mardi 21 mai 2013

Limits of control




J'ai été gravement impressionnée par Limits of control,

Je passe sur l'aspect esthétique, super léché, très photographique et architecturalement splendide, et sur la pléthore d'acteurs choisis impeccablement - Isaac de Bankolé est vraiment impressionnant; ce qui m'intéresse c'est le déroulement et la construction du film, qui met en branle plein d'éléments sans jamais en faire du sens, sans jamais en donner de clé définitive. 

Ce genre de film qui enchaîne les séquences sans queue ni tête, on en trouve à la pelle et ils sont en général super chiants. La qualité de celui-ci, c'est que les choses, si elles ne sont pas révélées clairement, forment des sortes de séries qui s'entrelacent, se répondent et font écho les unes aux autres - les tableaux, la musique, les instruments et leur vie, les langues traduites ou non traduites. Les multiples rencontres du héros donnent chacune lieu à de minuscules court-circuits qui font jaillir  des sortes de significations temporaires à la surface des choses  et toujours autour du rapport entre présence et absence, entre ce qui a été, va être, pourrait être dit - mais ne trouve que le masque impassible de Bankolé pour y répondre. La boîte d'allumette fait à cet égard fonction d'objet vide qui passe de main en main, chaque fois contenant une série de lettres et de chiffres dont le sens n'importe que par l'ordre dans lequel ils se présentent et s'enchaînent. Elle pourrait être, ou son porteur, l'élément paradoxal qui se déplace de point en point, faisant résonner des ensembles autrement séparés entre eux, grâce à l'asile temporaire qu'il offre aux paroles de ceux qui l'attendent ça et là sur la route.

L'immobilité hiératique de Bankolé est d'ailleurs d'une certaine façon obligatoire, puisqu'il est celui qui se déplace sans bouger, sans moufter, mobile dans de grands cadres vides, des paysages lunaires, à des terrasses désertes, dans des trains presque vides, dans des musées sans visiteurs et qu'il ne trouvera sa résolution que dans le papier blanc, l'élément vide rendu à lui même.

Limits of control, 2009, Jarmusch

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