jeudi 12 avril 2012

And we're so happy when we're dancing

 Perhaps the day is near when, 
no longer able to support the mountain of fear we have accumulated,
pushed to the ground under its weight we will.

Le Nederland Dans Theater est - à c'qu'on dit- une des meilleure troupe de danse du monde: ils présentaient hier soir deux ballets - plutôt un spectacle en deux parties - Papillon et Passion ( traduit librement par moi-même du néerlandais). Comme je n'y connais goutte en ballet, je m'abstiendrai de tout commentaire sur la technique, la chorégraphie et les choix de mise en scène, mais il  y avait quelque chose qui m'a beaucoup plu.

J'avais déjà vu le même NDT l'année passée, avec trois morceaux orchestrés par Jiri Kylian, qui m'avaient extrêmement impressionnée: ils étaient chacun unique et différent mais rentraient dans une logique d'ensemble et une esthétique qui leur permettaient de se prolonger l'un l'autre. Gods and dogs est probablement ce qui m'a le plus marquée - sans doute pour la scénographie monstrueuse de simplicité et d'efficacité.



Hier soir j'ai vu quelque chose de sensiblement différent - logique, puisque pas des mêmes chorégraphes. La scénographie est toujours une tuerie: une petite boîte en suspension tournant sur elle-même au gré  des mouvements du couple qui se cogne aux murs à l'intérieur, un paysage de couchant rétro-éclairé qui se découvre peu à peu derrière des cadres de portes successifs et qui se tire comme un rideau pour en finir. Les musiques choisies m'ont plu : j'aime Beethoven et j'aime le blues-folk graisseux ironique. C'est la première fois que je remarque à quel point l'utilisation de chansons ( avec des paroles donc) dédramatise la danse, médiatise la présence directe du corps, dé-anxiogénise la proximité des corps tendus, tordus.  On perd probablement quelque chose de l'effet sur le spectateur du même coup. L'ensemble m'a donc moins "prise", mais les danseurs en collision permanente, la tristesse lancinante des amants déçus et la vivacité sèche des isolés enfermés dans leurs gestes répétés compulsivement, ça reste grave ma came.

Et puis il s'est passé quelque chose d'étrange, une chose à laquelle je n'avais pas encore assisté: à la fin de la première partie, le danseur principal est resté sur scène, figé dans sa dernière position. Les lumières se sont rallumées et la salle s'est mise à bruire des questions du public - Y avait-il une pause ou non? Après 5 bonnes minutes, les premières personnes ont commencé à se lever et à partir de ce moment-là, le danseur est resté seul sur scène: il a traversé celle-ci, toujours sous la poursuite, jusqu'à sortir en coulisses, dans l'indifférence générale- des applaudissements ont tout de même salué sa sortie définitive. Sortie qui a été directement suivie de l'entrée, de l'autre côté de la scène, d'une danseuse, qui a elle aussi évolué sur scène pendant un bon quart d'heure, accompagnée parfois de musique. Il a fallu que les lumières s'éteignent pour que commence le "vrai" spectacle. Je ne pense pas que ceci ait été le résultat d'une mauvaise compréhension du public, puisque ces deux personnages étaient les esseulés, les abandonnés du spectacle. Le premier, comme rebut d'une sorte de triangle amoureux dans lequel il sera éternellement l'intrus, le deuxième comme vieille carcasse, mi-chaperon rouge, mi-zombie qui se roule par terre et s'avance jusqu'au bord de la scène comme pour réclamer l'attention qui lui est due et qui reste dans ce drame d'être toujours vue sans jamais être regardée. Peut-être une remarque douce-amère sur nos yeux habitués à regarder ce qu'on nous donne à voir - qui les regarde, toutes ces minuscules personnes qui traversent l'horizon hors des lumières en rasant les murs?

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