent leur arrogance molle très 90's un peu partout. Au-delà des petites tranches de vie, c'est aussi une histoire, et une qui finit mal. Il y a déjà plein de trucs qu'on aime visuellement: des messages religieux subliminaux, des lézards géants en vadrouille, et puis des références belches qu'elles font plaiiiisir:
Totally Front 242!
The Doom generation, je m'en rappelais vaguement: la gueule de Rose McGowan, le minois mou de James Duvall, le plan à trois dans un hangar – bref, l'essentiel quoi. On part d'une situation de base, à savoir un petit couple de jeunes gens glabres qui s'emmerdent dans une soirée electro-trash. Après avoir fait un peu la moue, ils décident de faire comme tout le monde et de rentrer se la coller à la maison tranquille après un pit-stop au paki du coin.  Sauf que. Au paki, bim paf pouf, ces petiots qui n'avaient rien demandé à personne se retrouvent avec un meurtre sur le bras et un nouveau pote qui a l'air un peu psychopathe.  Madame est hystérique, monsieur est un peu mou et tout ça se termine au motel, le temps de comprendre ce qui se passe. La suite est une sorte de road-trip en mode Thelma et Louise et Louis/ Badlands. On ne comprend pas très bien comment tout s'enchaîne mais ça tire, ça tue, ça baise (un peu dans tous les sens du triangle d'ailleurs) et ça finit mal, comme on pouvait s'y attendre. C'est toujours très chouette dans l'image, avec pleins de simagrées catho-pop, des mines un peu déconfites, des plans très près des visages impassibles. La nonchalance un peu meh des personnages est assez géniale – ce côté très slacker indifférent au monde de pur ado en mode rien à foutre. Beaucoup de belles lumières de néons qui clignotent dans une ambiance fin de soirée au Macumba avec une bande-son d'époque (Jesus and Mary chains, again).

Nowhere
J'avais déjà vu Nowhere aussi mais je n'en ai été certaine qu'à la scène finale (un cafard géant ça ne s'oublie pas comme ça). Encore un peu plus vide, un peu plus vain et avec un beau jeu de mot sur Now + Here qui = nowhere. C'est chou. L'intrigue ne se fatigue même plus, avec une ligne narrative digne de Gossip Girl (tout le monde se prépare pour une soirée, la soirée a lieu, la soirée est finie, chacun rentre chez soi) mais avec beaucoup de crack dedans.  Bon, évidemment, c'est plus profond que ça au niveau des histoires de fonds, des problèmes que ça touche et des questions qui restent en l'air. Nos héros, Paul, Pierre, Camille et Machin Truc couchent tous un peu ensemble à géométrie variable, prennent tous un peu des drogues à effets improbables, font des fêtes bizarres avec des lézards géants (beau recyclage des costumes du premier film) et  portent sur la vie un regard pop blasé du plus bel effet. C'est difficile à décrire autrement: un bout de vie un peu barrée avec des morceaux de Gregg Araki dedans. Y a de la couleur, des trucs d'ados très cons ("blood is soooooo cool!") et pas mal de choses bien trouvées (le gang de drag-queens carjackeuses, le cafard géant, la salopette assortie aux murs, les jumeaux gigolos, …). On y voit également plein de teenage stars de l'époque (la meuf de Beverly Hills), des starlettes déjà has been et des petits jeunes qu'on retrouvera plus tard (Ryan Phillip, qui n'avait encore rien fait l'été dernier).

Totally fucked up, 1993
The doom generation, 1995
Nowhere, 1997

dimanche 4 juin 2017

The (double) life of Brian

Pourquoi Brian de Palma? Et pourquoi pas, après tout? En tombant sur un résumé de Raising Cain, je me suis rendue compte que je connaissais finalement très peu le bonhomme; dont acte, pris au hasard quelques films et en avant. 

J'ai commencé par Casualties of war, film de guerre plutôt classique, si ce n'est qu'il prend l'Histoire par le bout d'une petite histoire, un fait divers en fait, sur l'horreur de la guerre, les hommes, tous des salauds et la rédemption peut-être parfois. Eriksson commence son premier tour au Vietnam dans une petite équipe bien sympathique: soudés, rigolards, cyniques et pleins de vieille sagesse du combat: cool les poteaux! Mais c'est sans compter qu'à force d'être rendu dingues par la jungle, une guerre un peu sanglante (et sans gland, haha) tout ça finit par craquer. La troupe de sympas se transforme en grands bâtards et réquisitionne une pauvre villageoise comme ça, sans prévenir. On sait depuis un moment que le viol est une arme de guerre comme une autre, mais Eriksson visiblement pas, qui va se poser des questions et se fâcher un peu tout rouge. Ça reste un film de guerre mais pris dans un truc très concret, sans recherche politique, plutôt une histoire d'homme et de cas de conscience. Déjà une idée de rédemption, de mec sauveur, de pauvre femme en déroute + l'idée du mauvais rêve dont on finit par sortir. Très joli Sean Penn (tout jeuuuuuuune!).

Raising Cain qui avait attiré mon attention, est un film nettement plus barré. Histoire de père scientifique fou qui sacrifie sa progéniture, de femme infidèle qui se perd entre rêve et réalité, de double et de jumeau maléfique: miam! Carter est un médecin sans histoire: en pause carrière pour s'occuper de sa gamine pendant que madame gagne la croûte, il est même un peu en avance de trois siècle sur son temps, didon! Sauf que. Tout ça cache évidemment quelque chose (évidemment!). Parce que quand Carter se fait déposer chez lui par une amie, il finit par la chloroformer et la mettre dans le coffre après avoir essayé de la convaincre de lui prêter son gamin pour une expérience. Hum. Tout ça est louche. Là-dessus débute une autre histoire, celle de Jenny, sa femme, qui recroise une ancienne flamme dans un magasin et hop, ni une ni deux, part faire de câlins avec dans un buisson (non mais franchement). Elle se réveille successivement après plusieurs versions de la réalité dont on ne sait plus très bien où elle se situe - tout pourrait bien n'être qu'un rêve. De son côté, Carter commence à craquer au niveau des coutures psychiques et la machine s'emballe. C'est un peu bizarre à première vue: il y a une, deux trois histoires, des indécisions sur ce qui se passe vraiment ou pas donc très déroutant. Le twist est un peu gras (la scène en trois étages du motel est franchement ridicule, genre le camion heu wtf) mais ça tient plutôt bien dans l'ensemble. 

Dressed to kill reprend l'idée de double mais en allant un cran plus loin. Il y a aussi confusion sur quelle est l'histoire qu'on raconte. Ça commence par une journée ordinaire de Kate, mère de famille normale: mari de merde, vie sexuelle pourrie, ado geek à boutons, pfff. Pour se consoler, Kate file chez son psy puis au Met' (ben tiens) où elle joue à j'ai-perdu-mon-mouchoir avec un inconnu avenant. Tout se termine dans un taxi après moult détours dans des salles de musée et on peut dire que ça y va sec ( le chauffeur est visiblement plus open-minded qu'à Bruxelles). Kate se fait donc un petit 5 à 7 pépère puis file en douce, sans laisser d'adresse (mais en laissant un mot quand même, parce que c'est une fille polie). Il y a cette très belle scène, de pratiquement 25 minutes sans un seul dialogue ce qui est vachement couillu en début de film - d'autant plus qu'elle passe toute seule. Bon, comme toute femme infidèle, Kate doit être punie et le sera dans l'ascenseur, à coup de rasoir par une meuf toute chelou à la perruque de travers. Pour seul témoin, Liz, une pute qui sort du taf et qui a juste le temps d'être repérée par la tueuse (chauve?) avant de décamper. S'ensuit une enquête menée par une belle caricature de flic italien new-yorkais et reprise par le gamin geek du début secondé par Liz, jamais en reste quand il s'agit de virer la cinglée qui la poursuit. Faudrait pas en raconter plus, alors on dira juste que c'est très bien foutu, dans le travail du double surtout, avec une très belle scène de split screen dosée juste assez pour comprendre ce qu'on doit. Il y a aussi tout ce travail sur le désir, la femme tentatrice, le poison d'une rencontre mais aussi un côté assez fun finalement, qui échappe un peu au thriller. 

Ça commençait à me travailler et ça a pris forme en regardant Body Double: des femmes fatales en détresse, un mec à la masse qui se pose comme sauveur, des peeping tom en témoin impuissant de meurtre atroce, des doubles un peu partout, une réalité qui se déforme sans qu'on sache plus très bien où elle commence: ça sentirait pas un peu le James (Ellroy), tout ça? Bingo! Body Double est le Black Dahlia de De Palma en fait. En sachant que c'est aussi lui qui en a réalisé l'adaptation du bouquin (sur laquelle j'avais chouiné à l'époque), c'est un peu wow. Body Double est une histoire de double du début à la fin. Jake, acteur à la ramasse, rentre un jour chez lui pour trouver sa femme au pieu avec un autre. Bummer. Il va donc se faire héberger dans un appart en forme de soucoupe volante par un type qu'il connaît à peine (normal). Type qui lui montre en passant son gros télescope - littéral, pas symbolique (quoique...) - qui lui permet de mater la voisine d'en face qui fait un petit strip tous les soirs à la même heure en buvant son dirty martini (coucou Hitchcock!). Chic alors! Comme un bon mateur, Jake finit par retrouver et suivre cette gentille dame qui s'achète des culottes taille très haute, se rend dans des motels chelous et passe des coups de fils étranges. Il n'est d'ailleurs pas le seul, puisqu'un Indien à l'air inquiétant est sur le coup aussi. Jake se jette d'ailleurs aux trousses du malotru quand celui-ci s'empare du sac de la dame, ce qui lui vaudra un gros câlinou dans un tunnel (??), car la dame est reconnaissante (et un peu à la masse visiblement). Jusqu'à ce qu'un soir, un train? Non, un soir, un Indien, une tronçonneuse et un Jake au bout du téléscope, impuissant. La suite est encore plus tordue et part vraiment dans la direction d'Ellroy. Alors quoi? Visiblement, personne ne s'est jamais posé la question de cette rencontre, mais il y a quand même un paquet de ressemblance et l'association Black Dalhia/Body Double (ça commence par les mêmes lettres d'ailleurs, mouiiii) est franchement troublante. Il y a cette histoire de voyeur qui se retourne contre le voyeur, ces images volées un peu hachées, avec toujours autour du cadre, un autre voyeur comme une menace qui plane. Il y a ces femmes égarées, les yeux brouillés par le désir, agrippée à leur sauveur - souvent un semi-raté en mode rédemption in da hood. Il y a cette confusion des doubles entre morte et vivante, ces masques et ces perruques. Tout ça dans cette pompe à vice qu'est L.A. Il y a un truc à écrire là-dessus (et à se demander pourquoi l'adaptation du Black Dalhia est aussi ratée du point de vue style). Mon hypothèse personnelle est qu'Ellroy et De Palma sont en fait la même personne (ou un jumeau maléfique l'un de l'autre). Hum. Ce serait un bon sujet de film, pas besoin de savoir qui serait aux commandes.

Casualties of War, 1989
Raising Cain, 1992
Dressed to kill, 1980
Body Double, 1984


jeudi 1 juin 2017