mardi 1 septembre 2015

Ecran total

Cette semaine, c'était super-héros à tous les étages.

Dans Birdman, le super-héros est un truc en plume, comme celui de Zizi, mais en plus cool. Rôle ayant fait la gloire d'un acteur hollywoodien, il devient encombrant une fois celui-ci passé à autre chose. Bah oui, on est là à penser que ces stars de blockbuster marvelien kiffent leur race à sauter dans tous les sens et à être payés des sommes qui régleraient le problème de la dette publique pour enfiler un costume en latex que même les coureurs du Tour n'oseraient pas s'afficher avec, mais non! Nous ne voyons pas Thor quand il s'endort en pleurant, rêvant à une carrière faite de reprises off de Shakespeare en costume de kabuki, nous ne savons pas que secrètement Iron Man apprend des tirades d'Ibsen en géorgien et que la Veuve Noire, petite, rêvait d'être Marina Abramovic!  Tout ça n'est pas si simple donc. Et ce pauvre Birdman devient un costume schizophrène, pas content d'avoir été rangé au placard par les ambitions artistiques de son incarnation humaine. Au niveau intrigue, c'est donc l'histoire d'une reconversion difficile et à pas mal d'égards ratée, d'un acteur à succès en metteur en scène de théâtre: ses acteurs sont des catastrophes narcissiques sortis d'un mauvais Allen (pléonasme?), la Critique (oui, il n'y a qu'une seule critique qui décide de tout ce qui se passe en théâtre) est une vieille mal baisée,  il n'a plus de sous, sa fille est une traînée et lui-même finit par se faire taper dessus par un Ed Norton en mode Fight Club/slip kangourou dépressif. Le film est tourné comme un plan séquence sans raccords (genre) dans une déambulation infinie des couloirs de coulisses, aux entrée des artistes, en passant par les loges mal éclairées, enfin tout le décorum du Théâââtre. Un côté un peu branlé à la nimp qui fonctionne bien avec l'intrigue: on dirait un peu un réalisateur à succès qui a essayé de faire un film d'auteur et qui en fait un peu trop. Je ne sais pas si c'est un pied de nez gigantesque d'Inarritu à lui-même et au cinéma hollywoodien ou juste un truc vaguement raté. Franchement, je suis indécise ce qui en fait un truc pas si mal.

Venant de Gilliam, on pouvait s'attendre à ce que Jabberwock parle de tout sauf d'un Jabberwock, qui de toute façon n'existe pas. En fait, si, il finit par arriver (et il est pas content), mais le film est plutôt un grand sketch autour du conte de fée et de l'univers médiéval. C'est encore ultra Monty Python, mais pas aussi drôle que les originaux, il y a quelques chouettes trucs, mais dans l'ensemble, c'est un peu bof. Je préfère le projet Jabberwocky de Ted.

Dheepan est lui aussi un  genre de super-héros. Audiard me déçoit rarement, mais j'avais été globalement traumatisée par la nullité de l'adaptation de Rust and Bones, alors sachant qu'on allait se farcir du drame migratoire, dieu que j'étais chafouine. En fait, non. Il y a un moment dans le film où on se dit "Audiard a craqué son zlip, c'est quoi cette vision de la banlieue?" Hé bien c'est celle d'un film qui est un film et pas un documentaire à prétention humanisto-larmoyante visant à nous montrer comment qu'elle est dure la vraie vie des vrais gens. A un moment, on tourne dans du noir ultra violent, genre de Straw Man in da hood, avec quelques scènes - dont celle de l'assaut - hallucinantes de tension, une photo au millimètre près, un rythme taillée à la serpe, enfin une fin qui nous laisse tout liquéfiés sur notre siège. Je trouve d'ailleurs bizarre que le film puisse être réduit à cet aspect "enfin la vérité sur les migrants": franchement, c'est LOIN d'être la pire histoire qu'on puisse raconter à ce sujet, je trouve même qu'ils s'en sortent plutôt bien finalement - si on considère uniquement l'aspect soi-disant réaliste. Si on veut le prendre au premier degré, il faudrait en fait conclure que l'importation d'anciens du Tigre Tamoul est une réponse efficace au problème des banlieues. Hmmmm, comment dire....

Et puis toujours dans la veines nos-amis-les-anciens-soldats-et-leurs-problème-de-PTSD, il y a Jacob's ladder, un truc excellent sur un ancien du Viet (Jacob, donc) qui revient pas tout à fait entier dans sa tête. Bon, il était déjà parti dans un état pas super, alors c'est certain que se taper des mois à croupetons au milieu de types louches (qui sont, eux aussi, tous Charlie, haha) ça n'arrange pas les choses. Tout est filmé dans une sorte de New-York hanté (non, en fait c'est le Red Hook quand c'était pas encore un coin à hipster), désert, vide de toute voiture, de tout repères temporels (saisons ou autres), on suit un héros en pleine décompensation schizo - les époques se mélangent, les unes imbriquées dans les autres sous forme de rêves, avec une piste vers une vérité qui disparaît sous les pas de Jacob. Bon, faut rien réveler, alors je ne dirais rien de plus, si ce n'est que ça m'a étrangement rappelé Angel Heart, pas mal de plans, d'images similaires (la descente en ascenseur), l'idée de l'identité flottante/ perdue, des décors post-indu inquiétants; enfin une atmosphère commune.

Birdman, Inarritu, 2014
Jabberwock, Gilliam, 1977
Dheepan, Audiard, 2015
Jacob's Ladder, Lyne, 1990

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