mercredi 2 septembre 2015

Mobster and Mafiosi

Point Blank est pile dans ce qui me plaît pour le moment: c'est du film de gangster mais en fait non, avec des codes complètement  à l'ouest et un aspect visuel très psyché. Il s'agit en gros d'une histoire de vengeance - enfin au sens anglais de "payback", puisqu'il s'agit surtout pour un pauvre Walker (Lee Marvin) de récupérer ses sousous que son associé lui a fourbement piqué après un casse, le laissant pour mort du même coup. Mais Walker est bien vivant et devenu un peu monomaniaque: il veut sa thunasse et c'est à peu près tout ce qu'il dit "I want my money". Il décide donc de s'attaquer tout seul comme un grand à une organisation où c'est toujours quelqu'un d'autre qui a la maille (comme souvent en fait) et finit par allonger tout le monde, y compris la sœur de son ex-femme qui elle, s'était tirée avec le fourbe du premier acte, la traîtresse, toute cette confusion donnant lieu à de chouettes séquences au pieu où Walker est Walker et sa gonzesse elle-même, puis devient son ex, qui est aussi sa sœur (à elle) et lui devient son ex-associé (qui s'est d'ailleurs aussi gaulé la sœur de l'ex): bref, tout ça est très 60's. C'est un film relativement expérimental au niveau narratif, avec des superpositions de récits, des dialogues déconstruits et des distorsions sonore/visuel qui font parfois penser à Altman. Visuellement, c'est aussi vraiment intéressant, carrément dans l'esprit psychédélique dans les compositions, avec un côté post-apo de ville déserte qui décarre pas mal.

En regardant L.A. Confidential, j'ai repensé au Black Dahlia, que j'ai lu mais pas vu : ça se passe aussi à Los Angeles, haha. Plus sérieusement, il y a un peu de ce rythme en deux temps, avec l'idée d'une chose qui est résolue mais en fait non. Globalement, le film raconte une enquête autour d'un truc pas loin du fait divers (un shoot-out dans un dinner la nuit, pas de quoi s'émouvoir) mais qui se révèle en fait une porte d'entrée dans une affaire de corruption de flics massive que quelqu'un essaye de glisser sous le tapis. Au centre du merdier, trois flics, le Bon, la Brute et le Truand, genre de trilogie qu'Ellroy kiffe bien d'ailleurs, qui vont tous devenir un peu plus bon, un peu plus brute et un peu moins truand, enfin bon, moi mais en mieux.  Face à eux, une institution toujours en avance d'une longueur, avec ses yeux partout, et évidemment, une femme qui catalyse tous les fantasmes (typique aussi, comme dirait Scotty Bennett "Cherchez la femme"). Visuellement, ça ne m'a pas marquée plus que ça, musicalement, j'ai bien aimé. Ça manque peut-être un peu du côté crade Ellroyen mais n'ayant pas lu le bouquin, je peux difficilement dire.

American Gangster m'a par contre surprise: Ridley Scott serait-il foucaldien? C'est un film de gangster plus classique: l'histoire de l'ascension puis de la chute d'un type qui décide de prendre le pouvoir. Le contexte historique est là: guerre du Vietnam, déluge d'héroïne in da hood (par contre aucune mention des mouvements type Black Panther, bizarre) et nouveaux rapports de force. L'idée de gangster ordinaire, de business man qui garde un profil bas et la mise en place d'une petite brigade de flics bras cassés casés dans une vieille église où ils font des panneaux de fous avec des photos trop coule ça nous rappelle vaguement quelque chose mais c'est plus nerveux, plus show-à-l'américaine. Deux moments qui nous font douter de l'allégeance philosophique de Scott: 
- une discussion entre un vieux mafieux et notre jeune gangster sémillant, qui reprend l'articulation du libéralisme keynésianiste à la papa et le néolibéralisme émergeant dans les 60's, via l'exemple des quotas laitiers, qui est au centre du cours Naissance de la biopolitique.
- une remarque sur la nécessité structurelle de la délinquance qui soutient au final l'institution qui la combat, laquelle se retrouverait fort dépourvue, ce fléau dût-il être éradiqué - réflexion corollaire à l'analyse du système pénal dans Les anormaux.
Et moi qui ai toujours pensé qu'il était lacanien, ce fourbe!

Point Blank, Boorman, 1967
L.A. Confidential, Hanson, 1997
Amercian Gangster, Scott, 2007

Les Anormaux ( 1974-1975) et Naissance de la biopolitque (1978-1979), cours au Collège de France, M. Foucault.

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