mercredi 18 mai 2016

Ecran total

Que faire un jour de Pentecôte, sinon regarder les 3 premiers trucs qui viennent sous la main? Bah voilà. Ces trois films n'ont donc aucun rapport - mais en fait si, comme on le verra à la fin.

The survivalist ne parle en fait pas de survivaliste, ce qui est bien dommage, mais plutôt d'un survivant paumé tout seul dans les bois dont on espère tout le film qu'il finira par retrouver son chemin et la civilisation mais en fait non - c'est bien un film postapo, dont on ne connaîtra jamais les raisons mais on s'en fout finalement. Le-type-qu'a-pas-de-nom fait donc sa vie pépère, cultive ses plantes et regarde le temps passer, jusqu'à ce qu'une vieille chelou se pointe avec sa môme qu'elle échange contre un peu de soupe. Bah oui, quand t'as rien à vendre, vend les miches de ta gamine, ça coûte rien. C'est une scène très bizarre, mais on ne pense pas assez à cet aspect du monde postapocalyptique: c'est quand qu'on tire sa crampe quand ça fait 8 ans qu'on vit seul dans un bois? En fait, dans les univers du genre, il y a toujours un peu de sexe de bikers ou deux-trois viols vite fait qui évacuent la question, mais c'est un peu facile. Bon, s'ensuit un compagnonnage un peu tendu entre les trois, toujours à moitié en train de comploter contre les autres, et d'essayer de piquer à qui son flingue, à qui ses clopes, ou d'empoisonner tout le monde aux champis magiques. Ça parle pas beaucoup, en même temps, autant d'années après la fin du monde, difficile de commenter les actus ou le dernier palmarès de Canne, qu'on est jamais content, d'abord rhalala. C'est évidemment très nature nature, avec cultivage de légumes et chipotage dans le terreau; s'il était malin, notre survivaliste pourrait se faire pas mal de maille en vendant son concept à des pouffes en manque de personnalité qui font des stages de cueillette de courges en Suisse. D'après Marie-Claire, c'est tendance, ça s'appelle du glamping, à savoir du camping + du glamour. On l'écrit aussi glandping, mais c'est pas la même chose.

Some kind of hate parle d'un truc aussi méga trop actuel qu'il est un problème trop absolument nouveau: le cyberbullying, rhaaaa. Parce qu'avant Facebook, les jeunes étaient trop miiignons et se harcelaient jamais, non - d'ailleurs, c'est Zuckenberg qui a inventé le suicide. Bref. Dans un centre de rééducation pour jeunes à problèmes au milieu du désert (parce que les problèmes viennent tous de l'Internet, c'est bien connu) dirigé par un vague gourou tendance beau gosse pédophile sur les bords, Isaac, un pauv'jeune, se fait emmerder par une bande de petits cons qui sont tellement forts qu'ils arrivent à le faire sans les mains et sans Twitter. Heureusement, Isaac se fait une pote venu de l'au-delà qui arrive à tuer les gens sans wifi - elle est trop forte. Après, ça part un peu en couilles - on a du mal à distinguer qui fait quoi à cause qu'il y a du sang sur le viseur. Mais bon. C'est une belle leçon sur le harcèlement, les jeunes et la vie en général. Il y a beaucoup de hard-rock prépubère, c'est rigolo. C'est par contre pas mal foutu, visuellement pas dégueu et correct dans le rythme ( alternance entre bain de sang et explications intenses/existentielles). Ça réussit même à être pas trop pathétique, c'est dire!

J'ai fini avec Cop car, qui parle lui, d'une voiture de police. Voilà. 
Non, en fait c'est surtout une histoire de mioches, un genre de Moonrise Kingdom chez les rednecks, mais du coup qui m'a fait chaun'au coeur. C'est l'histoire de Travis et Harrison, qui se tirent de chez eux avec pour tout bagage un carambar et un stock de gros mots. Aubaine, ils tombent sur une caisse de flics oubliée, avec les clés sur moteur. Grâce au ciel, il n'existe pratiquement plus de voitures manuelles aux States, ce qui permet à nos deux bambins de se tirer avec la caisse - il ne leur faut qu'une vingtaine de minutes pour comprendre les "vitesses", à savoir avant/arrêt/arrière. Le problème, c'est que cette bagnole n'est pas complètement là par hasard: elle est pleine de trucs bizarres dans le coffre que le shérif (Bacon, bel effort de moustache) va évidemment vouloir récupérer. C'est marrant parce que ça garde un côté film de gosses, drôle dans l'aspect ultra-naïf-mais-qui-disent-des-trucs-vrais-quand-même sans en faire trop, un truc un peu comics - dont pas mal de plans larges avec cette bête voiture qui traverse l'écran au milieu de nulle part et Bacon qui galope avec ses grandes jambes qui montent en l'air comme Coyote en panique de loser de campagne. Il y a aussi un peu de violence gratuite, ça c'est bien, et un côté bout du monde, paumé au bord des choses. 

The survivalist, Fingleton, 2015
Some kind of hate, Mortimer, 2015
Cop car, Watt, 2015

mardi 17 mai 2016

Driving miss crazy

Je poursuis mon exploration de l'esprit dérangée des madames au cinéma et faut dire que quand même, y'en a qui exagèrent - certes, elles sont un peu dingos, mais faut voir aussi d'où elles le tiennent, hein. 

Dans Out of the blue par exemple, je vois pas trop comment qui est folle: on y voit une petite meuf sympa comme tout, coincée entre une mère défoncée au crack et un père tout pourri qui sort de prison uniquement pour aller bosser dans une décharge publique où il passe son temps à courir après les mouettes. Bravo. Alors, certes, Cebe ( la petite) nous fait un combo musicalement chelou de scène punk et de revival d'Elvis et communique avec dieu via la radio d'un camion cassé (d'où son patronyme), mais quoi, bon. C'est un film de et avec Dennis Hopper, toujours aussi taré avec son beau chapeau de cowboy et sa flasque à la main. Il y a une bande-son assez dingue et on a franchement envie d'être pote avec cette Cebe qui sort de nulle part, parce qu'elle est franchement cool. Ses vieux, par contre, craignent à mort.

Ms 45 est un autre parfait exemple de c'est quoi, mais c'est qui qui les rend toutes folles: ces chiens lubriques que sont les hommes, ha! Non, allez. Enfin, on avouera que cette pauvre Thana déjà qu'elle est muette et qui se fait violer deux fois dans la même journée par des types qui se sont même pas concertés, on peut dire que y'a de quoi se demander quoi faire avec ce .45 qui traîne par terre à côté d'un cadavre, tiens, d'un type qu'on vient d'envoyer ad patres avec un coup de presse-papier. alors, Thana part un peu en couilles après, et va se mettre un tirer un peu dans tout ce qui remue la queue avec un peu trop d'engouement - en même temps, z'avaient qu'à pas. Du coup, le revenge trip prend un peu des allures de massacre pour le plaisir - mais pourquoi se le refuser finalement? C'est très beau et bien foutu, surtout dans le silence imposé à la victime devenue chasseur qui ne lâche pas un mot, même pas avec ses mains - c'est fou quand même. Et toujours dans un NYC électrique plein de bitume brûlant et de zones abandonnées genre apocalypse zombie.

Par contre, Safe est dans un genre différent: on y voit comment les fumées, c'est dangereux mais les tarés vegan probablement encore plus. Non, j'déconne. Carol, une gentille femme au foyer sans histoire commence à s'asphyxier petit à petit - au sens littéral: elle respire mal. Plutôt que de se dire que c'est sa putain de vie de tissus assortis aux canapés et de dîners avec les amis chirurgiens de son mari à ricaner doucement, elle en déduit qu'elle respire trop de merde. Et part dans le désert se vider les poumons avec des illuminés qui vivent en pyjamas toute l'année. On ne précise pas comment elle gagne sa vie pendant ce temps, ni qui garde les enfants, mais on s'en fout: elle va mieux! Elle une cabane en plexi et un tank à oxygène, yay. Le film est vraiment ultra bien foutu, avec des images superbes, des plans immobiles cadrés au centimètre près et une putain de qualité dans les couleurs, les pastels psychotiques de la première partie et les tonalités sables et bois de la deuxième, des situations prises au ralenti comme des tableaux un peu schizo d'une débandade existentielle bien postmoderne pour le coup. 

Out of the blue, Hopper, 1980
Ms 45, Ferrara, 1981
Safe, Haynes, 1995

mardi 10 mai 2016

Class of 1999: "It ain't gym class if a fat kid ain't crying"

Je suis tombée sur Class of 1999 en préparant un cours sur la dystopie: c'est dire si j'étais binaise de trouver un truc qui parle à la fois de contre-utopie ET d'autorité scolaire! N'ayant pas eu le temps de le voir, je ne l'ai pas utilisé et ne l'ai regardé que récemment: j'ai envie de dire ouf, parce que c'est un bon vieux nanard qui m'aurait probablement encore plus grillée dans l'enseignement que ce que je ne le suis déjà. Bref. Il faut en parler, parce que parler, c'est déjà comprendre un peu et mourir aussi, parfois. Tout ça.

Le pitch est plutôt simple: face à une recrudescence de violence dans les écoles qui ont carrément transformé toute une partie de la ville en zone de non-droit contrôlée par des jeunes rebelles pernicieux, un ministre audacieux fait appel à une entreprise qui fait des robots pour l'armée. Bon, il pourrait tout simplement envoyer l'armée dans les écoles, mais en ce moment, l'armée sert un peu à tout et n'importe quoi, alors faut la booker à l'avance si on veut s'en servir. Des robots donc. Vachement bien évolués, frais et bien gaulés (surtout Pam Grier) et avec des bonnes têtes de profs (= des lunettes, car ils sont intelligents). Placés en phase test dans une école particulièrement chaude du boudin, ces robocop de l'éducation vont mater ces petits cons en deux temps, trois mouvements et te les éduquer que ça va pas traîner.

Mais voyons comment fonctionne le programme "prof". Face à une situation critique analysée grâce à un mining astucieux (= se prend un couteau dans le dos) il se compose d'un ensemble de choix: éduquer ou discipliner. 


Une fois cette option choisie, on accède à un ensemble d'autres choix sur le type de discipline à appliquer: pratique! On ne saura jamais quelles sont les sous-options de "éduquer" parce que personne ne le choisit jamais: déception.


On peut même aller dans le raffinement et choisir ses mooves


Intéressant. Franchement, l'agreg serait beaucoup plus simple si on nous avait appris avec de chart flow dans le genre. Hélas, hélas, trois fois hélas, cette idyllique pédagogie se révèle inefficace! Non seulement la discipline ne semble pas être la solution, mais surtout, les robots deviennent de plus en plus méchants et malins (bien vu, ils sont profs). Ils vont donc commencer à foutre des raclées à tout va, qui feront kiffer dans leur culotte n'importe quel prof en secondaire mais qui ne sont pas du goût des gangs rivaux qui se disputent l'école et qui vont s'unir pour combattre le mal, rhaa! Le tout sur fond d'histoire d'amour à la West Side High School, entre une petite bourge et un jeune madmaxeux qui découvrent leurs premiers poils: c'est émouvant. 

C'est marrant parce qu'il existe une autre dystopie appelée Class of 1984 (évoqué ici) qui y ressemble du point de vue genre (des élèves tout méchants qui prennent le contrôle des écoles) mais qui va complètement dans l'autre sens avec une fin à la Vigilante et un bon fond un peu facho. Alors quoi, on a lu son Foucault entre les deux?

Seul le docteur Bob Forrest peut nous répondre. Mais là, il fomente son prochain crime capillaire.


 Class of 1999, Lester, 1990

lundi 9 mai 2016

L'émotion qui vous hante

L'avantage avec cette sélection, c'est qu'elle permet de passer tout et n'importe quoi comme ça, sans prévenir. Du coup, cette semaine, c'est Tarkovsky, des requins et du sous-Rodenbach.

Tarkovsky est le réalisateur le plus cité de cette liste - comme c'est mon préféré, je suis bien aise, ça veut dire que j'ai autant de goût qu'un lecteur des Cahiers, chic alors. Nostalghia est d'ailleurs un de ses rares films que je n'avais pas vus et quelle surprise ! (mais en même temps, pas vraiment). On y retrouve un écrivain à la recherche d'une vérité existentielle sur des terres mystico-délabrées, le tout dans une vague histoire d'amour ratée entre traductrice avenante présente et femme austère en noir et blanc absente (morte, quoi).  Ce cher poète à la recherche d'un compositeur compatriote se trouve pourvu d'une mission plutôt originale (en fait assez concon), celle de traverser un bassin d'eau avec une bougie sans l'éteindre. On dirait un peu Intervilles, mais en plus beau et plus existentiel. Bon, je déconne, mais c'est évidemment magnifique. La mélancolie, le passé sous forme de flaque pleine de souvenirs qui traînent au fond, tout ça pris dans des brumes qui font un peu flotter les gens, les sons et la lumière; c'est tout ça. On voit aussi beaucoup de reflets, de surfaces qui renvoient des lumières parfois bizarres, avec cette incertitude de la transparence de l'eau - on voit en-dessous mais aussi en face, et au-dessus finalement. Une partie du film se déroule dans une ville d'eaux et c'est frappant à quel point Tarkovsky est finalement très aquatique comme mec. C'est parfois de l'eau immobile, stagnante qui ne sert qu'à renvoyer des images, mais aussi souvent de l'eau courante, sans explication logique ( que fout cette rivière au milieu d'une église en ruine?) qui fait onduler le réel sur et sous sa surface. C'est lent aussi, et très Magrittien dans certains plans avec ce personnage toujours de dos pris dans un contre-jour. 

Toujours avec de l'eau et avec du mythe, j'ai vu Jaws, enfin! Je crois en avoir vu un bout étant jeune, mais ma connaissance du genre se limite à Sharknado (et oui, j'assume). Là j'ai tout regardé et j'ai bien aimé! Alors d'abord, ça se passe vers Nantucket, par là, vers Cape Cod et tous ces territoires mystérieux de chasseurs de baleines à petit bonnet rouge. Il y a donc des belles plages blanches, des vacanciers en short, des jeunes crétins avec des guitares sur la plage et des jolies vagues. Alors là-dessus débarque un méga shark, pas cool du tout, que personne croit qu'il est dangereux jusqu'à ce qu'il ait graillé trois chiards. Se constitue alors une bande de bras cassés à moitié alcoolo (des pêcheurs, donc) qui se proposent de lui niquer sa mère. Pas de bol, il est trop malin et c'est à un vieux pêcheur avec une revanche à prendre sur la vie que va être dévolue la lourde tâche de harponner la poiscaille. Un vieux loup de mer à la recherche d'un grand mammifère marin avec une dent contre tous rapport à ce qu'on lui a bouffé la jambe, ça vous dit quelque chose? Bah oui, on n'est quand même jamais très loin de ce cher Moby Dick (d'autant plus que le requin est un grand blanc, mouarf). Heureusement, c'est moins chiant et y'a plus de sang, rha! On peut donc rire à s'naise en regardant des gens se faire bouffer les jambes, jaillir d'une cale de bateau abandonnée ou faire exploser des poissons à coup de bonbonnes de gaz. Bim!

Il y a encore de l'eau dans le troisième film en fait - et c'est vraiment pas fait exprès. Don't look now raconte l'histoire d'un couple qui s'exile à Venise pour soigner tenter de soigner le deuil de leur petiote noyée dans la mare aux canards. Ils ont un deuxième enfant, mais visiblement, on s'en branle puisqu'ils le fourguent à un pensionnat pas piqué des vers pour aller faire les foufous en Italie. Bravo. Une rencontre avec une voyante aveugle et sa petite mère antique va mettre la femme du couple en mouvement sur une piste bizarre: sa fifille est là, elle veut lui parler, elle va bien. Le mari commence par se gausser de ces trucs de bonnes femmes, mais fini par se trouver pris au piège lui aussi - des statues qui bougent, des échafaudages qui craquent et un petit imper rouge qu'il aperçoit au détour d'un canal de temps à autre. Alors quoi, Bruges-La-Morte, ici? Oui, un peu. Il y a cette présence d'une absente noyée qui plane sur les canaux d'une ville morte, cette impossibilité d'enterrer le passé et ce côté fantastique de la névrose qui se déploie pour engloutir la raison. C'est adapté d'une nouvelle de du Maurier, dont on retrouve bien la touch gothico-noire, avec toujours un goût pour les architectures tarabiscotées et les escaliers dérobés.

Nostalghia, Tarkovsky, 1983
Jaws, Spielberg, 1975
Don't look now, Roeg, 1973

lundi 25 avril 2016

Driving miss crazy

J'avoue avoir un peu tiqué sur une des thématiques de l'offscreen: à part le titre qu'il est drôle, est-ce que c'est pas un peu phallocrate, ça, de montrer tout plein de films avec des nanas qui deviennent hystériques? Parce qu'on n'a pas non plus le monopole, hein - même si on sait très bien que pour une vraie crise de folie, il faut avoir un utérus, mais bon. Cela dit, j'aime les gens tarés et la sélection est plutôt tentante, alors pourquoi pas, finalement.

J'ai donc commencé par Fatal Attraction, grosse lacune dans ma culture cinéma et que voilà comblée! Une histoire d'infidélité banale qu'on devrait plus souvent montrer à ceux qui se demandent si un petit coup, comme ça en passant, ça vaut la peine. Parce que non, en fait, on risque quand même toujours de tomber sur une frappée qui va finir par venir vous foutre des coups de couteau pendant que vous prenez votre bain. Ce pauvre Dan aurait donc mieux fait de garder son zlip quand il croisa la route d'Alex - ses cheveux, par exemple, auraient du lui mettre la puce à l'oreille (= coupe mouton sous crack tendance 80's). Alex est donc une hystérique dans les règles de l'art, passant du suicide aux cajoleries, des insultes aux câlins et qui fait même des playlists de menaces - pour écouter dans les longs trajets. Comme Dan, à l'instar de pas mal d'infidèles, n'a pas beaucoup de couilles, il attendra évidemment d'y être plus ou moins forcé ("heuuu chou, y'a une meuf avec un grrrand couteau dans la cuisine?") pour avouer une faute qui est bien vite pardonnée - alors qu'on aurait pu efficacement faire d'une pierre deux coups avec le couteau, mais bon. Glenn Close est méconnaissable - mais c'est surtout les cheveux - en dingue vraie de vraie, avec ses grrrrands yeux flippés et sa voix déjà très Damages. Douglas se dépatouille là-dedans un peu comme son personnage: écrasé par cette nana complètement barrée.

On pourrait techniquement prendre n'importe quel film d'Altman pour parler de folie féminine, mais pourquoi pas 3 Women (y'a le mot femme dans le titre en plus). On y parle surtout de deux femmes mais en fait aussi d'une troisième qui reste un personnage silencieux qu'on ne voit qu'en peinture - ou presque- mais qui fait la boucle finale. Les deux femmes, c'est Pinky (Spacek, pré-Carrie) et Millie, infirmières dans un truc pour vieux et colocataires à la relation plutôt chelou. Déjà elles sont toutes les deux un peu zarbis à la base: Pinky en mode jeune fille cherche appartement à coller sa nouvelle idole et Millie, qu'a plein d'amis mais seulement dans sa tête et qui a des dents..... grandes on va dire. Comment dégénère la relation, mystère, mais ça pète et Pinky devient alors la méchante badass du couple, tandis que cette pauvre Millie dort sur le canapé du salon et se fait piquer son mec. Tout ça finira par un accouchement (vrai et métaphorique, donc) bien sanglant qui permettra aux deux de se trouver une troisième acolyte pour parfaire ce triangle de cinglées. Je retrouve beaucoup de Short Cuts, en tout cas dans l'image et l'ambiance, un peu lourde et molle, immobile et angoissante. 

Trouble every day est un peu un film de vampire en fait, pas trop de folle, mais bon (sauf si c'est Vincent Gallo la folle). On y voit deux personnages en quête de truc à grailler, nommément des gens humains, mais qu'on peut manger qu'après avoir couché (enfin, on dirait). Oui, c'est dégueu, mais c'est pas de leur faute: y sont malades, on vous dit! Tout ça à cause d'un vague médecin qui a fait des expériences sur des trucs pas nets qui ont fini par faire des gens avec des envies pas normales dans la tête. Shane ( Gallo) se retrouve donc à courir Paris à la recherche d'une réponse, d'un pote ou au pire, d'une petite à becqueter alors que sa jeune ( et bonne) épouse est avachie dans son 4 étoiles. Pendant ce temps, Coré ( Dalle), se bouffe tout ce qui passe, du clampin en camion aux petits jeunes désœuvrés. Pas bien propre tout ça. C'est franchement super beau, très lent et doux, avec une atmosphère un peu feutrée qui grince un peu puis qui montre parfois dans des jolies saturations - sonores aussi. Gallo fait un peu peur, Béatrice a la dalle (facile!) enfin c'est bien quoi.

Fatal Attraction, Lyne, ,1987
3 Women, Altman, 1977
Trouble every day, Denis, 2001

mercredi 20 avril 2016

Witch total

Sans le faire exprès - enfin un  peu quand même - j'ai regardé à la suite trois trucs de vrais sorciers, hésitants entre religion hystérique et magie noire. Wé!

J'avais vu des extraits de The holy mountain en regardant le documentaire sur le Dune de Jodorowsky et ça m'avait pas mal intriguée, du coup, m'y voilà. On suit une quête ésotérique un peu chelou - un Jésus en short doit aller chercher des sages sur une montagne avec une bande d'autres types venus de planètes bizarres - avec trop de péripéties pour vraiment le résumer comme ça, mais ce n'est probablement pas l'intérêt principal du film. C'est surtout un immense trip visuel, d'un niveau assez hallucinant dans les images, très plastique et ultra-comics d'ailleurs, fait de plans cadrés comme des cases de bd avec parfois des questions lancinantes - "mais heuuuu et donc en fait?". Parce que parfois, on comprend pas grand chose et on se demande à partir de quand la môman à Jodo a commencé à sucrer son bibi au teushi. Voire plus si affinités. J'ai retenu pour ma part quelques scènes qu'elles sont bien: le nain/manchot/cul-de-jatte  qui devient poto avec Jesus, trop miiignon; la fabrique d'armes pour hippies violents, dont la magnifique guitare/rifle;
death metal
 la grotte en arc-en-ciel; et une reconstitution de la conquête mexicaine par des crapauds (qui explosent à la fin, wiiii!). Enfin, y'a au moins un demi-million de trucs à retenir- probablement à revoir, en fait. 

Après, et comme mue par un instinct que je ne veux pas vraiment m'expliquer (je me fais déjà suffisamment peur comme ça), je me suis souvenue que je n'avais jamais fini The Devils, un film à moitié taré de possession chez les Cathares - ou dans une secte un peu médiévale du genre - dont je n'avais jamais vu la fin. Ça raconte en gros une histoire de possession dans un couvent (et visiblement un événement historique) en pleine Contre-Réforme et intrigues politiques dans tous les sens, donc j'ai pas tout retenu, mais alors qu'est-ce que j'ai pris! C'est un truc assez hystérique du début à la fin, un peu baby-of-Maconesque, avec des gens tordus, des gens tout nus, des trucs tout vermoulus et des prêtres potes avec Satan. On y voit une petite troupe de nonnes devenir folles les unes après les autres, soi-disant sous la coupe d'un curé qui prend l'amour du Christ au sens plus littéral que métaphorique: alors, est-il bon, est-il méchant? Bonne question! C'est difficile à savoir, car si les sœurs sont clairement en pleine crise d'hystérie collective, le cureton n'a pas l'air bien clean. Sa moustache, par exemple, me semble louche. Il y a des belles scènes de folie générale, avec arrachage de soutane et gestes obscènes à base de grrrrros cierges, plus en bonus un exorcisme de groupe qui fait presque regretter cette époque, tiens. Au moins, y savaient s'amuser. 

Pour finir et un peu sans faire exprès, j'ai enfin vu Perdita Durango, un film avec des sorcières au guacamole, miam. Perdita a l'air un peu à la masse et à force de zoner comme ça à la frontière mexicaine, finit par rencontrer un type tout ce qu'il  y a de plus correct, sorcier de son état et petit truand entre deux transes vaudoues. Comme ils s'entendent bien et que tout le monde sait qu'un couple qui fonctionne est un couple qui fait des projets d'avenir, ils décident de kidnapper et de tuer une paire de petits amerlos mignons comme des cougnous en sucre. Les pauvres sont bien blondins et niais, mais vont, grâce à leurs ravisseurs psychotiques découvrir les joies du sexe, la vie sauvage et la bière chaude. Mieux que les scouts, didon! De la Iglesia aime visiblement bien les trucs de sorcellerie et ça a un peu la même énergie que Les sorcières de Zaggramundo (?), dernier en date (en tout cas dans mes papiers): c'est fun, complètement barré, souvent dans le second degré avec un raffinement du détail qui laisse admiratif - les mangas pornos en fond sonore par exemple. Bon, parfois un peu chelou dans le son - je crois que j'ai eu une version post-synchro en espagnol, donc pas bien compris le pourquoi du comment. Mouais.

The Holy Mountain, Jodorowsky, 1973
The devils, Russel, 1971
Perdita Durango, de la Iglesia, 1997

dimanche 10 avril 2016

Ecran total

Toujours n'importe quoi, n'importe comment, mais à bien y réfléchir, j'ai un peu suivi l'actualité dans mon choix: histoire de terrorisme, affaires de putes et évasion fiscale dans le grand Nord.

Made in France est un film qui en a un peu chié, rapport à ce qu'il parle d'un truc qui est devenu vrai après coup et qui gêne un peu tout le monde - pas de bol, parce que c'est pas mauvais du tout. Il s'agit de l'infiltration  d'un journaliste dans une cellule djihadiste parisienne qui tourne mal - en même temps, on s'attendait pas à faire du macramé avec ces types là. Mais bon. On ne doit pas en raconter plus, mais c'est par contre très bizarre de recevoir le film dans ce contexte: pas parce qu'il est "prophétique", mais parce qu'il risque d'être mal compris et pris pour ce qu'il n'est pas, un film d'analyse. Ici, c'est assez clairement un film policier, avec des criminels, des flics pas cool et un outsider innocent qui s'en prend plein la gueule. Il y a des gros raccourcis, des trucs un peu invraisemblables, et peu ou pas de travail sur le fond, les causes, les raisons - c'est un film de castagne, quoi. Mais c'est bizarre, parce qu'un peu malgré lui, on attend qu'il raconte un truc, qu'il explique quelque chose, ce qu'il ne fait pas vraiment - et ne semble pas avoir l'ambition de faire. Boukhrief est toujours aussi excellent, que ce soit à l'écriture ou à l'image, avec un style nerveux, sec mais pas hystéro, une espèce de précision de chirurgien, de concision dans les mots et les plans: franchement, c'est un des rares réalisateurs de polar français que je supporte et c'est dire.

Comme si on avait que ça à foutre, vla-t-il pas que la gauche en manque d'inspiration décide de pénaliser la prostitution - c'est sûr que ça va faire avancer les choses, tiens. Bref, du coup, j'ai maté L'Apollonide: souvenir de maison close par solidarité - et aussi parce que j'aime Bonello d'amour vrai et pur. Comme son titre l'indique, il s'agit d'une tranche de vie d'une maison close fin du siècle avec ses petites histoire, ses tracas quotidiens ( "Ha non monsieur, on est fermé"), ses petits bobos ("Mince, la syphillis"), enfin, la vie quoi. On suit les filles comme des éléments indépendants mais en même temps brassées dans un groupe aux formes mouvantes, un ensemble flou et délicat, une petite famille légèrement tordue menée par une patronne qui sent venir la fin et les coutures craquer petit à petit. C'est visuellement superbe, filmé avec une sorte de douceur, de tendresse dans les plans, une légèreté presque parfois. Pas de pathos, même si certains passages sont pas forcément meugnons - je sais pas, une ambiance globale qui épaissit le tout dans une torpeur humide qui sent l'alcôve. 

L'évasion, pour finir, grâce à ce cher Leo qui a obtenu son oscar à force de froncement de sourcils de constipé pendant pas loin de 2h30 dans The Revenant, un film sur les vacances à la neige. Bon, on va pas reraconter l'histoire - un type laissé pour mort après une fight avec un ours revient pour se venger, un peu comme Jason - l'intérêt est bien évidemment dans la fastidieuse performance de Di Carpaccio qui est, faut quand même le reconnaître, pas mauvaise. Le petit sillon entre les yeux qu'il travaille depuis des années - en fait, depuis qu'il roule pour Scorsese et qu'il est donc un acteur sérieux - est enfin exploité à sa juste mesure, puisqu'il tient lieu de dialogue - faut quand même le faire! Personnellement, j'ai trouvé ça un peu fatiguant, mais j'aime les hommes en peau de bête qui se roulent dans la neige, alors ça va. Il y a par contre un très beau travail atmosphérique dans l'image, beaucoup de plans fixes de paysages plutôt beaux (un petit abus sur le plan "arbres en contreplongé" qui est utilisé à peu près 50 fois sur le film, ça fait un peu Instamaniac) avec de la neige partout, des ciels gris/blancs et des zones de pierres, bois, roche en noir et brun qui se découpent dessus, c'est chouette. 

Made in France, Boukhrief, 2016
L'Apollonide: souvenir de maison close, Bonello, 2011
The revenant, Iñarritu, 2016