mardi 11 août 2015

Ecran total

J'ai vu passer quelques fois Wolf Creek sans jamais m'y coller: c'est chose faite. Partant d'une idée alléchante - des backpackers rosbifs se font démembrer dans l'outback australien - je suis pourtant restée un peu sur ma faim. Le début est plutôt lent, ce qui laissait présager une tension bien construite, cherchée dans les petits détails et la forme des nuages: en fait bof. On assiste à des scènes somme toute banales de road trip ( "nan mais je crois que tu lui plais" " sérieux? Mais j'ai une meuf!" "So what? On va tous crever de toute façon"), une scène d'enroule digne des Marseillais à Miami et finalement même la scène originelle, celle dont tout procède dans ce type de configuration, à savoir la scène-de-la-pompe-à-essence-pleine-de-gens-chelous n'est finalement pas si folichonne. On voit par contre très bien le gros cratère ou WTF est ce truc, avec explications à l'appui (un coup du syndicat d'initiative de la commune de Herve de Wolf Creek) mais si pour des jeunots au cerveau déjà rachitique ramolli par l'alcool et des origines prolétaires un grand trou dans  le sol constitue un truc de ouf, pour nous, c'est surtout un grand trou dans le sol dont on aimerait qu'il jaillisse quelque chose - des kangourous mutants, des koalas bioniques, des wombats radioactifs ou même d'anciens backpackers devenus rois d'une société de batraciens communistes - tout plutôt que rien. Bon, avouons que le Méchant est rien chouette, avec son chapal et ses manières de cowboy cannibale, et que j'avais des espérances sans doute démesurées, étant été partiellement privée de massacre redneck par The Long Weekend

Dans le genre contrée reculée et autochtones pas causants, j'ai aussi vu La Isla Minima, dont je n'avais pas lu grand chose, sinon la mention, visiblement devenue épithète depuis " True Detective spaniard". Bon, déjà il faut arrêter de dire qu'un truc est un autre à tout bout de champ: il y a deux types, dans un endroit un peu reculé et pauvre avec de la flotte, qui enquêtent sur un meurtre et des longs plans de survols: BIM, c'est donc ça. Ajouté au fait que la nullité assez insondable de la saison 2 de TD est bien la preuve qu'on est loin de l'AOC, on peut dire que j'y suis allée méfiante, vis à vis du qualificatif autant que des gens qui continuent à l'employer. Bref. Le film est assez époustouflant au niveau des images, et les images prises du ciel (parfois un peu Yann Anus Bertrand) ne sont pas les meilleures. Il y a un très beau travail du cadre qui découpe des petites scènes de théâtre sur lesquelles se déroulent des choses sans commentaires, qu'on ne peut qu'observer à distance et dans le silence. Le silence est d'ailleurs ultra présent, y compris dans la résolution et les tenants et aboutissants de celle-ci: une des choses qui n'a jamais lieu, c'est l'explication, le truc de fond qu'on ne peut que supputer ou imaginer, essayer de comprendre. Le manque de didactisme peut déboussoler certains, je l'ai trouvé ingénieux, libérateur, et malin surtout dans le contexte précis de l'après-Franco. Y'a aussi des beaux flamands et ça, c'est tof.

Toujours dans l'idée "cette terre aride faite de cailloux zet de sable", j'ai également vu There will be blood, un film qui m'a rappelé que je m'évertuais à confondre Wes et Paul Thomas Anderson. Ça aura au moins eu le mérite de me faire retenir la différence. Ça pourrait être une fresque gigantique à l'américaine sur les chercheurs de pétrole, mais on reste finalement à un niveau micro (oui en fait micro dans le macro à la réflexion) humain, qui traite surtout de l'obsession, le pétrole étant finalement un prétexte. Le film est plutôt dense et difficile à démêler: la fascination pour le culte et la dimension hystérique qu'il prend, l'idée fixe qui finit par ne plus se justifier que par elle-même, un (anti)héros toujours entre maîtrise absolue et implosion totale dont on ne sait parfois plus sur quel bord il se trouve - la dernière scène est remarquable dans ce sens. Le travail du silence autour du fils m'a pas mal marquée: né/adopté dans un univers totalement silencieux, rejeté à ce même silence au final. 

Alors pour me remettre de tout ça: The Guest, un film qui nous pose plein de questions - qu'est-ce que ce truc fout sur ma clé? par exemple. Je ne sais pas, mais en ce moment, j'ai tendance à ne pas me poser de questions et à laisser les hasards de la vie choisir pour moi, je l'ai donc regardé et n'ai aucune idée de comment il est arrivé dans mon cosmos. Comme son nom l'indique, il s'agit d'un invité qui débarque et dont on sait dès le départ qu'il va faire de la merde. Un indice nous permet de repérer le type qui va faire chier: comme tout bon aryen (huhu) il est blond, rasé et a des yeux bleus. Attention! Plein de gentils ont les yeux bleus, mais là on parle d'un bleu tendance bionique qui ne trompe pas. Cet être surnaturel est d'ailleurs plein de caractéristiques surprenantes qui amènent pas mal de questions type chaperon rouge ( "Invité Mystérieux, comment fais-tu pour ne jamais être fatigué? Comment tires-tu de si grosses taffes? Comment tiens-tu aussi bien l'acool? Comme tu as un gros couteau, pour quoi faire?"). C'est parce qu'il est un putain de robot, grognasse. En fait non. On ne sait pas très bien ce qu'il est, mais on s'en fout - visiblement, le scénariste aussi, qui tente peut-être un truc style La Isla Minima (" laissons les interprétations ouvertes, liberté herméneutique in da hood") mais qui a probablement juste oublié ce détail de l'intrigue. Pas grave! Pourquoi chercher à comprendre! On finit d'ailleurs dans un sous Funhouse pas forcément dégueu, avec un possible The Guest 2 dont on se passera, merci.

Wolf Creek, McLean, 2007
La isla minima, Rodriguez, 2014
There will be blood, Anderson, 2007
The guest, Wingard, 2014

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