mercredi 21 juin 2017

Teenage angst


Doom generation
Après avoir abandonné en cours 13 reasons why (you should believe in the tape hype) qui ressemble un peu à rien, je me suis rappelée de mon adolescence avec ferveur et mélancolie et demandée que devenait ce cher Araki – qui réalise les quelques épisodes qui sortent un peu du lot. Ce jeune homme plein de fougue et d'idées super bizarres, de visuels en forme de Jésus à pois fluos et d'ado en descente d'ecsta permanente? Il existe bel et bien une teenage trilogy, chose qui m'avait échappé, à laquelle appartient The Doom Generation, relativement culte mais aussi Totally fucked up et Nowhere. Jésus!  Quand je trouve trois films qui font déjà un cycle en soi, je suis toute chose, alors je les vus (revus pour certains) fissa.

Totally fucked up est un film en 15 petits bouts sur une bande jeunes plutôt cool qui font un peu la teuf, baisent gentiment, se défoncent amicalement et parlent beaucoup de leur vie face caméra. Ces jeunes sont bien évidemment très gais (à cause de la drogue et de la vie qui est belle)  et très gay, chacun dans son style et c'est surtout autour de ça que tourne l'histoire. Entrecoupée de spots publicitaires, de sermon de prêtres cinglés, de diatribes homophobes ou de nouvelles du front du sida, on se dit que l'époque n'est pas bien joyeuse pour ces jeunots. Bon an mal an, ils se débrouillent, se faufilent dans les fissures et promènent leur arrogance molle très 90's un peu partout. Au-delà des petites tranches de vie, c'est aussi une histoire, et une qui finit mal. Il y a déjà plein de trucs qu'on aime visuellement: des messages religieux subliminaux, des lézards géants en vadrouille, et puis des références belches qu'elles font plaiiiisir:
Totally Front 242!
The Doom generation, je m'en rappelais vaguement: la gueule de Rose McGowan, le minois mou de James Duvall, le plan à trois dans un hangar – bref, l'essentiel quoi. On part d'une situation de base, à savoir un petit couple de jeunes gens glabres qui s'emmerdent dans une soirée electro-trash. Après avoir fait un peu la moue, ils décident de faire comme tout le monde et de rentrer se la coller à la maison tranquille après un pit-stop au paki du coin.  Sauf que. Au paki, bim paf pouf, ces petiots qui n'avaient rien demandé à personne se retrouvent avec un meurtre sur le bras et un nouveau pote qui a l'air un peu psychopathe.  Madame est hystérique, monsieur est un peu mou et tout ça se termine au motel, le temps de comprendre ce qui se passe. La suite est une sorte de road-trip en mode Thelma et Louise et Louis/ Badlands. On ne comprend pas très bien comment tout s'enchaîne mais ça tire, ça tue, ça baise (un peu dans tous les sens du triangle d'ailleurs) et ça finit mal, comme on pouvait s'y attendre. C'est toujours très chouette dans l'image, avec pleins de simagrées catho-pop, des mines un peu déconfites, des plans très près des visages impassibles. La nonchalance un peu meh des personnages est assez géniale – ce côté très slacker indifférent au monde de pur ado en mode rien à foutre. Beaucoup de belles lumières de néons qui clignotent dans une ambiance fin de soirée au Macumba avec une bande-son d'époque (Jesus and Mary chains, again).

Nowhere
J'avais déjà vu Nowhere aussi mais je n'en ai été certaine qu'à la scène finale (un cafard géant ça ne s'oublie pas comme ça). Encore un peu plus vide, un peu plus vain et avec un beau jeu de mot sur Now + Here qui = nowhere. C'est chou. L'intrigue ne se fatigue même plus, avec une ligne narrative digne de Gossip Girl (tout le monde se prépare pour une soirée, la soirée a lieu, la soirée est finie, chacun rentre chez soi) mais avec beaucoup de crack dedans.  Bon, évidemment, c'est plus profond que ça au niveau des histoires de fonds, des problèmes que ça touche et des questions qui restent en l'air. Nos héros, Paul, Pierre, Camille et Machin Truc couchent tous un peu ensemble à géométrie variable, prennent tous un peu des drogues à effets improbables, font des fêtes bizarres avec des lézards géants (beau recyclage des costumes du premier film) et  portent sur la vie un regard pop blasé du plus bel effet. C'est difficile à décrire autrement: un bout de vie un peu barrée avec des morceaux de Gregg Araki dedans. Y a de la couleur, des trucs d'ados très cons ("blood is soooooo cool!") et pas mal de choses bien trouvées (le gang de drag-queens carjackeuses, le cafard géant, la salopette assortie aux murs, les jumeaux gigolos, …). On y voit également plein de teenage stars de l'époque (la meuf de Beverly Hills), des starlettes déjà has been et des petits jeunes qu'on retrouvera plus tard (Ryan Phillip, qui n'avait encore rien fait l'été dernier).

Totally fucked up, 1993
The doom generation, 1995
Nowhere, 1997

dimanche 4 juin 2017

The (double) life of Brian

Pourquoi Brian de Palma? Et pourquoi pas, après tout? En tombant sur un résumé de Raising Cain, je me suis rendue compte que je connaissais finalement très peu le bonhomme; dont acte, pris au hasard quelques films et en avant. 

J'ai commencé par Casualties of war, film de guerre plutôt classique, si ce n'est qu'il prend l'Histoire par le bout d'une petite histoire, un fait divers en fait, sur l'horreur de la guerre, les hommes, tous des salauds et la rédemption peut-être parfois. Eriksson commence son premier tour au Vietnam dans une petite équipe bien sympathique: soudés, rigolards, cyniques et pleins de vieille sagesse du combat: cool les poteaux! Mais c'est sans compter qu'à force d'être rendu dingues par la jungle, une guerre un peu sanglante (et sans gland, haha) tout ça finit par craquer. La troupe de sympas se transforme en grands bâtards et réquisitionne une pauvre villageoise comme ça, sans prévenir. On sait depuis un moment que le viol est une arme de guerre comme une autre, mais Eriksson visiblement pas, qui va se poser des questions et se fâcher un peu tout rouge. Ça reste un film de guerre mais pris dans un truc très concret, sans recherche politique, plutôt une histoire d'homme et de cas de conscience. Déjà une idée de rédemption, de mec sauveur, de pauvre femme en déroute + l'idée du mauvais rêve dont on finit par sortir. Très joli Sean Penn (tout jeuuuuuuune!).

Raising Cain qui avait attiré mon attention, est un film nettement plus barré. Histoire de père scientifique fou qui sacrifie sa progéniture, de femme infidèle qui se perd entre rêve et réalité, de double et de jumeau maléfique: miam! Carter est un médecin sans histoire: en pause carrière pour s'occuper de sa gamine pendant que madame gagne la croûte, il est même un peu en avance de trois siècle sur son temps, didon! Sauf que. Tout ça cache évidemment quelque chose (évidemment!). Parce que quand Carter se fait déposer chez lui par une amie, il finit par la chloroformer et la mettre dans le coffre après avoir essayé de la convaincre de lui prêter son gamin pour une expérience. Hum. Tout ça est louche. Là-dessus débute une autre histoire, celle de Jenny, sa femme, qui recroise une ancienne flamme dans un magasin et hop, ni une ni deux, part faire de câlins avec dans un buisson (non mais franchement). Elle se réveille successivement après plusieurs versions de la réalité dont on ne sait plus très bien où elle se situe - tout pourrait bien n'être qu'un rêve. De son côté, Carter commence à craquer au niveau des coutures psychiques et la machine s'emballe. C'est un peu bizarre à première vue: il y a une, deux trois histoires, des indécisions sur ce qui se passe vraiment ou pas donc très déroutant. Le twist est un peu gras (la scène en trois étages du motel est franchement ridicule, genre le camion heu wtf) mais ça tient plutôt bien dans l'ensemble. 

Dressed to kill reprend l'idée de double mais en allant un cran plus loin. Il y a aussi confusion sur quelle est l'histoire qu'on raconte. Ça commence par une journée ordinaire de Kate, mère de famille normale: mari de merde, vie sexuelle pourrie, ado geek à boutons, pfff. Pour se consoler, Kate file chez son psy puis au Met' (ben tiens) où elle joue à j'ai-perdu-mon-mouchoir avec un inconnu avenant. Tout se termine dans un taxi après moult détours dans des salles de musée et on peut dire que ça y va sec ( le chauffeur est visiblement plus open-minded qu'à Bruxelles). Kate se fait donc un petit 5 à 7 pépère puis file en douce, sans laisser d'adresse (mais en laissant un mot quand même, parce que c'est une fille polie). Il y a cette très belle scène, de pratiquement 25 minutes sans un seul dialogue ce qui est vachement couillu en début de film - d'autant plus qu'elle passe toute seule. Bon, comme toute femme infidèle, Kate doit être punie et le sera dans l'ascenseur, à coup de rasoir par une meuf toute chelou à la perruque de travers. Pour seul témoin, Liz, une pute qui sort du taf et qui a juste le temps d'être repérée par la tueuse (chauve?) avant de décamper. S'ensuit une enquête menée par une belle caricature de flic italien new-yorkais et reprise par le gamin geek du début secondé par Liz, jamais en reste quand il s'agit de virer la cinglée qui la poursuit. Faudrait pas en raconter plus, alors on dira juste que c'est très bien foutu, dans le travail du double surtout, avec une très belle scène de split screen dosée juste assez pour comprendre ce qu'on doit. Il y a aussi tout ce travail sur le désir, la femme tentatrice, le poison d'une rencontre mais aussi un côté assez fun finalement, qui échappe un peu au thriller. 

Ça commençait à me travailler et ça a pris forme en regardant Body Double: des femmes fatales en détresse, un mec à la masse qui se pose comme sauveur, des peeping tom en témoin impuissant de meurtre atroce, des doubles un peu partout, une réalité qui se déforme sans qu'on sache plus très bien où elle commence: ça sentirait pas un peu le James (Ellroy), tout ça? Bingo! Body Double est le Black Dahlia de De Palma en fait. En sachant que c'est aussi lui qui en a réalisé l'adaptation du bouquin (sur laquelle j'avais chouiné à l'époque), c'est un peu wow. Body Double est une histoire de double du début à la fin. Jake, acteur à la ramasse, rentre un jour chez lui pour trouver sa femme au pieu avec un autre. Bummer. Il va donc se faire héberger dans un appart en forme de soucoupe volante par un type qu'il connaît à peine (normal). Type qui lui montre en passant son gros télescope - littéral, pas symbolique (quoique...) - qui lui permet de mater la voisine d'en face qui fait un petit strip tous les soirs à la même heure en buvant son dirty martini (coucou Hitchcock!). Chic alors! Comme un bon mateur, Jake finit par retrouver et suivre cette gentille dame qui s'achète des culottes taille très haute, se rend dans des motels chelous et passe des coups de fils étranges. Il n'est d'ailleurs pas le seul, puisqu'un Indien à l'air inquiétant est sur le coup aussi. Jake se jette d'ailleurs aux trousses du malotru quand celui-ci s'empare du sac de la dame, ce qui lui vaudra un gros câlinou dans un tunnel (??), car la dame est reconnaissante (et un peu à la masse visiblement). Jusqu'à ce qu'un soir, un train? Non, un soir, un Indien, une tronçonneuse et un Jake au bout du téléscope, impuissant. La suite est encore plus tordue et part vraiment dans la direction d'Ellroy. Alors quoi? Visiblement, personne ne s'est jamais posé la question de cette rencontre, mais il y a quand même un paquet de ressemblance et l'association Black Dalhia/Body Double (ça commence par les mêmes lettres d'ailleurs, mouiiii) est franchement troublante. Il y a cette histoire de voyeur qui se retourne contre le voyeur, ces images volées un peu hachées, avec toujours autour du cadre, un autre voyeur comme une menace qui plane. Il y a ces femmes égarées, les yeux brouillés par le désir, agrippée à leur sauveur - souvent un semi-raté en mode rédemption in da hood. Il y a cette confusion des doubles entre morte et vivante, ces masques et ces perruques. Tout ça dans cette pompe à vice qu'est L.A. Il y a un truc à écrire là-dessus (et à se demander pourquoi l'adaptation du Black Dalhia est aussi ratée du point de vue style). Mon hypothèse personnelle est qu'Ellroy et De Palma sont en fait la même personne (ou un jumeau maléfique l'un de l'autre). Hum. Ce serait un bon sujet de film, pas besoin de savoir qui serait aux commandes.

Casualties of War, 1989
Raising Cain, 1992
Dressed to kill, 1980
Body Double, 1984


jeudi 1 juin 2017

mercredi 24 mai 2017

Ecran total

On a souvent dit que les psychopathes étaient ceux qui avaient les meilleures chances d'être super successful – il semble aujourd'hui qu'il suffise d'être simplement demeuré complet et de n'avoir aucun surmoi, comme le prouvent ces deux exemplaires de grosses merdes. Dès lors, que faire de votre existence si vous êtes un gros sociopathe? C'est simple comme une inscription chez Actiris: recyclez-vous! Devenez mathématicien brillant, prisonnier flippant ou encore charpentier gluant!

Coucou
J'avais déjà vu Pi mais je ne m'en rappelais guère – probablement parce que je n'avais rien pipé au film, si ce n'est que le monsieur a beaucoup mal à la tête et un gros complexe de Fibonacci. En le revoyant, on voit mieux d'où viennent certains tics de montage de Requiem et surtout les thématiques qu'on retrouve un peu partout chez Aronofsky – paranoïa, obsession, somatisation et le classique je-suis-trop-génial-pour-être-normal-et-j'en-souffre-sortez-moi-de-là. Pi raconte donc l'histoire de Max, mathématicien/trader qui fait joujou avec son ordinateur trop vintage (il est un peu hipster) pour essayer de trouver des pattern dans les chiffres. Pauvre Max, tout le monde le fait chier – entre des kabbalistes fous qui font de la topologie de la Torah, des responsables RH à grosses épaulettes qui font du recruting sauvage et sa gentille voisine qui le gave de samosa, pas moyen de réfléchir peinard. Vient un moment de crispation où tous ces signes finissent par faire trop pour la tête à Max qui commence à partir en vrille. Belle descente aux enfers qui se termine par un splash sur le miroir avec un putain de rythme, des répétitions en boucle d'images/séquences, des plans très près, très rapides, dans du N/B bien granuleux comme on aime. Parfois un peu hystéro dans le jeu peut-être.

les
Bronson est un truc trouvé par hasard (je crois que j'ai confondu avec Manson en fait) mais que j'ai surtout regardé pour le très succulent Hardy qui passe une bonne partie du film un peu voire beaucoup à poil (film carcéral oblige). Hardy est ici Bronson, prisonnier rosbif super célèbre (ha?) à grosse moustache et psychotique à l'avenant. Raconté comme un one-man show avec flash-back sur un parcours un peu, disons, chaotique, on suit l'histoire de ce type tout chelou – de petit braquage à prison en passant par l'asile, c'est bath. J'avais juré de ne plus rien regarder de Refn après la bouse de Neon Demon mais bon, je me suis dit "Hardy, petit" et voilà. Au final,, c'est pas trop mal, très Drive musicalement, très clippé visuellement – grand espaces vides, plans immobiles, personnages en mode automatique, travail sur la composition des plans comme des tableaux – et ça reste regardable voire joli parfois. Au niveau du jeu, pas mal foutu, assez convaincant niveau grand malade – le dispositif "théâtre" est par contre un peu lourd (on voit pas trop le rapport avec le fond, si ce n'est la manière très immobile de filmer. Mais alors, on aurait même pu aller vers une scène d'opéra (genre)). Bref. C'est pas mal, c'est une histoire et une info intéressante à avoir (il y a des gens tarés en prison et ils ont des belles rouflaquettes).

cinglés!
Le dernier taré est le taré mystère de Savage Weekend, super-slasher/triangle amoureux, à mi-chemin entre Antonioni (pour les couples qui se font et se défont) et Tobe Hooper (pour les tronçonneuses et outillages divers). Marie, fraîchement divorcée, se tire en weekend avec son mec, sa sœur et son pote gay. Des trucs un peu sexuels se passent avec des types locaux, qu'on comprend pas bien et y a du fricotage dans les buissons. Il y a aussi une autre histoire, celle d'Otis, réparateur de bateau à l'air bien cinglé qui semble vouloir se venger d'un truc  (mais quoi?) sur quelqu'un (mais qui?). Tout ça finira dans le sang mais pas forcément comme on croit. C'est pas mal car pas forcément que du gore (même s'il y en a quand même, hein). Ça cherche à créer des tensions à d'autres niveaux notamment entre habitants de la ville et pauvres ruraux, ainsi que des trucs qui enrayent un peu la mécanique des rapports à un niveau amoureux chelou. Jolie idée de scie circulaire et belle attaque à la tronçonneuse.

Pi, Aronoksfy, 1998
Bronson, Refn, 2008
Savage weekend, Paulsen, 1979

samedi 20 mai 2017

Ecran total

Histoires de famille, trucs cosmiques et gros comiques; n'importe quoi et dans le désordre.

Je poursuis ma découverte de Dolan et je suis déjà un peu déçue (bouh) par Juste la fin du monde qui me laisse un peu meh. Ça raconte le retour difficile de Louis, écrivain réussi dans une famille un peu plouc qu'il pensait avoir laissée derrière lui. Retour d'autant plus compliqué qu'il est le dernier puisque Louis va mourir (nous aussi, et on n'en fait pas une tartine pour autant, hein). 12 ans de silence, de frustrations, de questions sans réponse et de cartes postales comme des petits cailloux: c'est pas grand chose et difficile à dire en 2h. Tout est un peu hystérique, criard, tendu et parfois difficile à regarder. Il y a ce style de Mommy qu'on retrouve dans la surenchère qui laisse parfois un peu dérouté mais avec une écriture différente, théâtrale puisqu'il s'agit d'une adaptation d'une pièce de Lagarce, texte éponyme que je n'ai jamais lu mais où on reconnait le dramaturge à cent à l'heure, que ce soit dans la forme ou dans le fond. C'est beau à lire mais parfois dur à entendre, ici, ça tire un peu, ça pèse parfois. C'est aussi très beau à plein de moments - en fait c'est difficile à comprendre, une émotion compliquée à décrire qui plane comme ça. Photographie géniale par contre, avec parfois ce côté clipesque de sale gosse. Beau mais aussi.

Famille pourrie, c'est par ici: Maps to  the stars qui me réconcilie un peu avec Cronenberg que j'avais lâché après l'adaptation bousesque de Cosmopolis - pas tenu plus d'une demi-heure - et qui refait un truc un peu bien: y a des déformations corporelles, des trucs organiques qui pointent sous les névroses même si ça reste un peu fade par rapport à ce qu'il a pu faire. L'intrigue est difficile à résumer sans trop en raconter: Agatha débarque à Hollywood pour y faire on se sait pas trop quoi et son monde rentre en collision avec celui de quelques exemplaires d'humains névrotiques qui y vivotent - actrice vieillissante, gamin grandi trop vite, mère maquerelle et psy tendance pipeau/new age. Tout ça n'est pas par hasard car il plane une histoire de famille, de feu et de secret honteux qui se vit dans la chair cramée. C'est parfois un peu lourd, parfois énervant, mais globalement ça tient la route et c'est un bel ensemble de cinglés, plutôt joli à regarder. 

Encore un peu plus près du ciel et de la perfection: Paradise/Hope, troisième volet de la trilogie de Seidl, observateur génial de la difformité, des anormaux, des trucs chelous un peu gluants qui traînent dans les coins de la conscience collective. Ici, on suit Mélanie, petite boulotte de 13 ans envoyée en camp d'amaigrissement au milieu de la verte Autriche pendant que sa mère se tape la cloche au Kenya. Le reste est une tranche  de vie d'une adolescente banale en somme - amour un peu incestueux, première cuite, discussion sur la pipe (pour ou contre et quoi faire après) et coup de fil en détresse à Môman (qui visiblement s'en cogne complètement). C'est toujours sublime dans l'image, un travail sur des plans immobiles, découpés à la hache avec des lignes partout, souvent verticales, un travail d'architecture de chaque plan qui se fait sans donner l'impression de poser. Pas de commentaires, peu d'explications comme souvent, pas de bande-son pour savoir où on en est dans l'émotion, c’est de l'enregistrement qui se fait dans du frontal parfois à la limite du malaise tellement c'est complètement freak ET normal en même temps, en jouant sur ce petit point de réel qui perce l'image et qui vient titiller l’œil. Voilà quoi.Mention spéciale au mulet du prof de gym: Monsieur, votre courage vous honore.
Das groß mulet
Juste la fin du monde, Dolan, 2016
Maps to the stars, Cronenberg, 2014
Paradies: Hoffnung, Seidl, 2013

vendredi 19 mai 2017

Chienne de vie

C'est bientôt  la période magique du festival du chien de Yulin au cours duquel des chinois sanguinaires bouffent des cabots trop mignons et où Facebook tout entier frétille d'une indignation aussi stupide qu'inutile. Vous aussi vous en avez marre? Après tout, les chiens c'est con comme la lune, ça se laisse crever sans chouiner et c'est même pas capable de se laver le cul soi-même. Si en plus, c'est délicieux, pourquoi s'en priver, hum? D'autant plus que les chiens, c'est un peu des vaisseaux de Satan, comme les films suivants le prouvent avec éclat. 

Pet ne parle pas vraiment de chien mais donne des infos intéressantes sur les gens qui les aiment. Ce mec trop chou qui travaille dans un chenil, vous vous dites: ami des animaux ET soignant? Par ici la bonne soupe! Pas si vite malheureuse! Derrière tout timide au grand cœur se cache un psychopathe potentiel (le degré de psychopathie étant souvent inversement proportionnel au degré de timidité comme on le sait par ailleurs) et qui dit psychopathe potentiel+cage+kétamine dit gare à ton cul ma fille. Notre héros tout mimi est donc Seth, jeune homme timide qui recroise par hasard une meuf  de son lycée qui l'a visiblement totalement zappé. Grâce à un stalking 2.0 en règle, il finit par essayer de lui sauter dessus dans un bar pourri avant de se faire corriger par son ex, barman raté avec deux neurones qui se battent au niveau des narines. Evidemment, Seth n'est pas content: comment apprivoiser cette petite sauvageonne qui veut simplement qu'on lui laisse faire sa vie sans l'emmerder ? Ping, fait la tête de Seth quand il la cogne par terre! Une porte dérobée, une cage en acier et le tour est joué! S'ensuite un film de captivité classique qui va cependant se corser lorsque des révélations seront faites…. Miam! C'est franchement pas mal, et il y a le drogué de Lost (j'ai la flemme de chercher son nom) qui est bien. Le twist est un peu gros pour moi mais bon, on peut pas tout demander. C'est déjà pas mal visuellement, même si ça manque de chien (haha)

En termes de chien méchant, il y a Cujo, sorte de Beethoven de Satan qui bave partout. Au départ, pourtant tout allait bien: Cujo était un bon pépère qui coursait le lapinou dans la brousse. Puis pouf, il se fait mordre par une chauve-souris, fille de Belzébuth par excellence et le voilou tout méchanou. Pauv' Cujo! Mais l'histoire principale, comme souvent chez Stephen King (oui, encore lui!) est ailleurs, puisque c'est celle de la famille Trenton: peur des monstres, infidélité, travail prenant – famille classique. Pendant ce temps-là, Cujo boulotte un, puis deux rednecks sans que ça n'inquiète personne.  La dernière partie du film est un joli tête à tête entre un Cujo de plus en plus jaunâtre et gluant du nez et une pauvre mère de famille coincée dans sa bagnole avec son petit Tad (qui a peur des monstres donc). C'est très chouette, assez angoissant et joli comme huis-clos en extérieur. Il y a des beaux travelling intérieurs, des tentatives de sauvetage ratées et des méchants coups de batte sur la tête à Cujo. Prends ça, clébard de mes deux!


Finalement, White God, un truc de fou malade complètement trop bien, avec une des séquences d'ouverture les plus belles du monde de la terre. Sans doute référence à White dog dont on a déjà parlé ici puisque ça parle de chien qu'on essaye de rendre méchants et qui finissent par se venger comme les bâtards qu'ils sont, na. Lili doit se tirer chez son père pendant trois mois et prend son clébard avec. Sauf que. Le padre en question n'est pas trop chaud et envoie chier Hagen, bâtard sensible. Ce pauvre Hagen va donc vivre sa vie de chien errant, qui est plutôt cool puisqu'il vit à Budapest, ville qui a du chien (re-lol). De rencontre en rencontre, on suit le cabot d'un côté et la petite de l'autre, qui fait sa vie comme elle peut –petits coups de cœur, mauvaise vodka, première nuit au poste, c'est émouvant. La dernière demi-heure est absolument géniale, tellement qu'on la raconte pas. Il y a de la meute en furie, de la galopade dans une ville qui a quand même un putain de style, des images là-dedans trop belles, une idée de fin du monde au-dessus de pas mal de trucs dans le genre. Wouf, mazakafa!

Pet, Torrens, 2016
Cujo, Teague, 1983
White god, Mundruczo, 2014

vendredi 12 mai 2017

Mommy, you're not watching me

C'est bientôt la fête des Mères: pensez  à Môman autrement qu'avec un nouvel aspirateur ou un bon de réduction pour se faire liposucer. Emmenez –la voir un film plutôt, histoire de lui rappeler à quel point vous êtes un bon gamin!

J'ai enfin vu un film de Dolan, depuis le temps qu'on me les brise avec ce type – et c'est pas mal. Mommy raconte une histoire de relation mère-fils un peu zonards de la life. Steve, ado un peu perturbé tendance schizo en déroute retourne vivre chez sa mère après s'être fait jeter d'un énième centre pour cinglés. Pas super happy, Diane se retrouve avec ce paquet encombrant; toujours à deux doigts de l'implosion et fan de Céline Dion en plus (décidément, les ados, c'est vraiment de la merde). Diane est aussi un peu à la ramasse, pas vraiment de taf, de projet, de vie en gros. Là-dessus se greffe une voisine taiseuse prof en burn-out qui a perdu l'usage de la parole. Hum. Départ pour une jolie tranche de vie à essayer de recoller des morceaux d'un semblant d'existence pour des personnages tous un peu largués, se démerdant comme ils peuvent avec leurs névroses et leurs casseroles, ressoudant ce qui peut l'être avec des vieux chalumeaux de récup. C'est très beau, parfois très bizarre, gênant, prenant, difficile à comprendre, exagéré, surjoué, pas crédible; c'est toujours quelque chose en tout cas, jamais chiant, jamais pédant et souvent pas loin de toucher à du sublime. Il y a ce cadre en forme de carré parfait qui fait bizarre et puis qui grandit parfois sans prévenir et  cette idée, si cliché et facile qu'elle puisse être, elle est aussi sublime visuellement et absolument géniale.  Enfin voilà, c'est chou. Et c'est  triste, parce que c'est ça qui est beau.

The eyes of my mother raconte aussi une histoire de fusion mère-fille qui se prolonge par-delà la tombe, brrr. La jeune Franscesca voit par hasard sa mère assassinée par un psychopathe qui passait par-là – comme souvent dans les coins paumés des States. Eduquée depuis la plus jeune enfance à disséquer des têtes de vaches mortes, Fransesca a même pas peur: elle aide gentiment son père à enterrer le corps  maternel et à enchaîner le cinglé dans la grange. Mais toute cette violence, ça a quand même fait bobo dans le cerveau à Frannie, même si elle ne montre rien. Le film se décline comme un roman d'apprentissage en trois parties, dans lequel on assiste à l'évolution et la maturation d'une petite fille dérangée en mode boîte noire. Aucune explication, pas de voix off ou intérieure, quelques plaintes parfois qui expliquent et le reste est silence, entrecoupée de fado portugais qui donne envie de chialer. C'est très beau, très léché dans l'image, impeccable pour l'actrice principale en madone ultra-gore rendue dingue par l'amour filial. Très joli noir et blanc,  pour une petite fable cruelle qui fait bien mal.

Enfin, The falling qui n'est pas tout à fait dans le thème mais où on trouve aussi une histoire de relation mère-fille pas loin du focus du récit.  Le film raconte une histoire d'hystérie collective dans un collège angliche om des petites jeunes filles se mettent à tomber dans les pommes à la chaîne comme ça, sans prévenir. Je viens de finir The devils of Loudun, relation étrange d'un exorcisme/hystérie de masse par le cher Huxley et suis donc friande de toutes ces névroses collectives: c'est bin chouette! Ici, on est plus dans une config' Picnic at Hanging Rock, autre film dans lequel des petites anglaises tombent  en pamoison sous la coupe du pouvoir phallique d'un gros rocher. Une ambiance un peu étrange, des visions fugaces au moment de l'évanouissement, des réactions en chaîne qui se font dans la lenteur d'un corps qui tremble et tombe, le tout dans un cadre automnal qui donne envie de mettre ses hunter et d'aller respirer l'odeur des sous-bois humides. Hum. Il y a quelque part dans le cadre cette mère un peu dépassée par les événements, un peu bouffée par une gamine en crise, mais qui sera finalement le point de résolution de l'histoire. Pas mal dans l'ensemble mais on aurait aimé un truc un peu  trash au niveau ambiance. C'est plus promenade folkeuse en tweed – genre Keane – quand ça avait le potentiel d'être dans l'esprit Crystal Castles. Mais bon.

Mommy, Dolan, 2014
The Eyes of my mother, Pesce, 2016
The falling, Morley, 2014