dimanche 7 mai 2017

Ecran total

Un peu dans le désordre pour un début de mois en vrac et dans l'incertitude générale: la démocratie sera-t-elle sauvée? Ce suspensme! J'ai vu un truc de vengeance qui me fait de l’œil depuis un moment, une dystopie agricole trouvée en passant et un truc plutôt fabuleux que j'ai failli laisser filer.

Je vois depuis un bon moment cette affiche dans le métro et comme elle est très bien faite, il n'y a aucune info pertinente dessus - réalisateur, acteur, nombre de cadavres. Comme je suis une fille débrouillarde et que je jouis de nombreuses heures de loisir au bureau, j'ai pris mon petit clavier et ai cherché: ce film est l'oeuvre de Arevalo, qui n'est autre que le flic badass de La isla minima. J'en vois des (un surtout) qui chouinent derrière son écran - haaa, ce film lent comme la mort, fait de plans sublimes quasi immobiles du delta du Guadalquivir, pas de dialogues, peu d'action, beaucoup de sous-entendus et de moues de cow-boy! Heureusement, Tarde para la ira n'a absolument mais alors absolument rien à voir - ni dans la forme, ni dans le fond. Sauf pour le côté cowboy badass, mais ça c'est trending en ce moment, suffit de voir la collection spring/summer de Zara qui a visiblement été dessinée par un cowboy daltonien schizophrène en pleine décompensation. Tout ça pour dire. L'histoire est simple: Jose traîne dans un bar et se fait poto avec une petite équipe - le barman, sa sœur Ana, sa femme Pili et tout le tintouin. Jose n'est pas qu'un type sympa: il essaye surtout de mettre Ana dans son lit, sans savoir que son mec sort de taule dans une semaine après  8 ans à l'ombre pour un braquage où ses potes l'ont laissé en plan. Pas cool. Alors après 8 ans, où en est la vengeance - et surtout, de qui viendra-t-elle? J'en dis pas plus, c'est pas bien. Construit par petits chapitres qui claquent, avec une image qui bouge beaucoup, très près des corps, nerveuse et sans beaucoup d'état d'âme, c'est carrément dans le western postmo plutôt que dans la contemplation. Une fin qui fait bien mal et qui fait pan. Ouille.

The White King raconte une histoire pas follement intéressante plantée dans une dystopie argicole pas des plus fofolles. Un petiot voit son père partir entre deux militaires un soir d'été sans en savoir plus. S'ensuit l'attente, les questions, l'ostracisation et la mise à l'écart. Il ne se passe pas grand chose, si ce n'est les trucs habituels d'une dictature: les flics sont partout, y sont méchants tout plein, les chefs ont des supers bagnoles et de pralines Léonidas, et la moindre petite blague mal placée t'envoie en zonzon. Rien de bien surprenant donc, sauf à un moment, une rencontre au pied d'une décharge qu'on croit qu'elle va mener le scénario ailleurs mais non. Au final une fin un peu meh dont on voit pas trop l'intérêt. Jolies images ceci dit, pas nul dans le visuel dystopique, musique un peu arty. Mouais.

J'ai failli pas regarder Get Out parce que je croyais que c'était une rom'com - ça commence un peu comme ça: un jeune garçon va passer le weekend chez ses beaux-parents et découvre qu'ils sont bien différents de ce qu'ils prétendent - avouez que ça pue la comédie choupinou avec Robert de Niro en père italien en chemise hawaienne. En fait, trop pas. Chris, jeune black de son état, passe le weekend chez les Armitage, des gens extrêmement blancs et un peu chelou à la longue. Ils organisent justement une soirée, tiens, avec pleins d'amis, dis donc! C'est dommage d'en dire plus, le film est hyper bien foutu avec une composante horreur certes mais une longue prépa qui prend la plus grosse partie du film et qui est elle beaucoup plus flippante, grinçante parce pas trop loin de ce qui se passe en sous-main dans les rapports blanc/noir aux States aujourd'hui. Une forme bizarre de mal-être, des relations de surface très normales mais qui craquent un peu au niveau des coutures. Après, ça part en délire pur et plutôt chouette sur un thème que j'adore mais que je ne dévoilerai pas, pour se finir dans un bon bain de sang comme on les aime.


Tarde para la ira, Arevalo, 2016
The white king, Helfrecht & Tittel, 2016
Get out, Peele, 2016

vendredi 5 mai 2017

Franz is da shit

Grand-Verly, 2014

29 mars
Le plaisir que me procure la salle de bains. - Connaissance progressive. Les après-midi passés en compagnie de mes cheveux. 

Kafka, Journal 

lundi 1 mai 2017

Total freak

C'est parti d'une proposition indécente - le film Pieles - pour devenir un freak fest cette semaine - et pour une fois, pas tout à fait de ma faute, faut arrêter de me suggérer des trucs tordus, merde.

Dans le genre gluant, j'ai vu Hellraiser dont je pensais que c'était un jeu vidéo (??) mais en fait non. Steve et Julia ont bien de la chance: ils viennent de récupérer une super baraque en héritage, la chance! Comme souvent, la maison n'est pas en top état et la déco, pas trop ça. Entre les rats qui gazouillent et les asticots qui grouillent, c'est ambiance. D'autant plus que Frank, frère de Steve (et amant de Julia, c'est du joli) a laissé de ci-delà des trucs à lui dans la baraque avant de disparaître mystérieusement. Il a aussi laissé une partie de son ADN dans le sol, tiens, et va être ramené à la vie grâce au sang de Steve qui ne se doute mais alors là, de rien. A partir de là, le Frank est un truc plutôt gluant qui se met à retenter le coup avec Julia tout en lui expliquant un truc abracadabrant sur des Cenobites, un univers parallèle et des pratiques SM assez gore/ Mouais. En gros, il a accès à un autre univers dans lequel plaisir et douleur ne forment plus qu'un, mais qui est gardé par des types patibulaires avec des têtes chelous, dont mon préféré est sans aucun doute l'adipeux-cool:
Beau Goooosse!
Parce qu'on sait que toutes femmes sont des suckeuses pour n'importe quel type un peu ténébreux qui a mal à sa vie (et à son vit), Julia se laisse tenter par le diable et c'est le début de la fin. C'est pas mal fait, surtout les monstres, vraiment bien dégueu; par contre le truc de la boîte qui fait entrer dans un univers alternatif c'est un peu bof, on capte pas trop le truc SM - enfin c'est un peu torché n'importe comment.

Un poil au-dessus dans le bizarre, il y a The Greasy Strangler qui comme son nom l'indique, parle d'un étrangleur mystérieux recouvert de graisse bien gluante. Miam. Ronnie et son fils Brayden, un peu looser sur les bords, organisent des circuits touristiques consacrés à l'histoire de la disco, pipotant de ci delà des touristes en déroute. A part ça, ils mangent des saucisses grasses, du bacon graisseux et ajoutent un peu d'huile dans leur café le matin. La nuit, parfois, Ronnie se relève, se roule dans le gras, assassine un quidam puis passe au carwash se refaire une beauté. La routine quoi. Comme très souvent, arrive une femme dans cette dynamique bien huilée - et c'est le bordel. Janet, rencontrée au détour d'un tour, avenante et sympathique, commence par jeter son dévolu sur le fils pour se demander si le père n'est pas mieux membré (véridique Rivers). Pour l'intrigue, c'est à peu près tout: il ne se passe pas grand chose mais il s'en passe des belles. C'est difficile à décrire comme film, mais ça fait très très fort penser à du John Waters période Divine: des dialogues ultra plats déclamés dans un style de mauvais sitcom, des situations tendance scato, des personnages ultra-freak, pas mal de trucs sexuels un peu chelous et une petite musique qui fait ouin-ouin ( comme parfois dans Pecker). Au final, ça donne un truc plutôt drôle si on aime le wtf et les yeux qui font plop!

plop
Point de départ de ces tribulations, Pieles, truc de freak complet avec des fétiches sexuels bizarres, des détails anatomiques difformes, des sentiments gluants et quand même, au final, de l'amour - parce que c'est la vie! On suit en fait les tranches de vie de quelques personnages tordus, du dedans ou du dehors, qui se croisent, se touchent, se parlent parfois. Entre la fille qui a un anus à la place la bouche (et vice versa), la pute sans yeux, la fille au visage qui dégouline et le type qui rêve d'être une sirène, y sont mal barrés. Heureusement, le monde est bien fait et de freak à freak, on finit pas trouver un équilibre dans la névrose entre corps imparfaits et esprit vicieux. C'est un truc assez radical à plein de niveaux: ça va relativement loin dans le côté weird tout en se déclinant dans un univers complètement pastel, mauve et rose, avec des pulls assortis aux rideaux. Comme dans les deux films précédents, on se rend compte que les films de freak sont très souvent organisés autour du rapport au sexe et au désir (du  paragonique Freak à la saison 5 AHS qui s'amusait pas mal avec ça): pourquoi et comment on aime, on baise, on désire quand on est dans cette zone à la limite de la normalité tout en étant (quand même) humain? Que la sexualité soit un référent pour mesurer le degré de normalité et le centre autour duquel se cristallisent les questions de difformités, c'est pas nouveau et Foucault en parle sur des pages assez magnifiques ici - parce qu'on y revient toujours, à Michel.

Hellraiser, Barker, 1987
The greasy strangler, Hosking, 2016
Pieles, Casanova, 2017

vendredi 28 avril 2017

Ecran total

Dans les brumes glaciales du mois d'avril parfois se dresse l'espoir. Et parfois c'est la tronche du prochain banquier à la tête de la France et on a tous envie de se tirer une balle à bout portant entre les deux yeux. C'est la merde et vous voulez des vacances? Rien de plus simple, devenez un fantôme! Vous pourrez toujours avoir des amoureux virtuels, taper la discute avec votre sista et faire des calinous à vos enfants, yo.

Her, c'est un peu l'histoire d'une relation fantôme. Ou comment une technologie trop de la balle arrive à créer des AI (ici sous forme d'OS, on se demande si quelqu'un s'est pas planté dans le scénar') qui sont trop naturelles et qu'ont des voix qui sentent le sexe: trop ouf. Le pauvre Theo a une vie pas si mal: il écrit des lettres d'amour pour des gens qu'il ne connaît pas, a un appartement trop beau et une voisine hystéro trop mignonne. Ses fringues craignent un peu mais bon. Est-ce une raison pour avoir envie de sortir avec un fantôme in da cloud? Pourtant pas prévu, Théo s'achète un OS trop chou qui lui écrit des morceaux de musique et organise ses mails: tout ce qu'on attend d'une femme quoi. Il en tombe donc amoureux comme à 17 ans et décide de faire fi de la morale et de tout le reste: son OS, il l'aime et il va le faire savoir. Le film est super bien foutu du point de vue visuel avec une atmosphère un peu futuristo-pastel dans des tons rose, mauve, bleu clair ce qui change des ambiances métallisées habituelles, une bande-son un peu cotonneuse, des jeux d'acteurs très retenus, un peu lents, des voix toujours un peu douces, presque un chuchotement dans une lumière de fin de journée. Au niveau du scénario, c'est parfois un peu étrange – surtout quand on pense à l'état des AI pour le moment – mais c'est finalement plus une histoire de rencontre, de deuil, de vie quoi.

Les relations fraternelle par fantôme interposé, c'est Personal Shopper un truc assez foutraque à la base mais en fait super cohérent quand on y pense. Maureen est personal shopper pour une nana super riche qui n'a pas que ça à foutre que s'acheter ses culottes elle-même. Un métier passionnant s'il en est: aller chercher des fringues, ramener des fringues, choisir des fringues, prendre le train avec des fringues, et regarder des photos de fringues. Hum. C'est un job dont rêve un bon nombre de pisseuses/blogueuses de mode et pourtant, pour Maureen, c'est un truc purement alimentaire. Son truc dans la vie, c'est parler aux fantômes et surtout, celui de son frère jumeau, mort sans prévenir à 27 ans. Vu comme ça, on se dit: what? Un film sur l'identité, le deuil, le vide des existences modernes ET un film avec des maisons hantées et des ectoplasmes qui apparaissent en faisant Bouh!? Mais comment? Hé ben oui! C'est super bien fait et dans le fond très logique – à la recherche d'un fantôme ou d'un signe, Maureen est une sorte de fantôme qui remplace une femme dans ses fringues qu'elle ne la verra jamais porter, une femme d'ailleurs toujours absente – comme un fantôme quoi – qui n'apparaît que par petite lettre laissées ça et là. L'intrusion du fantastique est vraiment bien faite, avec une très jolie tension, pas de raté dans le visuel ectoplasmique (je sais pas comment dire ça autrement) et pas mal de finesse dans les émotions.

Dans Good Night Mommy, le fantôme c'est Maman.
Goodnight, momie!
Elias et Lucas ne reconnaissent plus leur môman après une opération esthétique (il faut dire qu'elle fait un peu peur à la base déjà). Alors passer tout l'été dans une bicoque style rêve mouillé de fan d'Ikea au milieu de la campagne autrichienne, heu bof. Le doute s'installe et avec lui, des mauvaises idées: faisons-lui cracher où elle a caché notre vraie maman. En voilà une idée qu'elle est bonne. Dans un premier temps c'est un film qui fait un peu Haneke – des relations qui ont l'air bien glauques entre une mère et ses deux fils, un peu d'hystérie obsessionnelle, pas beaucoup d'affection et une ambiance familiale plutôt pourrie dans le genre janséniste. Puis vient la bonne idée – faisons- lui cracher le morceau et là on tombe dans un film plutôt gore, complètement fascinant du genre qui te cloue dans ton pauvre fauteuil en répétant wtf mais wtf mais wtf.

Des images très jolies super flippantes, avec des jolies idées de trucs flous en fond sur les murs qui contribuent à créer ce truc fantomatique au niveau apparence/identité (à voir avec le twist final, super joli coup!). Esthétiquement, c'est fort dans la lignée de Seidl qui produit d'ailleurs le film – plans fixes, verticaux, images brutes, sans mouvement ou grossissement. Un truc hiératique et froid avec très peu de mots.

Her, Jonze, 2013
Personal Shopper, Assayas, 2016
Good night Mommy, Franz & Fiala, 2015

dimanche 16 avril 2017

Apocalypse, baby!

Vu l'équipe de klet avec des noms à la con qui se battent pour un petit poste à la tête de l'Etat de l'autre côté de la frontière, l'apocalypse semble de plus en plus proche: alors quoi, que faire, où courir, où ne pas courir et comment s'y préparer? Trois films à voir pour vivre la fin du monde en toute sérénité et en trois temps: avant, pendant et après.

Avant l'apocalypse, c'est Salt and Fire de ce cher Werner dans lequel on retrouve mon idole absolue à savoir Michael Shannon, toujours aussi cinglé. Ce film raconte un voyage scientifique qui tourne mal. En effet, plutôt que par une délégation d'universitaires en pull jacquard, l'équipe du professeur Sommerfeld est accueillie par des types patibulaires en cagoules. Pas cool. Transportés dans une bicoque pas chiée au milieu des bois, on finit par comprendre qu'ils ont été enlevés par Riley (Shannon) le type responsable de la catastrophe naturelle qu'ils sont justement en train d'étudier. C'est ballot. S'ensuit une histoire étrange, avec discussions philosophiques sur l'anamorphisme (on a bien lu son Lacan) et sur l'avenir du monde: celui-ci sera-t-il bientôt réduit à un gigantesque désert de sel? Si oui, quel matériel emporter pour aller faire du camping? C'est très très très space, on ne comprend pas tout ce qui passe par le tête de ce Monsieur Riley et on se retrouve tout paumé dans cette histoire complètement bizarre et assez foudroyante dans la beauté et la lenteur d'une fin du monde en train d'avoir lieu au ralenti. On aimerait parfois pouvoir partir en vacances dans le cerveau d'Herzog (si quelqu'un a un plan r'b'n'b?) pour savoir quoi et comment. Mais on peut aussi juste se laisser glisser le long des plans en forme de vertige du mouvement, des travellings qui filent sans trop se poser de questions. 

Pendant l'apocalypse, il faut surtout, surtout rester calmes et ne pas se mettre à faire n'importe quoi. Dans Ni le ciel ni la terre, on retrouve une petite troupe de soldats français en poste en Afghanistan qui surveillent un coin de terre dont tout le monde semble se foutre complètement. Sauf que. D'abord un chien, puis un type, puis un autre disparaissent comme ça, sans laisser d'adresse. On a beau chercher, pas de traces des disparus, pas un coupable à l'horizon et pas vraiment de réponse. On s'énerve un peu dans tous les camps, on cherche sous chaque caillou mais force est de constater qu'y a plus personne. C'est également un truc super déconcertant parce que super réaliste tout glissant progressivement loin du réel et du monde. Il y a beaucoup de questions sans réponse et autant de tentatives de trouver une explication qui ne vient jamais. Le tout vu partiellement à travers de jumelles, des lunettes infra-rouges avec des formes incertaines qui se dessinent comme des fantômes qui hantent des morceaux du monde qu'on dirait pas très loin des limbes. Parfois un peu lent, mais assez puissant dans la tension, dans le choc frontal et répété d'une conscience qui se cogne à ce qui est peut-être le début de la fin.

Après l'apocalypse, ne pas essayer de faire le malin et d'avoir des sentiments pour les gens; on ne vous le répétera jamais assez, les gens sont méchants. Dans The girl with all the gifts, les méchants en question sont des enfants qu'ont l'air trop mignons mais qui comme chacun sait, ne sont que des créatures sanguinaires assoiffées de cerveau humain. Ce film débute dans une ambiance un peu Clockwork Orange: camp de rééducation avec des petiots sanglés sur leur chaise dont on se demande bien ce qu'ils ont fait pour mériter ça - on le saura bientôt. C'est très dommage de raconter plus que ça sur l'intrigue parce que c'est justement ce qui en fait un truc excellent - on ne sait pas très bien toujours où ça va, sauf à partir d'un certain point où on retombe dans un film postapo type invasion zombie (mais en mieux). Il y a des images assez géniales, des décors sublimes, une idée de fin du monde qui envoie la civilisation se faire bouffer par la nature, des trucs super drôles comme ça qui viennent de nulle part et une bande-son très Utopia, normal puisque c'est Tapia de Veer qui s'y colle. Vivement l'apocalypse!

Salt and fire, Herzog, 2016
Ni le ciel, ni la terre, Cogitore, 2015
The girl with all the gifts, McCarthy, 2016 

dimanche 9 avril 2017

Come outside and play

Ça y est, c'est l'été: y fait beau, y fait chaud, les clodos sèchent au soleil et la place Flagey recommence à avoir cette odeur de marché couvert mexicain (un petit air de viande faisandée saupoudrée de fluides humains divers et de bière éventée). Tout ça nous donne envie de partir faire les foufous dehors, de prendre notre sac à dos et notre masque à gaz vintage et d'aller profiter de la nature, ses oiseaux, ses arbres en fleurs, et ses psychopathes primesautiers qui folâtrent dans les bois. Une sélection de films à voir avant de partir faire n'importe quoi quand même.

Si vous partez dans le Nord, un bon conseil: déjà n'y allez pas, y'a rien à voir par là, parole. Plus sérieusement, ne faites pas d'autostop si vous êtes une frêle et fragile jeune fille et qu'un tueur fou rôde dans le coin. Ça parait évident mais pas pour les quelques petiotes de La prochaine fois je viserai le cœur, qui n'en ont visiblement rien à cogner. Alors d'accord, c'est les années 70's, tout le monde est funky, mais quand même. Ce film raconte un fait divers connu de tous les fans de Faites entrer l'accusé qui se respectent: celui du gendarme tueur fou, Lamare. Le récit est pris du point de vue du tueur, avec une approche pas conne: sans chercher à rentrer dans les détails, avec des largesses fictionnelles qui sont signalées (le héros n'a d'ailleurs pas le même nom), on construit sans commentaire une image, une vision des choses qui échappe au gore ou au pathos. Alors, certes, on voit quand même quelques meurtres - ce serait dommage, sinon - mais pour le reste ça donne quelque chose qui sort du film de serial killer à sensation, un truc presque normal et du coup assez glaçant.

Autre destination prisée pour les aventuriers: Desierto, ou la traversée illégale de la frontière MX-USA, un trip sympa et original qui va impressionner tous vos amis sur Instagram! Cependant, gare à vos miches, car il rôde dans certains coins, un type patibulaire, patriote désabusé et à moitié cinglé qui n'est autre que J. Dean Morgan, aka Negan-the-vegan! Ce cher Sam donc, car c'est son nom, joue à tirer le mexicain qui passe la frontière. Passe-temps intéressant s'il en est mais qu'on aura du mal à remplacer quand y'aura un mur. Mais bon. Dans l'autre équipe, une bande de mexicos dont ce cher Garcia Bernal, qui joue Moise, hé oui, celui de la terre promise. Que tout ça est symbolique. Bref. En gros, c'est une partie de chasse dans un désert de pierres, de rochers, de cactus qui piquent et de soleil qui cogne sa race. C'est franchement sublime pour le cadre (mais j'ai un truc pour les zones dévastées), très beau dans les images. Sans grande surprise dans le déroulé de l'intrigue (à la fin, ils meurent) mais avec un mini-twist à la fin. C'est un film qui force à se poser des questions existentielles: pourquoi est-on tout tourneboulé par la mort d'un clébard-qu'il-est-trop-chou alors que ledit clébard vient de bouffer pas moins de 5 mexicains sans qu'on renverse notre tisane pour autant? Est-ce parce que le chien, quand il meurt (et un peu comme le docteur), couine, tandis que le mexicain meurt dans un gargouillis sanguinolent de ChingadaPincheCabron? Ou sommes-nous déjà en train d'être gagné par ce cancer qui a atteint les States il y a quelques mois? Bouh.

Si vous survivez au désert, vous pouvez mettre le cap sur Carnage Park, un coin du Texas pas dégueu habité par un cinglé solitaire (encore un! décidément!) qui ne quitte jamais son masque à gaz et son fusil de chasse. Lorsqu'un duo de braqueurs s'aventurent sur son turf avec leur pauvre petite otage qui n'a rien demandé à personne, c'est évidemment une belle occasion pour faire découvrir aux touristes les particularités locales: potences, cadavres crucifiés, mines abandonnées, rien de tel qu'un guide du coin. Le reste du film est donc une chasse à la pauvre fille qui s'avère être méga badass en fait et qui va réussir à faire pas mal de dégâts. Bel effort dans l'ensemble, cadre sublime, psychopathe comme il faut, et surtout musique excellente. Trois trucs moins bien quand même: les 20 dernières minutes = dans le noir genre filmé dans les chiottes du Barlok, un peu d'exagération niveau filtre sépia Instamapute et quelques moments un peu trop Tarantinouille - genre je-me-recoiffe-au-ralenti-avant-un-bracos-tandis-qu'on-entend-un méchant blues-thaïlandais


La prochaine fois, je viserai au coeur, Anger, 2014
Desierto, Cuaron, 2016
Carnage Park, Keating, 2016

jeudi 6 avril 2017

Meuf, total.

Cette semaine, plein de films avec des meufs dans le titre parce que quand, même, quelle consécration, quel bonheur que d'être des muses de réalisateurs en chaleur, n'est-ce pas mesdames? Evidemment, un film, une fille, c'est pas toujours win-win, surtout pour la fille en question: voiture qui tue, AI qui zigouille et alcoolo en vadrouille, merci pour elles, vraiment.

La bagnole qui tue, c'est Christine, un film à montrer à tous les mecs qui conduisent leur bagnole comme si c'était la prolongation de leur phallus: faites gaffe, elle aussi finira par vous la couper! Adapté du roman de Stephen King, c'est une histoire très King: ado brimé, pauvre nerd qu'on lui fait tomber ses lunettes meets être surnaturel qui va l'aider à devenir méga badass et se venger de tout le monde sauf que patatra, l'être en question finit par être suffisamment nourri de haine pour prendre son indépendance, ouvrir ses ailes, et voler vers le large comme le bel oiseau qu'il est, snif. C'est émouvant. Arnie, jeune geek aux parents un peu cathos cinglés sur les bords, se trouve une bagnole qui va l'aider à devenir un homme: elle est belle, elle rutile et elle s'appelle Christine. Du coup, Arnie perd ses lunettes et devient super BG, il s'achète une veste en cuir et se tape la nouvelle méta-bonne qui suçotte son crayon en bibliothèque. Mais c'est sans compter sur les méchants du lycée qui comme ils n'ont jamais lu King, ne se doutent pas qu'il faut arrêter d'emmerder un geek quand celui-ci est en mode revanche sur la vie. Ils s'en prennent donc, malheur, à Christine, ce qui rend Arnie tout rouge et tout fâché. La voiture, elle, va bien, puisqu'elle se régénère d'elle-même. Trop pratique! S'ensuite des courses poursuites, des explosions, des regards qui ne trompent pas. Le tout est très bien foutu surtout l'aspect musical: il y a une histoire en sous-main sur le rock'n'roll et son côté entêtant et mortifère (c'est la zique préférée à Chrichri) dont la conclusion sera sans équivoque " God, I hate rock'n'roll". La bande-son est d'ailleurs une des meilleures de Carpenter, toujours dans les bonnes mélodies synthétiques mais avec un petit truc de rythme qui cogne derrière (pour aller fort dans la voiture avec les ampli tuning ou quoi?).

L'AI qui tue, c'est Morgan, une petite créée à partir d'ADN synthétique et élevée dans le plus grand secret dans une super baraque de bâtard au fond des bois. On se pose plein de questions sur elle: est-elle un être doué d'émotions? Va-t-elle se remettre à crever les yeux des gens quand elle n'est pas d'accord avec eux, comme elle en prend le chemin? A quel âge aura-t-elle ses règles? Qui sont ses amis sur Facebook et surtout, quels sont leurs réseaux? Pour tout cela, une équipe de scientifique + un spécialiste des réseaux sociaux diplômé de l'UCL l'encadrent afin de mieux la comprendre. Mais Corporate, qui est un grand truc très méchant qui n'en veut qu'au fric, se demande s'il ne vaudrait pas mieux tout simplement éteindre Morgan, un peu comme moi quand ma VM implose pour la troisième fois en deux heures. Ils envoient donc une experte super froide et calculatrice afin de faire du risk assessment. Une mission qu'on aurait dû évaluer au niveau du risque avant de la lancer (du meta-risk assessment disons), car elle s'avère effectivement risquée. On traite de beaucoup de choses dans ce film, pas forcément de trucs très nouveaux (être ou ne pas être un robot? Qui vit, qui ne vit pas? Peut-on vraiment crever les yeux des gens qu'on aime pas? Et si on était en fait genre TOUS des robots?) et pas forcément très en profondeur (débat = trois lignes de dialogue). Mais on est plus là pour la fight que pour se chier un Hamlet bis donc, pas grave. De ce côté-là, c'est bien, très bien foutu: super bagarres (de filles! Hiiii!!), chouettes face-à-face tendus, jolis contre-champs et mignonne atmosphère claustro. Ça va vite, très vite, avec des moments plus mous zet choux mais dans l'ensemble très gai.


La dernière muse de notre tableau n'a même pas de nom, puisqu'il s'agit juste de The girl on the train. Non mais ho! Quoi ici? On a des noms, hein. Bon, ici, le titre mystérieux, c'est parce que c'est une affaire super énigmatique. Rachel, fraîchement divorcée qui profite un peu trop de la vie, a le sentiment d'assister, à la fenêtre du train, à un meurtre. Enfin non, à une bête infidélité mais bon de quoi je me mêle. Le problème, c'est que Rachel est un peu toujours super bourrée, du coup, pas évident de savoir ce qu'elle a vu ou pas, c'est ballot.  Cependant, l'esprit d'un alcoolo étant toujours suffisamment monomaniaque pour ne pas lâcher l'affaire, Rachel va se mettre sur le coup quand un meurtre est commis. Et va découvrir plein de trucs, dont beaucoup de choses sur elle-même qu'elle ignorait (pas difficile quand une partie de ta vie se passe pendant des trous noirs). Suspensme! J'ai vu passer le mot Gone Girl pour parler de ce film: heu, je sais pas. Alors oui, il y a une girl et il y a une gone et il y a un truc-qu'on-dirait-pas-que-c'est-ça-mais-en-fait mais pour le reste, je vois pas le rapport. C'est par contre vachement bien fait comme adaptation de roman. Suffisamment de voix off pour reprend la voix narrative, sans que ce soit lourd, suffisamment d'élément visuels sans que ce soit redondant – ceci dit, je n'ai pas lu le livre, donc difficile à dire. 

Christine, Carpenter, 1983
Morgan, Scott, 2016
The girl on the train, Taylor, 2016