jeudi 23 mai 2013

Mélancholia



Dans la théorie freudienne, la mélancolie se caractérise par une perte qui engendre une faille dans le narcissisme du sujet et rend ce dernier incapable d'investir d'autres objets de son désir - d'où immobilisme, détestation de soi et état dépressif. Ce cher Lars l' a bien compris, qui nous donne ici une interprétation en kit à monter soi-même - l'impossibilité du désir, l'angoisse de la faille dans le discours scientifique, jusqu'à la planète qui fait retour comme objet et annihile tout. Bon.

Pour ma part, j'ai apprécié le film pour son côté très Maeterlinckien, très " brumes germaniques": longs plans réalisés comme des tableaux dans des couleurs souvent froides, dont les personnages ne sont que de minuscules figurines; une picturalisation d'ailleurs déclarée dans la séquence d'ouverture, avec un aplatissement évident du corps en deux dimensions, des figures immobiles dans un décor se mouvant au ralenti, des couleurs qui tendent à s'homogénéiser vers le terne, le gris-vert des marais ophélien - plusieurs références à l'oeuvre de Millais montrant Ophélie flottant. Le choix des œuvres d'art disposées par Justine est à cet égard éclairant - il faudrait retrouver chacun de ses tableaux, pour ma part, j'en ai reconnu un de Bruegel - puisqu'ils se situent tous plus ou moins dans cette esthétique.

La mélancolie comme fond est elle aussi pile dans l'univers esthétique du poète/dramaturge, peuplé de personnages incapables d'agir, entre deux morts, souffrant d'une sorte d'impossibilité à vivre comme à mourir - sort que la planète, qui était un objet jusque là "caché derrière le soleil" viendra règler: Claire et Justine, c'est finalement un peu Mélisande et Mélisande, prisonnières dans un domaine vide de toute présence humaine et entouré par une barrière invisible ( le pont) qu'elles ne peuvent franchir. Le gamin joue là-dedans le rôle que pas mal d'enfants ont chez Maeterlinck: celui d'une sorte d'avertisseur innocent de fatalité, par le biais de son bricolage qui permet de voir l'avancée de la planète.

Sans être une très grande fan du côté Festen de la première partie et du style de Trier (plans serrés, caméra bougée intrusive), le couplage avec cet ensemble finalement assez cohérent d'éléments esthétiques plus Novalis marche finalement assez bien. Mais comme à chaque fois que je sors d'une pièce de Maeterlinck,, je ne peux pas m'empêcher de me dire que "Putain, c'est quand même rien chiant". Bon, on peut pas gagner à tous les coups.


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