mardi 30 juin 2015

Ecran total

J'arrive peu à peu au bout de la filmo de Villeneuve et chaque découverte est une sorte de plongeon dans l'abîme, ach. Maelstrom m'a à cet égard pas mal surprise: intertitres poétiques, voix un peu déclamée, limite blanche, ça sent parfois le Godard mais en fait non. Il y a dans tout ça un poisson, un gros poisson bien dégueu, narrateur d'une histoire aquatique à tous les niveaux, qui ne cesse de mourir et d'être remplacé par un autre. Ce mérou éternel, détenteur du savoir ultime de l'existence finira cependant en sashimi sans nous avoir révélé de quoi il en retourne. L'intrigue est une tranche de vie toute bête, avec un avortement comme point de départ et puis des ramifications maritimes autour d'un accident de pêche, d'une rencontre façon fatum, et d'un amour qui prend le large. Tout le monde est un peu bancal dans cette histoire qui tangue, qui ne tient pas bien droit et qui finit par emporter quand même.

Enemy est plus dans la lignée de ce que je connais, même si ça reste un truc unique et en même temps très familier par rapport à ce que j'ai déjà vu. Il y a ces visions très verticales, ces architectures vertigineuses rendues à coup de contre-plongés (?) ou de plans en surplomb, avec une vision bétonnée devenue quasi absolue. On retrouve cette poésie bizarroïde d'animaux en goguette, inquiétants dans leur silence insistant, ou surprenants dans les conclusions qu'ils n'apportent pas. Le thème du double - un type découvre sur le tard qu'il possède un double parfait - est traité sans rentrer dans trop de détails métaphysiques dont on se fout d'ailleurs pas mal: on ne se pose limite pas la question du pourquoi, c'est plutôt une pure fascination pour cet autre semblable et le chaos identitaire qu'il entrouvre. Tout est d'ailleurs traité sur le mode de la perméabilité des identités, au-delà de l'apparence physique: interchangeables, les existences ne tiennent finalement pas à grand chose.

Citizenfour, un documentaire qui dénonce la surveillance, arrive à point au moment où on s'apprête à voter en France des lois que même les Yankee trouvent abusées. Faudrait pas non plus croire que ça aura le moindre effet sur le processus de réflexion, mais bon. Le film a beaucoup été soutenu par rapport à ce qu'il dénonce (la NSA, bouh!) mais est radicalement centré sur la personne de Snowden, et la façon dont il devient ce qu'il devient - parfois un peu forcé, semble-t-il. On n'apprend donc pas grand chose dans le fond, à part la chronologie des faits et l'ambiance de parano qui s'installe, la construction d'un personnage public qui s'en sort pas trop et la machine qui s'emballe autour de lui. Un peu longuet sur la fin, mais très léché photographiquement - les plans mélancoliques de la vue d'un hôtel à HK.... les plans mélancoliques de Berlin sous la pluie.... les plans mélancoliques de mon sandwich poulet-andalous.... - vous voyez le genre. Ne manque qu'une bande-son bruitisto-indu, mixée dans un sous-sol à Kreuzberg et le tour est joué.

Maelstrom, Villeneuve, 2000
Enemy, Villeneuve, 2013
Citizenfour, Poitras, 2014

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