samedi 7 mars 2015

Adieux au langage.

Je me rends compte avec horreur que je n'ai toujours pas parlé de ma dernière entrevue avec Godard: après moult hésitations, je me suis quand même farcie Adieux au langage ( A Dieu, O, langage!), dernière fantaisie commise par le facétieux Jean-Luc. Quelle ne fut pas ma surprise: c'est en 3D! Mince alors! Des images complètement folles, des expérimentations graphiques, des travellings enlevés, des plongées sous les jupes! Emotion! Bon, fini de déconner, attaquons-nous au corps de cet article.

Quand j'étais plus jeune, je voyais des chiens partout j'ai maté pas mal de Godard - j'essayais d'impressionner quelqu'un. Aujourd'hui, la seule personne que j'essaye encore d'impressionner est mon contrôleur de l'Onem, alors je peux le dire franchement: je me suis un peu fait chier. J'aime toujours autant les films d'un premier Godard, celui qui faisait encore des histoires, enfin, des trucs vaguement narratifs, avec un début, une fin, des cascades de fous entre deux citations. Mais l'homme a tendance à s'enfermer dans sa formule "Une fois par an, je ramasse tous les post-il où j'ai noté des trucs cool et je les tape dans un film". Avec Adieux au langage (A dit eux, au langue-âge), il réutilise même les vidéos snapchat de son clébard. Paradoxalement, c'est seulement maintenant que je peux apprécier l'aspect Trivial Poursuite de l'hypertrophie citationnelle: Bim, du Villon dans la douche! Paf, du Heidegger dans la cuisine! Ouch, Artaud sur les chiottes! J'avais tellement de fois regardé le trailer et ses diverses parodies avant, qu'à un certain stade, le film était déjà un ensemble de citations de lui-même: j'ai atteint le stade trop badass de méta-Godard celui qui se cite lui-même avant même d'avoir été dit. Ach. 

Soyons honnêtes: JLG n'a pas la vie facile, il est suisse. Comme JJR avant lui, il est également frappé de cette pétrification de figurine en chocolat qui le pousse à transformer toute promenade en errance esthético-philosophique: ballades dans les bois, déambulations sur les rives du lac, flâneries chez les bouquinistes... Visuellement, c'est un peu le bordel: on expérimente, mais un peu tout et parfois trop - sursaturation, colorisation, superposition de plans en 3D - un chien n'y retrouverait pas ses petits.

Finalement, Adieux au langage (Ha! D'yeux au l'an gage!) semble essayer de nous dire quelque chose, via la référence artaldienne: Godard fait en fait des films de merde, mais c'est un choix, car comme tout le monde le sait, là où il y a de la merde, il y a de l'être. De l'être, c'est presque trop beau pour Gode-Art qui nous donne surtout l'impression de vouloir nous mettre sa grrrosse prétention esthétique bien profond et sans vaseline. Alors, Adieux au langage (Ah...dit...heu... On l'engage?)? A l'instar de l'utopie chez More, c'est une chose que l'on doit souhaiter sans oser espérer qu'elle se réalise.

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