mardi 15 octobre 2013

Ecran total

Je viens de terminer un recueil d'essais de David Foster Wallace, qui entre autres choses, évoque à propos des liens entre fiction contemporaine et ironie ( et postmodernisme et David Letterman et Pepsi) l'emprise de la télévision, y compris sur des mouvements de protestations tels que ceux qui ont répondus au conflit au Vietnam
 "Radical it may have been, but thinking that Postmodern Metafiction evolved unconscious of prior changes in readerly taste is about as innocent  as thinking that all those college students we saw on television protesting the Vietnam war were protesting only because they hated the Vietnam war. ( They may have hated the war, but they also wanted to be seen protesting on television. T.V. was where they'd seen this war, after all. Why wouldn't they go about hating it on the very medium that made their hate possible?)"
Medium cool parle exactement de ça et de façon absolument démentielle. La première séquence est franchement atroce, impeccablement froide et détachée, dominée par la respiration quasi inaudible d'une victime de crash abandonnée. Le générique suit un motard tout en noir sur une musique de western avec au loin les lumières d'un monde qui s'éteint. Ca sent le Sweet smell of success quoi. Le film change cependant de trajectoire pour faire se rencontrer une petite histoire et l'Histoire des années 60's, des droits civiques aux manifestations anti-Vietnam, le tout dans les rapports complexes entre information, voyeurisme et espionnage. Tout finira très mal, et au son d'un cri qui semble résumer l'ensemble du film " The whole world is watching". Il y a aussi une référence rigolote à Godard ( une chambre à moitié éclairée, un poster de Belmondo, une blonde hystérique).



Plus fort que Fast and Furious 54 et demi, Two lanes blacktop est une longue course à travers les States entre deux types à l'activité vague et aux visages de peintures italiennes et un quadra patibulaire qui n'a jamais l'air très loin de couper un de ses autostoppeurs en chicken fingers. Le bruit des moteurs est assourdissant, et ça fait du bien quand ça s'arrête - rarement. Le même côté "bah" que dans Badlands et dans pas mal de films de cette époque finalement - comme quoi Wallace a raison, comme toujours.

J'ai vu A propos de Nice sans aucune musique ni rien, c'est une toujours une expérience vu les conditions de la cinémathèque ici: l'ouvreuse répond au téléphone, le projectionniste appelle sa sœur à propos du dîner, au loin on entends une girafe. J'ai beaucoup aimé les plans de statues, montées ensembles comme un petit comic en pierre et les vertigineux plans architecturaux - les rainures, les colonnes, les rues étroites et le ciel en croix qui se découpe. Les vieux emperlouzés qui pieutent sur la jetée étaient pas mal non plus.

Chungking express était ma dernière tentative WKWaïenne, et je suis fort réjouie qu'elle fût la bonne, puisque j'ai adoré la film: je vois maintenant clairement comment tous ces plans cadrés sur un personnage immobile au milieu d'une foule en mouvement sur fond de jazz hésitant peuvent ne pas être chiantissimes, et cette obsession des vitres, des cadres, des visions par en dessous ou par au-dessus: en fait, tout ça, ça claque! C'est peut-être parce que le film est meuugnon et que y'a California Dreaming tout du long, mais toute cette cavalcade dans les petits recoins, les snack pittas et cette obsession pour les ananas, ça m'a carrément emballée alors WKW, je reviendrai mais ditch d'abord Norah Jones, pliz.

Je m'attendais à me gondoler en regardant Mon Oncle et c'est ce que je fis. La maison est tout simplement fabuleuse, du point de vue architectural, mais surtout comme matrice à gags. Tout fonctionne par visuel, dans un pur esprit de slapstick - d'ailleurs, la bande-son fait vraiment Charlot. Le coup des fenêtres-oeil est probablement un des trucs les plus réussis visuellement - du monde?


Medium cool, Wexler, 1969
Two-lane blacktop, Hellman, 1971
A propos de Nice, Vigo, 1930
Chungking express, Kar-Wai, 1994
Mon oncle, Tati, 1958

A supposedly fun thing I'll never do again, Wallace, 1997

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