vendredi 24 juillet 2015

Le contrôleur sonne toujours deux fois ( mais il peut crever pour que j'y ouvre)

On en rêvait, ils l'ont fait: la loi permettant le contrôle des chômeurs  sans préavis à été votée. Même si on s'y attendait,  il y a deux choses dans cette histoire qui me chiffonnent.

La première, c'est l'absurdité du point de vue pratique : une des raisons pour lesquelles on prévient d'une visite  c'est pour que la personne concernée se trouve à son domicile - et pas pour qu'elle ait le temps de cacher ses éventuels juifs dans le grenier. Sans avis préalable, ces apprentis gestapistes risquent fort de trouver porte close. Je n'ai dès lors qu’un conseil: chômeurs,  ne restez pas chez vous! Allez faire un tour au parc, prenez un bol d'air, discutez le bout de gras avec votre boucher, prenez le temps de faire des études comparatives du prix des patates chez Lidl et Aldi, respirez l'odeur des fleurs, mettez vous à la natation ou à l’arménien oriental;  de toute façon, tout le monde sait qu'un bon chômeur est un chômeur actif et qu'on ne trouve pas un boulot en restant chez soi. 

L'aspect débile de cette mesure potentiellement génératrice d’un foutoir Brazilesque étant assez clair, reste une deuxième chose, qui est plus grave, c'est le mécanisme invasif que ça représente et l'ancrage dans une conception de la transparence plutôt dangereuse. Un des arguments que j'ai pas mal lu consiste à dire que ceux qui n'ont rien à se reprocher n'ont rien à craindre - et par extension, que ceux qui s'y opposent sont d'une manière ou d'une autre coupables.

Cette conception n'est pas nouvelle, qui lie vertu et transparence. Elle a déjà fait débat pendant la renaissance - et je me réfère ici à l'analyse  de Thomas Berns  qui travaille sur le concept de transparence, en m'excusant pour les raccourcis. Ça consiste en gros à dire que le désir de garder un pan de notre vie privée et hors du contrôle de l'état signifie forcément qu'on a quelque chose à se reprocher. L'ordure qui dirige Google justifie d'ailleurs la surveillance généralisée par le même concept. 

A ceci s'ajoute une putain de morale judéo-chrétienne à la con qui associe le secret à la faute, à ce dont on doit avoir honte - tout ça via des montages ultra compliqués de pathologisation et de contrôle de la sexualité entre autres (Foucault is in da hood) et qui finit par faire s’équivaloir vie privée = secret= sale.  Or le secret, le fait qu'une partie de nos existences échappe à la scrutinisation étatique n'a rien  à voir  avec une chose honteuse que l'on cherche à cacher, ni avec des pratiques illégales. C'est le noyau même de notre être,  de ce qui fait de nous des individus à part entière, c'est un des derniers lieux où nous sommes libres.

Face à une machine bureaucratique dont la débilité  semble ne connaître aucune limite, la seule résistance est éthique,  c’est celle d’être humains et dignes, de refuser cette intrusion permanente dans nos vies. En tant que chômeurs, nous avons le droit de refuser ces contrôles; en tant que citoyens, je pense que nous en avons le devoir et ce, que nous ayons quelque chose à "cacher",  à nous "reprocher" ou non.

En ce qui me concerne, il est hors de question que des ersatz d'agents Securitate débarquent chez moi sans prévenir pour foutre le nez dans mes factures,  compter les brosses à dents dans ma salle de bain ou les poils de cul différents dans la bonde de la douche. Ils peuvent s'amuser à aller chercher des mandats chez un juge d'instruction - qui n'a certainement rien d'autre à foutre que de signer des autorisations d'intrusion à des kgbistes en herbe - et ils reviendront me voir après. Par contre, ça risque d'être pile au moment où j'ai piscine, c'est ballot...

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