jeudi 10 septembre 2015

Soumission (Michel, fais-moi mal)

J'ai enfin eu l'occasion de lire Soumission qui avait soulevé un certain émoi collectif au lendemain de l'affaire Charlie. Je me méfie de l'émoi collectif, car il est souvent proportionnel au nombre de photos d'enfant mort. Spoiler: il n'y a pas d'enfant mort dans ce livre, même pas un petit dans un coin, oublié dans un congèle. Déception.

Non, l'hystérie s'est surtout enroulée autour de la vision postapo d'une France dirigée par un parti de musulmans modérés qui remettent au goût du jour de sains préceptes tels que l'absence de femmes dans l'espace public, l'interdiction de la jupe et l'autorisation de la polygamie. J'aurais en toute logique dû bouillir tout au long du livre, moi qui passe ma vie à occuper l'espace public, qui porte exclusivement des jupes et qui doit être une des dernière personne sur terre à ne pas pouvoir me faire tromper sans broncher, c'est dire.

Hé bien non. Le livre n'est pas le meilleur feelgood book du monde, mais il n'est jamais qu'un récit houellebecquien classique, l'histoire d'un quadra bien tassé sur lui-même absolument seul, avec autant d'imagination au niveau du désir qu'un protozoaire. Ça fait un moment que ce cher Michel nous tartine les malheurs des oubliés de la révolution sexuelle, ces pauvres vieux qui n'ont pas le droit de jouir parce qu'ils sont vieux donc, et qu'ils n'arrivent plus à se taper des jeunes. Parce que le seul truc qu'on désire universellement, ce sont des "petits culs fermes" ( expression utilisée au moins trois fois, idée de sujet de thèse: Désir(s) de Houellebecq: "le petit cul ferme") : avouez que c'est manquer d'imagination. Notre héros, François, est finalement resté coincé dans un hédonisme consumériste obsédé par le jeunisme qui ressemble diablement à ce qu'on voit dans les Marseillais à Miami (nouveau sujet de thèse: Michel et les Marseillais: néo-romantisme et petits culs fermes). C'est d'ailleurs un universitaire incapable d'avoir envie d'étudier autre chose que son sujet de thèse, un vieux croûton dont l’achèvement d'une vie intellectuelle se résume à éditer le volume Pléiade de son auteur. C'est finalement assez triste.

J'ai toujours apprécié Houellebecq et c'est un roman plutôt agréable à lire qui nous apprend en plus plein de trucs sur Huisman, ce romantique qu'à l'instar de Voici tout le monde connaît mais personne n'a lu. Il y a quelques remarques çà et là sur l'inanité de l'existence, le vide, les gens qui sont cons, et les surgelés Picard. Il y a aussi de temps en temps des formules lapidaires qui rappellent la poésie de Houellebecq, des petites phrases assassines qui commencent bien et finissent plat - j'ai bien aimé " cette vieille pétasse de Nietzsche mais je glousse dès qu'on prononce le nom de ce philosophe à cause des chevaliers qui disent Ni(etzsche).

Tout ceci m'a rappelé que dans ma fougueuse jeunesse, j'avais essayé de faire connaître et breveter une forme poétique appelée le Haiku Houellebecquien (HH pour les skaters), formule que je retrouve aujourd'hui avec plaisir. Le haiku est une forme de poésie qui se caractérise par sa brièveté et la fulgurance de sa pensée. Houellebecq étant à la fulgurance ce que Francken est à la décence humaine, je trouve l'idée cocasse. Il construit souvent ses formules en deux temps: un début grandiloquent qui retombe dans le trivial le plus triste, style " Elle était la femme de sa vie pendant les heures de fermeture du bordel"(mais en mieux). Ça ressemble à de l'anacoluthe (oh, nouvelle idée: L'anacoluthe Houellebecquienne: rupture et "petit cul ferme"). Il n'y a pas de raison qu'il n'y ait que lui qui s'éclate, alors voici le haiku houellebecquien du jour:

Puanteur tenace des espaces interstitiels,
je sors
les poubelles.

Cette douleur aiguë qui parfois m'interpelle
du fond
de ma Duvel.


Ah Michel.... Arrête de faire ta pétasse postmoderne et change de parka. Je te laisserai me fesser le fessier, que j'ai ferme comme la politique d'immigration hongroise, et je te parlerai de ma prochaine thèse, Fulgurances et platitudes chez Houellebecq : le petit cul ferme à 18h.

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