dimanche 27 septembre 2015

Fin(s) de mondes

J'ai un peu laissé à l'abandon un cycle pourtant fort agréable, intitulé Fin(s) du monde: est-ce ainsi que les hommes vivent ; pourquoi, bonne question. Je m'y suis donc remise avec joie et entrain - toujours partante quand il s'agit d'apocalypse.

Heaven's gate fait partie de ces films ratés devenus cultes après coup: il a non seulement enterré Cimino, mais a également coulé United Artists - un énorme flop donc à la mesure du statut culte acquis aujourd'hi - via les 20' supplémentaires de la director's cut qui nous donne un total de 3h40 quand même. Il faut dire qu'il s'agit d'un western produit en 1980, pas top donc, et tournant autour d'un événement pas forcément retentissant: une sorte de mini-guerre entre des propriétaires riches et des immigrants de l'Est pauvres dans le Wyoming de la fin du 19e (sexy, hein?). D'où le qualificatif "néomarxiste" qui me laisse perplexe: certes, il y a des belles barbes et on y parle russe, mais à ce rythme-là, le Sablon est un repaire de trotskistes. Moi qui suis marxiste vintage, j'y ai surtout vu une bonne fable américaine sur les envahisseurs venus d'ailleurs, tous ces réfugiés dont on sait qu'ils sont rien que des anarchistes et des voleurs (le gouvernement Michel likes this). James, shérif (ou un truc du style) de son état va se dresser contre cette injustice inique-ta-mère et retrouve du même coup son vieux poto de Harvard, Nate (Chris Walken!hiii!), devenu un genre de maquereau (quand on vous dit que l'université ouvre toutes les portes). Quand j'ai reconnu Walken, je me suis mise à reconsidérer ma théorie de la tête de fraise serbo-croate, puisque dans sa prime jeunesse, Walken est plus radis oblong que fraise des bois. Ceci dit. On retrouve l'amour de Cimino pour les foules grouillantes, les fêtes de populace avec violons et gigues sous les tonnelles, mais ici dans un cadre ultra aérien, de longs plans lents. Il y a quelques scènes génialissimes, John Hurt contemplant une armée de mercenaires en marche et disparaissant dans le nuage de fumée d'une locomotive (en marche donc aussi), et puis l'entrée d'une Isabelle Huppert en pute-en-chef dans son bordel saccagé par les mêmes mercenaires (décidément!) enfin ça et plein d'autres trucs. Il y a par contre des longueurs et des trucs parfois un peu cuculs (la mère bulgare méritante, le shérif barbu chuknorrisesque entre autres). 

Japon est le dernier Reygadas que je n'avais pas vu. Il raconte une fin du monde un peu différente, celle d'un peintre venu se suicider dans un canyon (pas forcément finaud, il aurait été plus simple d'aller se caler sur le haut dudit canyon plutôt que dedans, mais bon). Histoire de faire les choses dans l'ordre, il se trouve un endroit où crécher, en l’occurrence la grange pourrie d'une micro-vieille complètement paléolithique, mais néanmoins sympathique, elle aussi en train de vivre une fin du monde à sa façon. C'est Reygadas, alors il y a tout de même dans le silence de la présence un lien, une relation tue (et du cul! OUAIS!). Tout est fait dans un calme, une sorte de pesanteur légère portée par une lumière qui crame les yeux - l'attente, l'hésitation, l'infini intérieur d'une douleur existentielle inscrutable. Le dernier long plan en forme de travelling tournoyant sur lui-même est un des plus beaux plans finaux que j'aie vus récemment, avançant avec l'inéluctabilité d'une apocalypse déjà écrite dans les premières minutes vers une fin toujours déjà là.

Pour rester dans le côté nippon, j'ai maté Big Man Japan qui n'a mais alors aucun rapport et qui reste le truc le plus bizarre et genialoïde vu dans ce cycle. Big Man est un genre de super héros ordinaire, un type plutôt normal, voire un peu fadasse, qui aime bien les choses qui sont petites mais qui peuvent devenir grandes à la demande (Sigmund likes this). C'est parce qu'il est lui aussi une chose qui devient grande: son taf consiste à se faire éléctrocuter pour devenir super big et aller kicker la gueule des méchants géants qui font partie de la faune naturelle et artistique japonaise. Le film est fait comme un documentaire, genre vis-ma-vie-de-big-man-japan, et puis les séquences de monstres sont par contre complètement hallucinantes. Visiblement, on n'a pas cherché à faire peur ou à faire vrai - ça se termine d'ailleurs avec une parodie de famille de Power Ranger complètement délirante - par contre, j'aimerais beaucoup rencontrer (et plus si affinités) le type qui a dessiné les monstres. 

Il y a le strangling monster qui attaque les buildings en les entourant de ses bras zélastiques - pratique!








 Puis le leaping monster, globalement une tête posée sur une cuisse géante - on sait pas trop ce qu'il fait, à part sauter en faisant "wiiiiiii!" - plutôt mignon.





Le stink monster pue - autant que 10000 cacas humains, c'est pas rien. Pour le reste, il zone dans le coin et se fait draguer par des petits jeunes. Chill.
Mais mon grand favori reste le evil stare monster, pourvu d'un œil rétractable attaché au niveau de l'entrejambe. Ça fait très mal à mon psychisme, ce genre de truc, surtout quand il remonte la corde du son œil phallique pour le faire tournoyer. Même mon psy est déboussolé: objet phallique ou scopique, point aveugle ou assomption de l'objet a? 

Maman!
Heaven's gate, Cimino, 1980
Japón, Reygadas, 2002
Big Man Japan, Mastumoto, 2007

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