lundi 1 octobre 2012

Ecran total

C'était ce week-end l'anniversaire de quelqu'un d'illustre qui m'a poussée à - enfin- me farcir une trilogie dont j'avais réussi à préserver mon petit cerveau jusqu'alors. Non sans peine, je m'enfermai donc pour de longues heures de visionnage alternées de crises de réflexion aigue dont je ne détaillerai pas les tenants et aboutissants ici: j'ai donc eu le plaisir de voir L'avventura, La notte et L'eclisse dans l'ordre et sans coupure - sauf la bobine manquante de La Notte, spécial dédicace de la cinémathèque yougoslave, qui fait passer Jeanne Moreau - qui m'a d'ailleurs semblée  plus mérouesque que jamais-  de la rue à son bain sans autre explication plausible qu'un projectionniste féru de montage alterné. Contrairement à ce que je craignais, ces trois films sont carrément bien foutus,  pas contemplatifs à l'excès et y'a du twist

L'idée générale de la trilogie est de représenter les rapports sentimentaux complexes entre hommes zet femmes dans l'univers impitoyable du crépuscule du structuralisme. On y voit donc une blonde avenante passer d'un film à l'autre avec une figure de style assez constante - l'esquive, puisqu'elle passe son temps à mettre des gros vents à tout ce qui porte phallus en bandoulière. Pas-assez-mais-quand-même-trop, c'est l'apologie de l'entre-deux de l'amour, entre-deux élevé au stade de paradigme qui engendre tout le reste: les titres des films ( des états passagers), les statuts des personnages ( jamais tout à fait mariés, jamais tout à fait amants), les lieux ( chantiers en construction, banlieues en cours d'extension, bâtiments en réfection), la communication ( qui ne passe qu'à moitié). A cet égard, les trois scènes qui me semblent centrales - la recherche sur l'île, la fête et la séance de la bourse de Rome - sont toutes les trois assez identiques dans le principe: des personnages qui errent presque sans être jamais sur le même plan: on les voit hanter le cadre d'un bout à l'autre sur le tas de caillou volcanique où s'est perdue la riche héritière, passer d'une conversation à l'autre sans jamais donner de vraie suite à l'une ou l'autre et se hurler dessus dans un langage qui, s'il atteint son objectif de communiquer un message ( acheter/vendre) ne ressemble plus à grand chose d'humain. Ce qui peut donner cet effet parodique propre aux films d'auteurs qui font des trucs avec du sens dedans: on est en droit de se demander ce qu'il filme exactement. Les 10 dernière minutes de l'Eclisse sont exemplaires: plans statiques des lieux déserts de l'amour naissant, le bidon métallique plein d'eau, témoin du premier baiser de Truc et Machin se vide ( inexplicablement) et l'amour fuit probablement avec lui, disons; une femme à la mine suspicieusement tzigane attend le bus, un homme éteint le jet d'eau auquel s'abreuva jadis la romance, un avion décolle, un lampadaire s'allume et c'est la fine

Un autre film où ça ne baise pas beaucoup, c'est Romance X, qu'on nous avait pourtant vendu comme un truc sulfureux à accord parental, un vrai brûlot érotique que tu meurs en enfer en écoutant du Bieber  si tu le regardes avec le début d'une gaule. Bon, y'a Rocco Siffredi, mais c'est bien le truc le plus sexe, pour le reste, faudra repasser. De phallus, il en est beaucoup question sans que jamais on ne le vît (hahaha); c'est donc un objet qui est toujours ailleurs que là où on croit qu'il est sans jamais être là où il devrait, comme mes clés. D'érotisme, il est probable qu'il y en eut, mais la narratrice, entre dialogues intérieurs à tendance janséniste, crises de larmes post-coïtus, babillages innocento-lolitesques et explications vaseuses de la conjugaison du  verbe avoir, réussit à y mettre un frein, encore mieux que du bromure de potassium. Reste la magie des - rares- répliques de Rocco: " Ma tou veux que je t'encoule?".


Martha, la pauvre, se passerait bien de ces attentions: le téléfilm éponyme de Fassbinder est comparativement nettement plus hardcore - pensez Gaslight, sans  code Hays. Une pauvre rouquine se retrouve mariée à un Helmut aryen en diable et,  pourtant pas mal jouasse au départ, se rend vite compte qu'avec Helmut, elle est bien mal Loti (huhu) puisqu'en plus de la sauter comme un sauvage, et de lui couper le téléphone, il l'oblige à lire des livres sur l'ingénieurerie civile et le béton. C'est pas hyper sympa et on voit Martha en perdre ses sourcils - pas très fournis à la base - et devenir à moitié dingue puis à moitié morte. Le tout dans une ambiance de bonne bourgeoisie provinciale protestante avec toujours des mines dignes d'Otto Dix. Ach.

                               


L'avventura, Antonioni, 1960
La notte, 1961.
L'eclisse, 1962.
Romance X, Breillat,1999.
Martha, Fassbinder, 1974.

1 commentaire:

Florian a dit…

Parlant de Code Hays, voici une belle photo qui vient a propos :

http://susauvieuxmonde.canalblog.com/archives/2012/10/03/25241407.html

A vendredi !