dimanche 14 juillet 2019

Trou détective, again.


Je viens de finir le visionnage épique de la fameuse mini(!) série de NWR (comme il a visiblement décidé de se nommer lui-même ou en tout cas de faire une TM sous forme de # en début de chaque épisode heu bon). Je suis maintenant officiellement trop vieille pour mourir jeune. Sans déconner. Too young to die old m'a mis 10 ans dans les dents. En dehors du fait que ce soit long, ça a le don de rallonger le temps d'une façon jamais vue avant. Je ne sais pas trop quoi en penser, entre soulagement de l'avoir fini et, parfoi, regret de l'avoir jamais commencée. Il y a certes il y a des trucs pas mauvais, on finit par s'y laisser prendre mais bon, était-ce vraiment nécessaire?


Soyons honnêtes, j'ai des très mauvais souvenirs de NWR. Pusher et Bronson ne sont pas mauvais Drive passait encore mais God only forgives m'a donné l'impression de voir le même plan pendant 2h (Ryan Gosling traversant l'écran au ralenti d'un air hébété au milieu de néon dans une ambiance lourde) et Neon demon était à peu près du même tonneau (avec une morale à la Disney en plus). Du coup, bon, je l'ai surtout commencée pour ricaner (j'avoue, je suis mauvaise). 

Pendant tout le premier épisode, on s'est demandé c'était quoi le fuck. On y voit Martin, flic pas très rapide, faire des sales coups avec son pote qui finit par se faire gunner dans une rue, comme ça, pan. Y plein de néon partout, des nappes d'éléctro, des plans longs et lents d'endroits un peu postapo. Chaque réplique met une demi-heure à arriver, au point qu'on dirait parfois que Martin a tout simplement oublié la question. Ou la réponse. Pour être franc, c'est à partir de là que la série est devenue Martin-le-poisson-roug pour nous. C'est du Maeterlinck sous prozac en gros. 

"Martin ...............................................T'as une clope .........................................................?" 
"............................................................. Oui .................................. Attends , une quoi?"
"...................................................... Une ....................................... merde ..... Nevermind".



On remarque d'ailleurs dans cet épisode que Martin possède un poisson rouge. Enfin, il a un aquarium. Pas certain que le poisson y soit. Il l'a peut être oublié ("Wait what?"). Trou détective quoi.
On remarque aussi que Martin est entouré de gens chelous, une copine pas majeure, dont le  père est bien ridicule (le jeu d'acteur tout dans le nez est remarquable), toujours dans une ambiance avec full néon, détails un peu freak, ambiance étranges. Coucou Lynch,on a compris.

Bon le deuxième épisode nous envoie au Mexique voir la partie mexicaine de cette histoire. Même ambiance, mais en plus solaire. Endroits vides, longs plans, relations familiales tendues du slip, non-dits, violence à fleur de peau, cruauté et ralentis cruels. Bon.

On finit par revenir à LA avec le 3e épisode pour découvrir un troisième fil narratif, celui de la cinglée qui fait buter des pédophiles (heuuu ok) accompagnée de son homme de main à l'oeil de verre. Oh tiens, encore un freak. Et qui a une mère malade, tiens. Bon, vous voyez le genre.

Au bout d'un moment, on se fait au rythme, disons que ça décolle un peu et qu'il se passe des trucs (= des gens se font buter surtout) du coup, on revient pour le fun. On finit par apprécier les plans, l'ambiance musicale, la diction à deux de tension et on se laisse prendre au jeu. L'histoire part dans une direction à laquelle on ne s'attend pas vraiment et finit pas trop mal. Dans l'ensemble, ça reste regardable, il faut juste passer les trois premiers épisodes et faire un peu abstraction du style qui est un peu fatigant quand même. 

Il y a trois trucs qui pourraient bien marcher mais qui sont tellement utilisé que ça devient pesant:

- des très très très longs plans. Tableaux fixes, personnages immobiles, cadrages un peu abscons: alors oui, ça donne une patte visuelle un peu scandinavo-design, un côté observateur froid de la faune humaine mais pourquoi est-ce que chaque plan doit en être? On est par contre soulagée que NWR n'ai pas succombé (si peu!) à la tentation du drone. Probablement trop mainstream pour lui.

- des néons. Partout. Putain s'il y avat moyen de foutre un néon dans le cul d'un cheval, il l'aurait fait. Et quand y a pas moyen de foutre des néons, sursaturations de couleurs dans tes dents. C'est pas un peu déjà vu? Si. C'est du boocoo vu comme dirait James.

- des freaks, des marginaux, des personnages un peu cassés par la vie qui créent des situations bizarres, un peu tordues, augmentée par le ralenti. Ca, c'est encore intéressant. Ca devient gavant quand TOUTES les scènes sont identiques, quand TOUS les personnages semblent échappés d'un asile ambulatoire: pas moins de trois relations incestueuses, des pédophiles à tous les étages, des drag, des queer, des cartomanciennces, des chamanes non-descript; même les clébard ont une gueule à l'Arbus. 

Certaines personnes ont trouvé ça lynchéen, version Twin Peaks 3, dans ce rapport à la lenteur, aux personnages chelous. Honnêtement, on sent la tentative, mais c'est loin, très loin d'y arriver, entre autre parce que ça en fait trop, ça essaye trop. Il y a une superbe définition de ce qui fait l'essence lynchéenne quelque part dans Wallace et ça dit ceci:

Some guy killing his wife in and of itself doesn't have much of a Lynchean tang to it, though if it turns out the guy killed his wife over something like a persistent failure to refill the ice cube tray after taking the last ice cube or an obdurate refusal to buy the particular brand of peanut butter the guy was devoted to, the homicide could be described as having Lynchean elements. And if the guy, sitting over the mutilated corpse of his wife (whose retrograde 50's bouffant is, however, weirdly unmussed) with the cops on the scene as they all wait for the boys from Homicide and the M.E.'s office, begins defending his actions by giving an involved analysis of the comparative merits of Jif and Skippy, and if the beat cops, however repelled by the carnage on the floor, have to admit that the guy's got a point, that if you've developed a sophisticated peanut-butter palate and that palate prefers Jif there's no way Skippy's going to be anything like an acceptable facsimile, and that a wife who fails repeatedly to grasp the importance of Jif is making some very significant and troubling statements about her empathy for and commitment to the sacrament of marriage as a bond between two bodies, minds, spirits and palates...
David F.Wallace, A supposedly fun thing I'll never do again, 1997 
Ce qui fonctionne, c'est la subtilité, c'est justement l'instant à partir duquel la scène est trop lente, le petit point à partir duquel le personnage est étrange, le micro-décalage. Il y a un humour qui manque cruellement dans tout ça, très peu d'ironie, y compris pour soi-même.  Ici, c'est surtout une autocopie, un style qui finit par être plus de l'auto-érotisme artistique qu'autre chose (comprenez: de la branlette). NWR n'a visiblement pas décidé de se renouveller, et finalement, pourquoi le ferait-il? Avec un scénar de trois lignes, des néons de paki et des acteurs à la gueule tordue, il continue à faire mouiller les vioques des Cahiers + les jeunes Insta qui ont l'impression de voir un JLG (tiens, un autre accronyme) version 3.0. Pourquoi essayer de faire compliqué quand on peut faire simple, quitte à répéter encore et encore la même chose?

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