lundi 18 novembre 2013

Ecran total

J'ai attendu un moment avant d'enfin voir A perdre la raison sur grand écran plutôt que en schlaïte sur mon ordi et je n'en suis pas déçue. Le rapport très bizarre et hyper glauque entre le médecin et son protégé, l'isolement (en partie autoinfligé) grandissant de sa femme, et le silence parsemé de petites éruptions de violence ça et là donnent un angle de vue qui a cruellement manqué lors du fait divers réel. L'avantage est qu'il le fait sans didactisme, sans avoir l'air de chercher à donner une explication, une interprétation, mais plutôt de donner à voir par le bout de la caméra, toujours un peu gênée, embarrassée, coincée dans son cadrage par les limites de l'espace réel ou qui subsiste entre les gens ( que de chambranles!). Il échappe même au " tiré de fait réels" facile, signalant simplement les possibles divergences entre réalité et fiction suffisamment tard dans le générique de fin pour que la salle soit déjà à moitié vide. Le contraste entre le visage gominé et lisse de Rahim qui ne  bouge pas d'un poil et celui de Dequenne qui se ravage à vue d'oeil est assez hallucinant. 

L'inconnu du lac était une surprise, dont je n'attendais pas grand chose mais qui me pose plein de questions sur l'explicite au cinéma. S'il s'agit surtout d'une histoire d'amour qui ne semble fonctionner que dans un sens, le meurtre et l'ambiance de suspicion qui l'entoure ne sont pas si visibles, palpables et la fin vient un peu comme un emballement très soudain dans un cadre qui jusque là était construit dans une quotidienneté, une répétition des jours identiques et immobiles, quasi rohmerienne. Les scènes de sexe sont plus difficiles pour moi à intégrer dans l'ensemble, mais à la réflexion font probablement sens vers ce naturalisme impavide. Après m'être longtemps demandé quelle était l'intention derrière la crudité, je me suis dit finalement qu'il n'y en a peut-être pas d'autre que celle de montrer les choses telles qu'elles sont, sans chercher ni à les embellir ni à les condamner. J'ai probablement un vieux réflexe interprétatif qui consiste à penser que l'explicite au cinéma a souvent une intention, cherche à faire entendre quelque chose ou à défendre une certaine vision indépendante de l'art. Après m'être demandé "Mais pourquoi montrer", bah en fait, pourquoi pas?

Malgré l'avis négatif de certains - Ryan Gosling meurt au début, spoiler- je me suis attelée à The place beyond the pines. C'est effectivement très long, voire longuet, avec un peu l'impression d'aller un peu à la nimp parfois. L'idée de destins qui ricochent d'une génération à l'autre ne manque pas d'intérêt, mais se perd un peu dans les virages. La première partie est très bien foutue, compacte, avec Ryan Gosling qu'a une belle colo et une chouette moto, puis ça part un peu en live, mais c'est peut-être juste que mon degré d'attention décroît de jour en jour, d'où une difficulté à passer la barre des deux heures.

J'ai enfin revu The Dude, His Dudeness, El Duderido en VO - qui est quand même autre chose que cette traduction complètement crétine en Le Duc.  Je me souviens l'avoir regardé dans ma prime jeunesse et me souvenir d'un long clip atmosphérique à la gloire du bowling et du slacker moyen J'avais zappé le personnage de Goodman, SUPER énervant, et le balbutiant Buscemi, et l'artiste féministe conceptuelle à moitié dingue déguisée en poupée Kraftwerk, mais haaaa! Et Gazzara en Hefner raté, c'est awwww.The Dude abides.

A perdre la raison, Lafosse, 2012
L'inconnu du lac, Giraudie, 2013
The place beyond the pines, Cianfrance, 2013
The big Lebowski, Coen, 1998

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