vendredi 14 août 2015

Ecran total

J'ai repoussé longtemps le visionnage d'Inherent Vice en me disant que je lirais le livre avant, mais bah, voilà. Ça m'avait été présenté comme un film de fou malade auquel je n'allais rien entraver, mais ayant déjà plus que tâté du Pynchon, j'ai crané "même pas peur". J'ai bien eu raison: je ne vois pas trop ce qui perplexe les gens. D'accord, y'a plus de trois personnages principaux et des rapports d'une intrigue à l'autre parfois secs, mais c'est quand même hyper linéaire d'un point de vue temporel et relativement cadré du point de vue de l'intrigue de base. Ça reste difficile à résumer: histoire de conspiration à ramifications multiples, mêlant american dream raté, espions en tout genre, sectes et société secrète de dentistes/narco. On retrouve bien l'auteur dans le concept d'intrigue qui accouche d'autres intrigues qui elles-mêmes etc. le tout se rejoignant par des chemins de traverses parfois surprenants- mais n'ayant pas encore lu le livre, je ne peux pas vraiment dire. Je reconnais quelques trucs que j'apprends à aimer chez Anderson: les plans larges sursaturés de couleurs vives ou de lumières blanches, les lenteurs dans les regards parfois, et puis une certaine obsession des cultes, des trucs cachés. Par contre, on sent un truc très jouissif dans la réalisation, un amusement  à mettre en forme un texte, y compris en l'intégrant largement au paysage filmique - une des premières voix off que j'ai trouvé réussie en terme d'adaptation.

Comme j'étais dans le vice, j'ai maté La crème de la crème, mise en scène d'une légende urbaine autour d'un réseau de prostitution dans les grandes écoles françaises. Franchement, c'est divertissant, mais ça reste très sage au niveau de la façon de traiter les choses - surtout après le gros kick facial de Dog Pounds. Là on part dans du teen movie scandaleux, mais sans prendre vraiment de risque: au final, l'histoire importante, c'est une histoire d'amûûûr (d'une lesbienne qui n'en est en fait pas une, on ne sait pas trop bien comment le prendre) et d'amitchié. L'aspect pas mal violent de la misère sexuelle et du rapport de tout ça au fric est finalement noyé dans une bande-son SoMe qui est certes plaisante, mais bon. 

The postman always rings twice est vraiment un film vicelard de chez vicelard: il l'est surtout pour son spectateur qui fait de bonnes montagnes russes morales. A partir d'une intrigue plutôt simple de film noir - la vamp qui entraîne l'amant transi à tuer le mari concon - on passe de rebondissements en retours de manivelle qu'on ne sait plus si les méchants sont vraiment bien méchants. Le rôle de la femme fatale est vraiment exemplaire, jusqu'à un certain point de repentir qui gâche un peu la sauce, tandis que l'amant entubé est lui plus linéaire - dans le fond, il est aussi bon con que le pauvre mari. Il y a pas mal de trouvailles au niveau dialogues, dont l'expression "dead as a doornail" sur laquelle on insiste tellement qu'on a cherché pendant tout le reste du film de quelle porte il pouvait bien s'agir. Mystère.

Et puis, pas vraiment vicieux, mais quand même plein de paillettes, Behind the Candelabra, titre qu'on pourrait prendre pour une position sexuelle tordue, mais en fait non. C'est une triste quoique super glauque à plein d'égards, histoire d'amour qu'on voit ici, entre un jeune rural aux joues replètes et une grande diva au gros candélabre. Pas de pathos cependant, même si l'histoire a un bon potentiel de sortie de mouchoirs, c'est plutôt sobre (enfin) et très neutre. Douglas est étonnant, Damon fait des trucs (ouuh) avec son menton pointu, tous les deux impeccables en tout cas. En termes de biopic "l'homme derrière l'image" , ça ne cherche pas non plus à creuser, à expliquer, redéfinir une certaine vérité de la personne derrière le personnage, mais ça présente surtout une tranche de vie qui en révèle probablement plus entre les lignes qu'une bio en bonne et due forme.

Inherent Vice, Anderson, 2014
La crème de la crème, Chapiron, 2014
The postman always rings twice, Garnett, 1946
Behind the Candelabra, Soderbergh, 2013

Aucun commentaire: