mardi 9 janvier 2018

Ecran total

Trois histoires d’amour et de vengeance, parce que comme dirait lady Gaga, en amour, when it’s not rough then it’s not fun.

The killing of a sacred deer est un film bien sympa, à voir avant Noël pour se mettre dans l’ambiance : ambiance ultra lourde, musique hyper oppressante, personnages bien chelou et violence en famille : youpi. Steve, chirurgien très chic a relation super bizarre et trop secrète avec un certain Martin, garçon bien chelou qui aime les montres et la tarte aux pommes. On se met à soupçonner des trucs croustillants mais non en fait. Martin n’est pas là pour se taper la cloche mais pour exiger un sacrifice qui lui est dû. C’est dommage d’en raconter plus sans gâcher la surprise. Le truc est super bien foutu par contre : les images sont assez hallucinantes, très métalliques, industrielles, taillées au couteau dans les objets et les décors: par contre très proche du corps et toujours un peu décalées quand il s’agit des personnages. Il y a aussi une musique entre post-indu électronique bien lourde et opéra planant. Les dialogues, les réactions, des plans très fixes : tout ça créé un truc assez indéfinissable qui se tasse le spectateur dans son fauteuil – genre whaaaat – et dont on sort un peu cassé. Mais bien.

Après la revenge, la Prevenge, du nom de ce magnifique film de Alice Lowe, la meuf trop drôle de Sightseers qui est aussi l’héroïne de ce roadtrip vengeur en cloque. Les femmes enceintes sont super hormonales, c’est bien connu. Du coup, elles ont un peu tendance à tuer les gens qui leur cassent un peu trop les ovaires. Ruth, jeune mère en devenir donc, se met donc à buter des gens dans tous les sens. On hésite sur le choix des victimes : des hommes qui ont fait les enculés ? Des ex qui ne l’ont pas rappelée ? Ou bien juste des quidams hétéroclites ? En fait non, et on l’apprendra à la fin. En attendant, on apprécie les meurtres originaux, les commentaires rigolos et le scrapbooking original. Lowe est très bonne dans le genre mère de famille flippée mais pas sans ressources.

Three billboards outside Ebbing, Missouri est aussi une histoire de revanche mais en beaucoup beaucoup plus compliqué – ça part un peu dans tous les sens. Mildred décide un jour de louer trois panneaux publicitaires à la sortie de la ville pour rappeler au shérif local qu’il n’a toujours pas trouvé l’assassin de sa fille. Colère mal placée ou catharsis mal gérée, on ne sait pas trop, mais son geste fout un peu la merde dans la ville qui se dresse comme un seul homme derrière son shérif bien aimé (qui se meurt, le pauvre). Celui-ci n’est d’ailleurs pas bien méchant et on se rend compte que Mildred est un peu cinglée – quand elle se met à mettre des baffes à des gamins pour le fun par exemple. Un truc en entraînant un autre, ça finit par un suicide, des incendies  volontaires et de cocktails molotov. On pourrait dire que c’est parfois un peu tiré par les cheveux, certains dialogues sont un peu étranges, avec une sorte de maniérisme space mais au final, tout le monde s’entend bien pour dire que la violence c’est sympa mais pas que. Assez joli dans l’ensemble, un peu cowboy dans le son. Avec Frances Mc Dormand qui est toujours aussi génialissime.

The killing of a sacred deer, Lanthimos, 2017
Prevenge, Lowe, 2016
Three billboards outside Ebbing, Missouri, Mc Donagh, 2017

mardi 2 janvier 2018

Ecran total

Des films plutôt sonores, avec des bruits bizarres dans tous les sens, es musiques bien épaisses qui flottent, et une histoire d’enquête au micro.

The berberian sound studio est un film carrément space, plutôt génial dans la forme et très cool à voir – à entendre surtout. Gilderoy, un gentil british un peu chafouin est envoyé en Italie bosser sur la sonorisation d’un film d’horreur. Entre pastèque écrasée et explosage de chou au marteau, on découver les dessous des bruitages de films d’horreur : c’est rigolo et très légumineux. L’ambiance au studio est un peu chelou, entre grand moment de déconne et relations tendues agressives passives. Gilderoy commence un peu à l’avoir mauvaise quand on le balade un peu trop avec ses notes de frais. Jusqu’à la phrase que tout le monde a envie d’entendre «  Mais si vous aimiez vraiment ça, vous le feriez gratos ». Bah oui tiens. S’ensuit une confusion bizarre entre les sons du film et ceux de la vie, le tout rythmé par des injonctions au silence subliminales et la recherche du cri parfait. Certains sont vraiment bien, d’autres franchement… C’est très joli pour la progression très lente, imperceptible sans que ce soit du fantastique tout à fait, toujours à la frontière. Il y a cette ambiance film italiens d’épouvante avec des couleurs partout et des grandes filles qui crient en chœur.

Un film qui te met plein les oreilles et dans les yeux, c’est le Blade runner 2049 mazafaka ouais. Alors bon, d’accord Villeneuve mais bon : qu’en penser ? Honnêtement, le film est joliment foutu, l’idée est un peu téléphonée sur pas mal de plan  sauf quelques petits twist mais pas trop mal dans l’ensemble. C’est sonorement plutôt beau, repartant un peu des ambiances synthés du premier mais en plus épais on va dire. Niveau images, pas mal du tout, très pluvieux, très poussiéreux, très post-soviétique. Chic. Il y a Ryan Gosling qui m’énerve assez passablement et qui est pareil à lui-même, jeu tout en moue, regard énigmatique, veste à col relevée. Mouais. Quelques idées pas mauvaises mais peut-être un peu didactique (le plan à trois holographique heu ?) – ceci dit, pas de ruptures de rythme et pour un film qui dure quasi trois heures, c’est déjà pas mal.

Blowout est un film trop bien de sa mère qui me confirme mon hypothèse première concernant De Palma – il est bel et bien le jumeau maléfique de James Ellroy. Encore un film avec un type qui passe par hasard, encore un meurtre avec un politicard qu’on veut mettre au placard, encore une fille fragile sauvée des eau mais pas que. C’est tout toi ça. C’est aussi un hommage à Antonioni mais en carrément moins chiant – au moins il y a John. Il y a aussi des scènes de meurtres par erreur un peu gore, des flics pas très compétents et un héros un peu minable qui reste impuissant à sauver sa belle. Ici aussi, on recherche le cri d’horreur parfait et ici aussi on se venge à coup de bandes démagnétisées. Quand même vachement plus visuel qu’un ficher mp3 effacé sur une clé, non ?

Berberian sound studio, Strickland, 2012
Blade runner 2049, Villeneuve, 2016
Blowout, De Palma, 1981

jeudi 14 décembre 2017

Ecran total

Des histoires de meurtres et d’amour parce qu’à l’approche de Nowel on a surtout envie de se rappeler que c’est la seule chose qui vaille la peine finalement.

Les garçons sauvages est une adaptation du roman de Burrough qui aime les choses un peu confuses (dans tous les sens du terme d’ailleurs). On pourrait parler de roman d’initiation même si je ne l’ai pas lu mais bon. Des jeunes garçons un peu foufous se voient accusés du meurtre de leur professeure de français,  quadra un peu étrange qui leur enseigne la littérature dans un champs en été à grand renfort de rhum. Pas très Pacte d’excellence, tout ça. Enfin bref. Après un procès un peu expédiés, les voici en route vers une île bizarre à bord d’un bateau avec un capitaine super chelou et bien oedipien. L’île se révèlera une révélateur (ben tiens) pour leurs sens zengourdis et leur libido pas bien claire. Faut pas en raconter plus parce qu’il se passe un truc de fou (que tout le monde avait vu venir sauf moi mais bon). Visuellement c’est très joli,  assez trippé, avec des sous-entendus parfois un peu gras mais bon. J’ai un souvenir un peu vague de la fin mais c’était bien. En gros. La BO est très jolie par contre.

Dans La vérité on retrouve cette chère Brigitte (Bardot) avec sa moue et son jeu d’actrice tout en fesses et choucroute capillaire : mais qu’elle est jolie. Le film raconte une histoire d’amour qui tourne mal et pris à partir du procès de cette histoire dont on connaît donc la fin dès le début. A coup de flashback et de témoignages on reconstruit l’histoire d’une petite paysanne montée à Paris en mode live-fast-die-young-bad-girls-do-it-well et qui décide donc qu’elle a autre chose à foutre que de gagner sa vie, se chercher un taf et devenir une dadame convenable.  Tout ça finit évidemment dans des cafés avec des étudiants en littérature qui comme on le sait sont des agents provocateurs de la mort (lol) et voilà notre amie en mode couche-toi-là-que-je-te-pousse , tout ça avec beaucoup d’élégance. Jusqu’à la rencontre avec un type un peu bizarre – hé oui – qui finit par lui voler son petit cœur de beurre.  Ça donne un beau film de procès, pas chiant du tout même si on sort sans avoir trop de conclusion :  les portraits dressés évoluent au fil du récit et on aurait bien de mal à se décider. Très noir, très jazz déjà, prudent sur le traitement réservé aux femmes à cette époque pas si lointaine où l’égalité n’existait pas encore (re).

Darling est un film que je possède pour une raison inconnue (un oubli un soir de cuite ? une envie subite ? une confusion avec un autre titre ? tout est possible). Toujours est-il que je le regardai afin d’en savoir plus. Il s’agit donc d’une histoire de maison hantée et de concierge qui tourne au drame. Une petite jeunette se retrouve à garder une grande maison qu’on lui déclare hantée. Pas de bol. Mais bon. Avec des grands yeux flippés comme les siens faut bien faire un métier qui colle à l’attitude et finalement, concierge psychotique est un taf comme un autre. Alors on ne sait pas très bien pourquoi  ni comment  cette pauvre devient cinglée mais elle le devient, petite à petit et à coup d’image subliminales ( ?) à moitié épileptiques glissées entre deux plans fixes un peu chiant (très belle fixette sur un plan de ce qu’on appellera une bite d’escalier, donc le truc qui se met au-dessus de l’endroit où la rampe fait un angle). Beau plan donc. Tout fonctionne un peu par montée, attente de climax puis rien. Un peu décevant donc. Un traitement du son u peu Godard – les conversations sont tuées par une musique angoissante qui n’annonce rien de bon puis finalement qui n’annonce rien du tout en fait (littéralement rien). Quelques coups de couteau amateurs pas dégueus et une technique de scie à métaux pas encore rodée.

Les garçons sauvages, Mandico, 2016
La vérité, Clouzot, 1960
Darling Keaton, 2015

samedi 25 novembre 2017

Ecran total

Un peu en vrac entre clown –chaton et pirate de banlieue: que des films bien bizarres encore.

J’ai enfin vu It, le nouveau qui m’a semblé familier jusqu’à ce que je me rends compte que je l’avais vu (l’autre, pas celui-là) il n’ya pas si longtemps en fait, d’où une sensation de déjà vu. Ca est un film qui m’a bien traumatisée quand j’avais 17 ans et que je n’ai revu qu’avec beaucoup de précautions – mais finalement rien. La nouvelle version faisait des promesses – Fukunaga au scénario – mais finalement, bah pas grand-chose. Il y a bien une descente plus profonde dans l’univers de King, avec plus de détails sur les personnages et leurs histoires, dans la grande tradition du pauvre gamin qui en chie à la maison/ à l’école mais qui a des amis en or tout plein qui l’aiment de ouf. On se dit parfois un peu mais quelle bande de losers – entre fils d’alcoolo père incestueux, mère Munchausen et famille déglinguée, y’en a pas un pour rattraper l’autre. Au niveau visuel c’est pas mal, plutôt joli. Certaines scènes sont quasi des reprises plans à plans mais avec un côté u peu actualisé, dans la sursaturation des couleurs quelques chose d’un peu plus photographié et lent (le film est plutôt long d’ailleurs). Comme il ne s’agit que d’un chapitre 1, on reste dans les 80’s, en surfant bien sur la vague Stranger things du coup. A voir ce que la suite réserve.

Un autre méchant qui fait peur, c’est Candyman qui m’a bien fait flipper en fait. Helen, une doctorante à la cuisse ferme, enquête sur les légendes urbaines. Elle entend au détour d’une conversation parler d’un Candyman, fantôme d’un type à qui on a coupé le bras et qui sort du miroir quand on répète son nom 5 fois. Brrr. Ces récits tournants toujours autour du même espace urbain, à savoir des blocs de logement sociaux, elle décide de se risquer dans ses lieux périlleux, non sans avoir embarqué sa copine black (street cred’ oblige). Les découvertes se font à plusieurs niveaux – un espace, une population complètement à part, un truc d’ethnographe en vacances en banlieue. Du point de vue du Candyman, il y a évidemment un truc qui se passe mais qu’on ne racontera pas. C’est plutôt intéressant pour le sous-texte pas forcément clair, sur le rapport banlieue/ville, savoir universitaire/populaire, sur cette sorte de zone dangereuse que deviennent certains coins – même si je ne suis pas certaine que le film ait été fait dans ce sens là directement. Du point de vue gore, c’est fun, avec des gros crochet, du sang qui gicle et des meurtres dans les chiottes plutôt beurk. Très très jolie bande-son, très jolis plans aériens verticaux aussi, plutôt planants dans une perspective qui déstabilise un peu la vision de la ville.

Et j’ai enfin vu Primer, film de science-fiction (Wikipédia nous dit « hard sci-fi », pour ce que ça vaut). C’est effectivement hyper hard, en tout cas à comprendre et à suivre. En gros on voit des types qui construisent un truc dans un garage. Le truc a l’air bien cool et semble les étonner eux-mêmes (nous aussi si on pouvait comprendre de quoi il s’agit). Oh ! Ah ! Ça marche, mais c’est fou! Après avoir relu le synopsis en ligne, on se rend compte qu’ils construisent en fait une machine qui permet de remonter le temps (ah ! oh ! ). Bref. S’ensuite toute un tas de paradoxes temporels auxquels on ne comprend toujours rien. On dirait qu’il y a plusieurs exemplaires d’une personne mais qu’ils ont tous le même numéro de téléphone – c’est ballot. Je ne sais plus comment ça finit, j’ai rien pipé de toute façon. Reste que c’est très joli dans l’image, les acteurs sont choupinous (et en double !), on sent un effort arty pour aller dans de la science-fi un peu genre cool. Je suppose que c’est pour ça qu’on entrave que dalle – le vrai chic ne pose pas de question. Ach.

It, Muschietti, 2017
Candyman, Rose, 1992
Primer, Carruth, 2004

mardi 21 novembre 2017

Mauvais total

Vus il y a fort longtemps mais trop dommage de ne pas en parler: des films de série Z qui font zizir.

SSSSSS est un film qui parle de serpents (tiens, comme c’est fin) et plus précisément, d’homme-serpent. Le Dr Stoner (huhu) est un scientifique renommé, fan de serpouze et qui propose au gentil Blake de devenir son assistant, le temps d’un été. Il avait bien un assistant l’été dernier, mais voilà celui-ci est parti, en voyage, quelque part (mystère !). Blake, qui a un peu de l’eau de Javel dans le cerveau visiblement, accepte et part donc joyeusement faire des mamours à ses amis reptiliens. Arrivé chez le professeur, il découvre un univers bizarre et inquiétant plein de serpents (bah oui) mais aussi de Kristina (non, le parallèle femme-serpent n’est PAS du tout grossier) fille bien avenante du professeur Dujoint (qui elle aussi s’inquiète vaguement de la disparition de l’assistant de l’été dernier mais bon).  Blake apprend alors à s’occuper des serpents tout meugnons, leur changer leurs croquettes, leur prendre leur venin tout ça. De temps en temps, il se fait injecter des trucs dans le bras par le doc et ne se pose visiblement aucune question – c’est pour son bien. L’idylle naît évidemment entre Kristina et ce cher Blake, tandis que celui-ci commence à sentir des trucs bizarres se passer dans son corps (sous l’effet du serpent-femme et des injections chelous). Qu’est-il en train d’arriver à Blake ? Il devient tout froid, sa peau est toute dégueu : il aurait bien besoin d’une bonne séance au hammam. Je n’en raconterai pas plus, c’est péché. Film pas mauvais mais un peu fatigant. On se pose aussi des questions sur les motivations du Pr Stoner : a-t-il bien réfléchi à son plan diabolique pour sauver le monde, mhhh ?

Bug est encore plus fort dans le genre insectes dégueus qui font peur. Un jour, dans une petite ville du Texas, des insectes genre cafards volants se mettent à s’abattre avec véhémence et force flammes sur des pauvres paroissiens en train de se prémunir de l’enfer (pas de bol !). On se rend compte que ces créatures maléfique sortent d’un genre de fosse ouverte dans le sol et semblent être en fait des trucs quasi immobiles car trop gros pour galoper comme le font si bien les cafards en général mais que leur pression intérieure extrême est ce qui leur permet de faire des flammes par le cul quand on le touche. On est donc bien devant un film d’horreur à base de cafards peto/pyromanes. Ach. Après moult morts et trucs sanglants, ces créatures finissent par rentrer dans le sol dont ils étaient sortis. Sauf que. Un type décide qu’en fait il veut comprendre d’où viennent ces trucs et va donc en conserver un ou deux dans un bocal pour les étudier. Et les cultiver. Pas très malin donc. C’est de nouveau un trip savant fou mais ici c’est quasi le sujet du film – l’histoire de l’invasion et de la disparition des cafards sataniques étant finalement circonscrite à une petite partie de l’histoire. Assez bizarre donc mais tellement sympa – surtout pour les fans de blattes.

Dans le genre mauvais mais alors très mauvais, on a le Nailgun massacre, film qu’on pourrait qualifier de Bricoxploitation (= des films d’horreur à base de tooling de supermarché). On attend encore Massacre à la ponceuse, Massacre à la décapeuse à chaleur, Massacre à la scie sauteuse. Celui-ci est très clairement assez atroce. On y voit d’abord un viol, somme toute banal et relativement vite troussé. Sans transition apparaît un être vengeur, pourvu d’un casque de moto et d’un voocoder qui fait Mouahahah ainsi que d’un superbe pistolet à clous qui part à la recherche d’une vengeance – enfin ça on le sait grâce au synopsis parce que c’est pas super clair. Une vendetta qui ne dit pas son nom, est-ce bien utile ? Mais bref. Ce Daftpunk DIY psychopathe a une force de persuasion assez extrême puisqu’il parvient à tuer un homme avec un simple clou dans l’épaule : il est très fort. On découvrira à la fin le vrai visage du tueur (surprise !) et en attendant, on peut compter les morts et tenir une statistique du pourcentage d'innocent bystander dans le tas (surtout la meuf en plein milieu).

SSSSSSSS, Kowalski,1973
Bug, Szwarc, 1975
Nailgun massacre, Lofton  Leslie, 1985

dimanche 29 octobre 2017

Clouzot total

Avant, quand j'entendais Clouzot, je pensais à Clouseau. Mais ça c'était avant. La récente découverte de la BO d'Ascenseur pour l'échafaud m'a fait réaliser qu'il y avait autre chose que les chansons d'amour flamandes et les pogs dans les paquets de chips Smith (remember?). Clouzot donc, est un réalisateur français de polars noirs super badass, avec plein de trucs intéressants dedans.

Le corbeau raconte l'histoire d'un petit village dans lequel se met du jour au lendemain à pleuvoir des lettres anonymes. D'abord un peu pour faire chier les cocus puis carrément plus violentes, ces missives rigolotes finissent par foutre un peu la merde - les villages étant ce qu'ils sont. Au milieu de cette tourmente, un jeune médecin ténébreux, pratiquant son art comme on fait son jogging, dégageant les prétendantes comme on refuse un scotch (poliment mais fermement) et répondant à l'infamie avec probité et déférence. Ouh là, je m'emballe dis donc. Donc ce médecin, au centre de tout ce merdier, mène l'enquête de son côté tandis que la police hé bien ne fait pas très bien son travail (comme c'est étonnant). Tout se résoudra pourtant avec évidemment révélation du coupable surprise à la fin. C'est plutôt beau, très anguleux (?) visuellement, avec beaucoup de gens cachés derrière les portes et de murs qui ont des oreilles. Beaucoup d'images de lettres, de papier, d'écriture, d'histoire de poste aussi. Peu de corbeau finalement, sauf dans cette pauvre nonne à voilure noire qui fuit son lynchage programmé.

Encore plus vicieux, Les diaboliques raconte l'histoire de deux femmes qui tuent leur mec (enfin, l'une tue son mari, l'autre son amant, mais c'est le même). Comme quoi, les ménages à trois finissent mal en général. Cristina, petite vénézuélienne à la santé fragile se retrouve embarquée dans un meurtre mal planifié (franchement) par une Nicole (Signoret, hallucinante) pas commode qui a heureusement une poigne de bûcheron. Tout est bien qui se passe bien mais pas tout à fait. Quand les cadavres se mettent à filer à l'anglaise, on entre dans  un deuxième film, complètement dans l'horreur et on retrouve ces portes dérobées, ces ombres qui écrivent des messages en secret la nuit, ces fantômes qui hantent les photos de classe. Brr. Au passage: bel anti-spoiler!



Il y a aussi  Le salaire de la peur, un road-buddy-movie qui tourne mal. Une longue première partie assoit le décor: petite ville mexicaine au bord de nulle part, quelques immigrés venus tenter leur chance aux States coincés sans date de retour, des petites combines et des grands chapeaux. Arrive dans ce petit monde, Jo, un gangster qui a l'air dur de dur. Mario, français en cinglet sale mais petit foulard élégant autour du coup, tombe en pleine bromance avec de compatriote avec qui il peut enfin partager son amour du ticket de métro parisien. C'est chou. Ça rend Luigi, l'ancien bro de Mario un peu navet, mais bon. Sur ce tombe l'opportunité d'une vie: convoyer de la nitroglycérine en barils entiers pour éteindre un feu de puits de pétrole (il paraît que c'est comme ça qu'on fait). Conduire un camion, fastoche, le faire traverser un désert rocailleux avec des routes toutes pourries sans faire sauter le produit, beaucoup moins. Convaincu par Jo de se lancer dans le truc, Mario se retrouve donc, petit foulard autour du coup et cigarette au bec, à galérer sur des routes de type wallonnes, en essayant de pas faire tout péter. Et découvre alors que son poteau tout fier à bras est en fait une grosse lopette qui passe son temps à se faire dessus au moindre cahot. Comme quand votre meilleur pote qui vous a tanné pour l'accompagner dans sa traversée du Mexique à poney se retrouve prostré dans sa chambre d'hôtel au bout de deux jours parce qu'il a peur des tacos. Mario n'est pas content, Jojo n'est pas jojo. Le reste du film est entre l'histoire de potes qui tourne mal et le road movie ultra tendu du slip: il y a des gros camions, des manœuvres dangereuses et des explosions hasardeuses. Le tout très beau, dans un noir et blanc entre le blanc du sable et du désert et le noir liquide du pétrole qui s'incruste un peu partout.

Le corbeau, 1943
Les diaboliques 1954
Le salaire de la peur, 1953

vendredi 27 octobre 2017

Ecran total

Un arrêt cérébral relativement long me vit me gaver de films plutôt navrants que mon sens éthique m'interdit de chroniquer ou même de citer ici. Mais quelques beaux objets dans le tas.

The autopsy of Jane Doe est un film qui raconte ce qu'il dit: l'autopsie d'une meuf inconnue. Vu d'ici, ça n'a pas l'air super folichon. Ça sent le huis-clos ontologique avec des cadavres qui font bouh! Mais non! L'examen progressif de notre petiote révèle, couche après couche une histoire qui finit par prendre suffisamment d'espace pour se saisir d'un grand couteau. C'est relativement sobre et plutôt malin dans la montée du fantastique. Je dois avouer que ça fait un bail que je l'ai vu, alors je ne me rappelle pas trop de la fin. Mais il me semble que c'était bien. Ouais.

Grave, j'ai beaucoup attendu pour le voir, attendant le bon moment puis je n'y ai plus tenu et je me suis jetée dessus comme un texan sur un pounder au mexicain. Le pitch est plutôt simple aussi: comment une petite végétarienne innocente prend goût à la viande et à toute ces choses de la chair un peu crues. C'est très très très bien foutu et assez génial comme idée. Il y a un peu trop de trucs à dire parce qu'il faudrait le revoir, mais je retiens surtout l'atmosphère un peu 80's dans certains synthés et plans un peu beauté sauvage prostrée en technicolor, des touches plus post-indu dans les décors de campus/banlieue en béton moche, des très gros et beaux plans sur la chair et la mastication, un fil narratif hyper bien branlé qui ne va jamais ni trop loin ni trop près. On pourrait parler d'un sous-texte métaphorique facile ( la viande/la chair, la sortie de l'adolescence, l'enfermement des jeunes filles dans des existences asexuées qui explosent tout à coup au contact du monde) mais finalement, ça se déguste très bien au premier degré.

It comes at night était aussi dans mes petits papelards, puisque j'aime les films qui commencent par It. N'ayant donc aucune idée du concept du film, quel plaisir eus-je de découvrir un gentil film postapocalyptique d'infectés! On ne sait pas trop comment, l'humanité se retrouve réduite à une bande de lépreux tout dégueux avec les yeux tout noirs. Heurk. Le tout étant super contagieux, on entre par la porte dans un film de grand parano: tout le monde est suspect, tout le monde est contaminé et les gens sont globalement méchants. Une petite famille qui survit tant bien que mal entre en collision avec une autre petite famille qui survit tant bien que mal. Comme tous ceux-la sont gentils, ils finissent par s'entendre et voilà un  film qu'il est meuuugnon. Sauf que. Pour ne pas gâcher le plaisir des trois personnes sur terre qui n'ont peut être pas encore vu le film, on  ne dira rien de plus. C'est vachement réussi à pas mal de niveau: très dépouillé dans le gore, mais suffisant pour faire bouh, narrativement bien construit, avec un parti pris ultra réaliste et un côté horrorifique finalement très quotidien. Il y a des trucs qui me font penser au Survivalist, un peu dans la même veine visuellement et du point de vue angle d'approche de l'apocalypse.  

The autopsy of Jane Doe, Overal, 2017
Grave, Ducournau, 2017
It comes at night, Shults, 2017