jeudi 30 mai 2013

                               





Rachel Zeffira- Silver city days

mercredi 29 mai 2013

Now look what you've done to the sky

Skopje, 2013

Black Mountain- Radiant hearts

jeudi 23 mai 2013

Ecran total

Crni Bombarder est un film qu'on m'avait présenté comme culte au même titre que Kako je propao rokenrol. Les deux films n'ont cependant pas grand chose à voir, si ce n'est la présentation d'un certain milieu underground belgradois des années 80-90. L'histoire d'un DJ fou, qui appelle à la révolte dans un futur lointain a de quoi faire sauter en l'air quand on voit la date de sortie du film - on se dit, bigre, mais que voilà une véritable ode aux libertés du peuple. Las, la fin réussit en 5 minutes à foutre tout ça en l'air et fait d'un film couillu une ode aux dictateurs, qu'ils sont meugnons lorsqu'ils ont un nom en -ic. Il est cependant plus que probable qu'il y ait un sous-texte à cette fin qui m'a échappé - gap culturel et tout ça. Reste une certaine inventivité dans la recréation d'un décor urbain à la Blade Runner, une séquence tout à fait hallucinante vantant les mérites de la vie au grand air et des pulls jacquard, et une réplique culte, celle du Dirty Harry local: à l'affirmation du Crni Bombarder qu'il est "un esprit qui marche/va", il a cet trait à-la-Justified " Ma ti si kurac na biciklu" qu'on peut traduire par " T'es juste une tête de nœud à bicyclette". Stay frosty.

Sightseers est un film de Ben Wheatley, qui m'avait déjà bien traumatisée avec Kill list. Celui-ci est nettement plus drôle et nous fait découvrir les merveilles insoupçonnées de l'Angleterre profonde, tels le musée du crayon et nous apprend à reconnaître différents types de caravanes - toujours utile. Un type super chelou emmène sa meuf en vacances et se met à tuer des gens. Comme dans toute bonne histoire, il s'avère qu'elle est elle aussi complètement jetée, et tout ça fini comme il se doit: mal, mais avec une petite touche d'humour anglais très bienvenue.

Ça fait un moment que Krugovi ( " Cercles") est sorti ici, et que tout le monde en parle et en chante les louanges et bave dessus. L'idée ne me plaisait pas à la base (= parler de la guerre de Bosnie à partir d'un fait divers réel). Les films sur la guerre sont assez difficiles à appréhender vus d'ici, pour une raison qui se passe de commentaires, et partir d'un fait divers me semble toujours vouloir réduire les choses, les prendre par le bout le plus facile, c'est-à-dire celui de l'humain, du niveau zéro de la mise à distance. Or le film est très bien fait, et s'il se base sur une histoire vraie, utilise une approche très concentrique par rapport à celle-ci: elle est surtout un noyau autour duquel les 3 récits qui se déploient dans le film s'organisent - en cercles, donc. Trois lieux et trois personnages liés par un événement qui n'est raconté qu'à la fin, et sans pathos. Les choix formels contribuent à cette mise à distance: peu ou pas de musique,  des plans très " Seidlien" ( je manque un peu d'outils conceptuels pour les caractériser plus précisément), fixes, dans lesquels les personnages sont rarement au centre, et très peu de gros plans, avec des ambiances souvent froides ( plans de barres d'immeubles, de couloirs d'hôpital vides, d'usine) ou bien désertes; une approche assez béhavioriste finalement, qui ne cherche pas à expliquer les choses. Il y aurait bien quelques trucs qui m'ont parfois semblé faciles ( rédemption pour tout le monde à la fin), mais c'est bien aussi parfois de faire en sorte que les choses s’apaisent - au moins au cinéma.


Crni Bombarder, Bajic, 1992
Sightseers, Wheatley, 2012
Krugovi, Golubovic, 2013


Mélancholia



Dans la théorie freudienne, la mélancolie se caractérise par une perte qui engendre une faille dans le narcissisme du sujet et rend ce dernier incapable d'investir d'autres objets de son désir - d'où immobilisme, détestation de soi et état dépressif. Ce cher Lars l' a bien compris, qui nous donne ici une interprétation en kit à monter soi-même - l'impossibilité du désir, l'angoisse de la faille dans le discours scientifique, jusqu'à la planète qui fait retour comme objet et annihile tout. Bon.

Pour ma part, j'ai apprécié le film pour son côté très Maeterlinckien, très " brumes germaniques": longs plans réalisés comme des tableaux dans des couleurs souvent froides, dont les personnages ne sont que de minuscules figurines; une picturalisation d'ailleurs déclarée dans la séquence d'ouverture, avec un aplatissement évident du corps en deux dimensions, des figures immobiles dans un décor se mouvant au ralenti, des couleurs qui tendent à s'homogénéiser vers le terne, le gris-vert des marais ophélien - plusieurs références à l'oeuvre de Millais montrant Ophélie flottant. Le choix des œuvres d'art disposées par Justine est à cet égard éclairant - il faudrait retrouver chacun de ses tableaux, pour ma part, j'en ai reconnu un de Bruegel - puisqu'ils se situent tous plus ou moins dans cette esthétique.

La mélancolie comme fond est elle aussi pile dans l'univers esthétique du poète/dramaturge, peuplé de personnages incapables d'agir, entre deux morts, souffrant d'une sorte d'impossibilité à vivre comme à mourir - sort que la planète, qui était un objet jusque là "caché derrière le soleil" viendra règler: Claire et Justine, c'est finalement un peu Mélisande et Mélisande, prisonnières dans un domaine vide de toute présence humaine et entouré par une barrière invisible ( le pont) qu'elles ne peuvent franchir. Le gamin joue là-dedans le rôle que pas mal d'enfants ont chez Maeterlinck: celui d'une sorte d'avertisseur innocent de fatalité, par le biais de son bricolage qui permet de voir l'avancée de la planète.

Sans être une très grande fan du côté Festen de la première partie et du style de Trier (plans serrés, caméra bougée intrusive), le couplage avec cet ensemble finalement assez cohérent d'éléments esthétiques plus Novalis marche finalement assez bien. Mais comme à chaque fois que je sors d'une pièce de Maeterlinck,, je ne peux pas m'empêcher de me dire que "Putain, c'est quand même rien chiant". Bon, on peut pas gagner à tous les coups.


mardi 21 mai 2013

Limits of control




J'ai été gravement impressionnée par Limits of control,

Je passe sur l'aspect esthétique, super léché, très photographique et architecturalement splendide, et sur la pléthore d'acteurs choisis impeccablement - Isaac de Bankolé est vraiment impressionnant; ce qui m'intéresse c'est le déroulement et la construction du film, qui met en branle plein d'éléments sans jamais en faire du sens, sans jamais en donner de clé définitive. 

Ce genre de film qui enchaîne les séquences sans queue ni tête, on en trouve à la pelle et ils sont en général super chiants. La qualité de celui-ci, c'est que les choses, si elles ne sont pas révélées clairement, forment des sortes de séries qui s'entrelacent, se répondent et font écho les unes aux autres - les tableaux, la musique, les instruments et leur vie, les langues traduites ou non traduites. Les multiples rencontres du héros donnent chacune lieu à de minuscules court-circuits qui font jaillir  des sortes de significations temporaires à la surface des choses  et toujours autour du rapport entre présence et absence, entre ce qui a été, va être, pourrait être dit - mais ne trouve que le masque impassible de Bankolé pour y répondre. La boîte d'allumette fait à cet égard fonction d'objet vide qui passe de main en main, chaque fois contenant une série de lettres et de chiffres dont le sens n'importe que par l'ordre dans lequel ils se présentent et s'enchaînent. Elle pourrait être, ou son porteur, l'élément paradoxal qui se déplace de point en point, faisant résonner des ensembles autrement séparés entre eux, grâce à l'asile temporaire qu'il offre aux paroles de ceux qui l'attendent ça et là sur la route.

L'immobilité hiératique de Bankolé est d'ailleurs d'une certaine façon obligatoire, puisqu'il est celui qui se déplace sans bouger, sans moufter, mobile dans de grands cadres vides, des paysages lunaires, à des terrasses désertes, dans des trains presque vides, dans des musées sans visiteurs et qu'il ne trouvera sa résolution que dans le papier blanc, l'élément vide rendu à lui même.

Limits of control, 2009, Jarmusch

Romero is in da hood.

Parfois, j'aime me lancer des challenges à la con; le dernier en date étant de me mater la tétralogie de Romero sur une journée. Qu'elle fut bonne, cette idée. Je n'avais plus très faim le soir, mais je dois avouer que ça donne une véritable vision d'ensemble des choses.

Par rapport aux autres films que j'ai vus jusqu'ici, l'angle d'approche m'a pas mal étonnée, puisqu'il se focaliser surtout sur le groupe d'humains qui essaie de survivre et sur ses luttes de pouvoir, ses disputes triviales, sa misogynie (!) assez générale: bref, les zombies ont l'air plutôt miiignons à côté.

De Night of the living dead à Land of the dead, il y a progressions à plusieurs niveaux (du point de vue des lieux laissés à l'humain, de plus en plus envahis de zombies par exemple, mais on se référera à Politique des zombies qui est éclairant à ce sujet); mais ce qui est sûr, c'est qu'en deux générations, le  prolétariat zombie s'est uni et a vaincu: d'abord incapable d'échapper à des bandes rednecks en short, puis assez grands prendre l'escalator tout seul, le zombie finit par kiffer Beethoven et apprend même à nager sans bouées.  Par contre, mon idée que l'opposition entre humain et zombie était de type dialectico-marxiste tombe à l'eau avec fracas: tout ce que veulent ces connards de chair à pâté, c'est faire du shopping et participer à la classe moyennisation du monde. Fichtre. 

D'une certaine façon, c'est une façon bien américaine de voir le monde: la dialectique du Soi et de l'Autre est grevée dès le départ, puisque l'Autre est comme le Soi, juste un peu différent. A cet égard, je comprend mal pourquoi il suffit  à un humain romérien de mourir pour devenir zombie, sans même avoir besoin d'être mordu. C'est quelque chose qu'il me semble ne jamais avoir vu dans d'autres films du genre: en général, il doit avoir contamination.  De même, alors que dans la majorité des autres films ( à l'exception de Warm bodies), la seule issue possible est l'élimination d'un des deux groupes, ici, la tétralogie se conclut sur une sorte de pacification sociétale. J'exagère pas en disant que ça m'a un peu déçue: et pas que parce que ça fout mon édifice théorique en l'air, mais parce que c'est un peu trop minorité visible pour moi. 

Pour conclure - provisoirement, puisque la quête continue, et pas plus tard que bientôt avec un film qui fait doublement peur: y a des zombies et c'est en flamand, hiii - je dirais qu'on peut peut-être diviser les films de morts-vivants en deux grands types:

- dialectico-marxiste, dans lesquels l'action est prise du début ( contamination, organisation du groupe de rescapés et victoire d'un  des deux groupes, en général les zombies). et s'organisent soit autour d'un groupe particulier ( rednecks, stripteaseuses, cockneys), soit autour d'une ville ( La Havane, Pancevo) soit autour d'une personnalité ( Lincoln, Bill Murray) soit appartiennent aux nombreux films-à-deux-balles tournés par trois connards bourrés qui ont tartiné leurs poteaux-cas-sociaux de glaçage pour gâteau dans l'espoir vain de soutirer quelques dinars au ministère de la Culture ( ce sont parfois les meilleurs cela dit).

- droit-de-l'homme-mollasson, dans lesquels on se rend compte que ces pauv'petiots sont comme nous, et que tout c'qu'ils veulent, c'est une carte de fidélité chez Delhaize et deux semaines de vacances par an à Benidorm. Pff.

Night of the living dead, 1968
Dawn of the dead, 1978
Day of the dead, 1985
Land of the dead, 2005

Politque des zombies, THORET ( coord.), Ellipses, 2007.

mardi 14 mai 2013

Ecran total

Dans ma grosse semaine psychotique, une série de films qui font mal à mon Freudisme.

Side effects, d'abord. Je déteste Jude Law, j'ai toujours l'impression qu'il perd des cheveux au fur et à mesure du film et puis on dirait qu'à tout moment, il va sortir une montre à gousset et un exemplaire de Pride and Prejudice de la poche de son gilet de garçon de café rosbif. Il est donc pareil à lui-même, en pleine contemplation de son âme et de sa ligne d'implantation pendant la première demi-heure, qui nous montre une pauvre petiote transformée en pharmacie ambulante - partie bien flippante autour de l'obsession contemporaine du bonheur - il y a cette phrase pas mal du Jude " it helps stop the brain from telling you you're sad". Dude. Bon, après, ça tourne en thriller pharmaceutico-bancaire, avec des manipulations et des malversations diverses - voire un peu classiques - mais super bien branlé dans l'ensemble.

Balkanski spijun comment comme un film goguenard et termine dans une camisole de force: un type complètement obsédé par Staline décide de KGBiser son locataire. Manque de pot, celui-ci est plutôt débonnaire et n'a pas vraiment l'intention de pervertir la grande et belle nation yougoslave. C'est donc seul - enfin pas que, puisqu'il est entouré d'une pléthore de sosies officiels de ce cher feu Joseph- que notre héros court à sa perte et finit par laisser filer l'oiseau, sous l'oeil mi-amusé mimolette de son clébard sans moustache. Bigre.

The pillow book est une deuxième tentative de me mettre à Greenaway, qui semble être une sorte de référence dans certains milieux arty. Je n'ai jamais réussi à finir The baby of Macon et je n'ai aucun désir de réessayer à nouveau, mais j'ai fini celui-ci, yes, et je dois dire que ça me laisse perplexe. Il y a un tas de trouvailles artistiques du point de vue plastique, c'est sûr - les emboîtements de cadres, les surimpressions, les assemblages de photos, les livres écrits sur les gens et Ewan Mc Gregor très à poil-  mais est-ce qu'on doit vraiment en faire un film de 2h? Non. C'est là que je me rends compte que soit il y a un fossé qui restera à tout jamais infranchissable entre moi et l'art contemporain, soit  ma première intuition était la bonne ( = c'est du gros pipeau). 

Side effects - Soderbergh, 2013
Balkanski spijun - Kovacevic et NIkolic, 1984
The pillow book - Greenaway, 1996


Full moon, no stars

Je ne sais plus où j'ai attrapé cette obsession, mais ça fait un moment que je veux lire le dernier recueil de nouvelles de Stephen King. Cet auteur, c'est un peu ma névrose à moi. J'en ai entendu parler gamine, comme tout le monde - style voyage de classe - et ça me foutait une trouille bleue. Vers 12 ans - dans ces eaux-là, un peu trop tôt probablement - j'ai eu Marche ou crève entre les mains, que j'ai lu en une traite, un peu déçue ( y 'avait pas de clown maléfique). J'ai lu quelques autres recueils de nouvelles dans les années suivantes, mais mon souvenir le plus marquant est sans doute It, que j'ai vu autour de 17 ans, et qui m'a complètement traumatisée. C'était avant que je me mette à regarder à la chaîne des films à base d'outils de jardinage utilisés à des fins nitezschéennes et je pense que ça me ferait doucement rire aujourd'hui de le revoir - si je me souviens bien, c'était en français en plus. J'ai plus jamais rien osé revoir jusqu'à récemment, où j'ai enfin lu puis vu The Shining et là, bim, même pas peur. Bon, y'a des moments dans le bouquin où j'étais bien contente d'avoir Requin, mon requin apprivoisé, pour me tenir compagnie dans la nuit balkanique évanescente, mais sans plus. 

Bref, tout ça pour dire que j'ai lu Full moon, no stars et que j'ai trouvé ça très bien et surtout, que je cerne de mieux en mieux ce qui me plaît là-dedans. King ne se limite pas à construire des histoires d'horreur, mais crée des personnages profondément humains complètement tarés, avec des alter egos intérieurs bien flippant qui finissent un jour par décider d'aller prendre l'air - bon, ça c'est pas très nouveau - et ce qui marche bien, c'est d'une certaine façon la participation de l'auteur à cette perte de contrôle, une impression furtive qu'entre les lignes, entre le narrateur interne, externe et la focalisation à triple foyer de ta race, il y a une sorte de murmure imperceptible d'un démiurge qu'est bien content que ça tourne en massacre in da hood.

Dans Full dark, King analyse le point de rupture à partir duquel une personne normale peut opter pour le meurtre. Si chaque histoire est particulière, on retrouve le topos du double intérieur - l'ancien/ le nouveau moi - et surtout celui d'une certaine jubilation à être ce nouveau personnage. Au niveau de la construction du recueil, on pourrait dire qu'il y a une escalade de violence du premier au troisième texte, dans le sens où on va vers une violence de plus en plus ordinaire - cela dit, ça ne marche pas avec le dernier texte. Ce qui est par contre marrant, c'est que les femmes ont toujours de bonnes raisons de tuer, alors que les hommes ont des raisons plus futiles, voire carrément inexistantes - style " on m'a volé mon vélo". Le troisième texte est de loin mon préféré, probablement parce qu'il est le plus "normal" et fait appel à un truc très humain, un peu sale; un sentiment mesquin que le bonheur n'est jamais aussi complet que quand les autres sont malheureux. Et ça, ça fait très peur. 

lundi 13 mai 2013

Fragment 2

Skopje, 2013

These New Puritans - Fragment 2